Ce n'est un secret pour personne, certains groupes jouissent a posteriori d'une réputation hallucinante, parfois complètement usurpée. On peut y voir plusieurs raisons... Par exemple, si on prend ce mini de Thorr's Hammer, le fameux Dommedagsnatt (enfin, "fameux", toutes proportions gardées évidemment), rien que le line-up, y'a de quoi l'avoir toute dure (et je ne parle pas de Runhild, bande de malapris !). Voyez plutôt : Stephen O'Malley, Greg Anderson, James Sykes, et une petite blonde douce et mignonne, Runhild Gammelsæter, de 17 piges à peine aux vocaux ! (ainsi qu'un sombre inconnu répondant au nom de James Hale à la basse, dont toute le monde se fout, mais qu'on s'attèlera tout de même à citer par charité déontologique). Dans le cas présent, il y a encore plusieurs autres raisons. D'abord parce que non content d'être un des rares morceaux de doom death brutal et extrêmiste sorti au début des 90s (pas de claviers, de mélodies, d'instruments extra-metallique etc etc...), c'est justement une gamine au chant, et parce que sans exagération (mais par ma barbe alors aucune !!), la fillette balance au placard avec une aisance tranquille un bon 90% des vocalistes death doom toutes générations confondues ! (d'ailleurs, faites donc le test : si vous en avez, passez ce disque à un de vos amis, et appréciez avec déléctation la déconfiture sur son visage, en lui annonçant que c'est une madame à la voix...). Ensuite parce que ladite rondelle, qui a maintenant déjà quelques arguments, fut enregistrée en deux soirées, rien de moins... Et puis, la touche finale : comme tout objet de culte qui se respecte, ce mini, et ce malgré de nombreuses rééditions, reste particulièrement difficile à dénicher, ben voyons...

Bref, avec un CV pareil, inutile de dire que T'sH, ça a déjà de la gueule...
Coup de chance, en Juin 2004, Southern Lord se décident a re-rééditer la chose, et cette fois, ils mettent les petits plats dans les grands : les trois titres originaux du mini, plus un quatrième titre inédit enregistré live d'époque (!), une section multimédia avec une vidéo complète de l'un des deux uniques concerts du groupe, en couleur, et enregistré en 1995 (!!), le tout dans une boitier au booklet de grande classe, avec paroles et tout et tout, et bien évidemment des photos de Runhild en veux-tu en voilà, pour enfoncer le clou (dans le genre : ah, elle est toute seule dans le groupe ?).

Fort de tous ces arguments, évidemment, le sang du doomeux lambda ne fait qu'un tour : il se jète tous crocs sortis dans la recherche de la chose, et fini par mettre la main dessus après deux mois de trimage particulièrement épique (dans la famille "réédition la plus mal distribuée de tous les temps", bonne pioche !). Une fois la bestiole insérée dans le lecteur, l'illusion subsitera encore durant une dizaine de minutes : «Norge». Alors là, oui. Disons le franchement que bordel de grosse queue que ça défenestre les orifices ! Une douce mélopée nordique nasillarde chantée par la miss - ... - GUITARES FAÇON CONCOURS DU RIFF DEATH DOOM LE PLUS PACHYDERMIQUE ET NIHILISTE DE TOUS LES TEMPS SUR VOCAUX GUTTURAUX ULTRA MÉGA PUISSANT - .. - une douce mélopée nordique nasillarde chantée par la miss - .. - GUITARES FAÇON (...) et puis bref, on recommence jusqu'à la crampe chronique dans les cervicales... Jusque là, tout va bien...

Mayday ! Mayday ! Le groupe se saborde ! Ben voilà, oui. J'appelerais ça, en ce qui me concerne, le syndrome Stephen O'Malley. À partir du deuxième titre, le groupe se cantonne à du doom death toujours aussi puissant et nihiliste, mais à l'extrêmisme si prononcé qu'il en devient fortement sludge-isant. Fini. 20 minutes de riffs à la M.E.G.A.S.O.M.A.D.O.O.M. plutôt mega SOMA poussifs (euphémisme ?), et de grunts non stop sans la moindre interlude ou variations, 20 minutes de doom death ultra primitif, à l'interêt rythmique plus que douteux, parmi les trucs les plus chiants jamais entendu... Et le plus triste, dans l'histoire, c'est que pris à part systématiquement, ces titres auraient probablement fait leur petit effet... Je veux dire, virer au choix Norge, ou les deux autres titres, mais les deux entités sont en matière de jouissance parfaitement sexuellement incompatibles... Tiens une bonne preuve, le titre bonus, le live donc, vient remettre les choses à peu prêt à leurs places, via un son absolument énorme, à vous faire gerber des lames de rasoir ! Mais non, rien n'y fait, ce disque n'est pas un incontournable, ce mini de Thorr's Hammer n'a de légendaire que sa réputation, et cette réédition s'avère finalement aussi dispensable que - je sais pas moi... - l'album de Gérard Darmon, tiens... Et tant qu'a faire, pour un disque avec ce casting (moins Runhild), lancez vous plutôt dans la recherche du Crippled Lucifer de Burning Witch, qui lui, vaudra réélement l'investissement ! En français, on appelle ça la désillusion...


Rédigé par : Møjo | réédition excellente d'un disque moyen/ | Nb de lectures : 10158