THINE - The Dead City Blueprint (Peaceville) - 12/12/2014 @ 08h35
Les reformations. Autrefois fantasmées, désormais attendues, elles ont progressivement perdu de leur impact. Au delà de cette banalisation, les musiciens ont fort à faire pour retrouver une alchimie et convaincre un milieu en constante mutation, évoluant au gré des dernières 'innovations' technologiques. Informés et exigeants, les passionnés ont des attentes précises et ne s'en laissent pas compter. Le constat est clair, réussir son come-back relève plus que jamais du tour de force. Intéressons-nous au cas de Thine. Disparue au début des années 2000 après 2 albums sortis chez Peaceville, cette formation britannique effectue un retour inattendu avec ce nouvel effort studio. Grâce au net les Anglais ont désormais la possibilité de se faire connaitre du plus grand nombre.
Mais avant de nous engager dans les ruelles délabrées de cette cité morte, prenons le temps de la découverte. De leurs débuts à la genèse de ce 3ème album, de nombreux éléments vont nous permettre de mieux cerner Thine et d'avoir un regard plus avisé sur The Dead City Blueprint.
Pour les impatients rendez-vous directement au paragraphe 6. (après la photo)

L'année 1993. West-Yorkshire, fief de Paradise Lost et My Dying Bride. Le multi-instrumentiste Paul Groundwell, le chanteur Alan Gaunt et le batteur Dan Mullins fondent Blood of Thine. En 1996, le trio réduit son patronyme à Thine, pour éviter d'être confondu avec The Blood Divine. Pour l'anecdote, Dan Mullins connait une mésaventure similaire avec son autre groupe, Epitaph devenant Broken. Mais recentrons-nous sur Thine. Influencés par Primordial, les Anglais développent un style à la croisée des chemins, entre black épique et folk metal. Toujours en 1996, Thine investit les Academy studios pour mettre en boite son 1er enregistrement pro sous la houlette de Keith Appleton (Gothic, As the Flower Withers, Serenades, Vempire) avec la participation de la choriste Key Field (Lost Paradise). Il s'agit de Journeys, une Demo 2 titres bénéficiant d'un visuel en couleurs signé Dylan Rhodes (dont on reparlera plus tard) et distribuée par le label italien Black Tears of Death. Les 18 minutes de Journeys sont plus que convaincantes et font de Thine un nouvel espoir de l'Underground britannique. Dès lors tout va s'accélérer.
[Pour les curieux, direction leur page youtube pour écouter A Tower Above The Shores et Into The Home Of Pride (Amongst Angels).]

En 1997 Thine intègre un bassiste permanent, Mike Houzam (Broken, ex-Epitaph), afin de développer son activité scénique (première partie de Primordial et Mayhem). Enregistrée peu après Journeys, leur Blue Tape réservée à l'usage promotionnel leur ouvre les portes de Peaceville, juste à temps pour contribuer à "X", une compilation de reprises hors metal pour les 10 ans du label. Après avoir envisagé The Moody Blues, GGFH et Slayer version psychédélique, Thine arrête son choix sur Song of Joy, extrait des fameuses Murder Ballads de Nick Cave. Méconnaissables, les Anglais étouffent la concurrence, grâce au travail de leur 5ème homme, Keith Appleton, ici aux claviers. Un avant-goût prometteur de leur 1er album. Mis en boite aux studios Academy en janvier 1998 sous la houlette de Mags, A Town like This sort en juillet et bénéficie à nouveau des contributions de Keith Appleton et de Key Field. Unique en son genre, cet opus intriguant et tortueux évolue aux confins du gothic metal expérimental et du rock progressif. Dans Hard n' Heavy, Zoltar le décrit comme la rencontre d'Anathema et King Crimson. A Town like This confirme le potentiel de Thine et leur permet de tourner en support de Misery Loves Co. et... Anathema. Mais le manque de promotion et une activité scénique plutôt réduite font que le soufflé retombe assez vite.

Pas pressés, les Anglais peaufinent leurs nouvelles compositions. Un promo 3 titres est enregistré en 2000 mais son contenu restera inédit (à l'exception du morceau Bleak Blue Hour). Thine ne réapparait qu'en mars 2001 à l'occasion du Peacefest, partageant l'affiche avec Beyond Dawn, Soundisciples, Katatonia et My Dying Bride. 3 shows sont donnés en 3 jours dans 3 pays différents: Angleterre, Belgique et Pays-Bas. En septembre, le quartet Groundwell/Gaunt/Mullins/Houzam investit des studios Academy modernisés, découvrant avec Mags l'enregistrement digital et l'utilisation de Pro-Tools, le mixage étant réalisé aux fameux Abbey Road. Nommé
In Therapy, ce 2ème album voit sa sortie repoussée à septembre 2002. Une fois de plus Thine surprend son auditoire en dévoilant un nouveau visage. Exit le progressif gothico-expérimental, cette fois les Anglais nous proposent un dark rock dans la lignée de Katatonia. Leurs morceaux sont plus compacts, homogènes, dynamiques et accrocheurs. Le plus étonnant dans cette mutation reste le chant d'Alan Gaunt. Proche de Garm période La Masquerade Infernale sur le 1er album, il délaisse les graves et la théâtralité au profit d'une prestation rock plus conventionnelle. Le gouffre séparant A Town Like This et In Therapy est important, assez pour diviser les fans.

Après une mini-tournée en support d'Anathema et une poignée de dates en tête d'affiche, Thine voit son activité ralentir. Peinant à s'exporter, le groupe ne se réunit plus qu'épisodiquement pour bosser sur de nouveaux morceaux. S'il n'a jamais vraiment été question de split, la période 2004-2011 est synonyme pour eux d'engagements individuels. A ce jeu là, le plus en vue est évidemment le batteur Dan Mullins. En 2004 il rejoint
The Axis of Perdition et Bal-Sagoth qu'il délaisse en 2007 au profit de My Dying Bride. A noter son implication dans la scène locale et son activité de musicien de session. Fait important: après 25 ans de bons et loyaux services, le fondateur de Peaceville, Paul "Hammy" Halmshaw, souhaite passer à autre chose. En 2006 il cède les rênes à son assistant qui n'est autre que Paul Groundwell, le maitre à penser de Thine. On peut comprendre qu'un tel surcroit de travail et de responsabilités l'ait éloigné de ses instruments. Mais pour un temps seulement, ce dernier fondant en 2007 un side-project orienté black metal, The Deathtrip, avec le vocaliste norvégien Aldrahn (Dødheimsgard, Thorns, ex-Old Man's Child, ex-Zyklon-B). Contrairement aux idées reçues, les membres de Thine ne se sont donc pas tournés les pouces. Mieux, un retour se profile...


Au printemps 2011, Paul Groundwell bat le rappel des troupes. Si Dan Mullins et Alan Gaunt sont toujours dans le coup, 2 nouveaux venus font leur apparition: le guitariste Dylan Rhodes (voir paragraphe 2) et le bassiste Richard Swift (exit Mike Houzam). Thine est désormais un quintet dont l'objectif n'est plus d'innover, mais d'approfondir l'orientation entreprise sur In Therapy, à savoir un dark rock mâtiné d'influences progressives. Le projet initial était de revenir en 2012 avec un EP 3 titres nommé Scars from Limbo, mais l'histoire se répète et il ne voit finalement pas le jour. La raison? Les Anglais ont revu leurs ambitions à la hausse et composé un album complet. Si le morceau-titre figure sur ce 3ème album, le pourtant très bon Take The Risk a lui été écarté du tracklisting final. Rentrons maintenant dans le vif du sujet.

Le visuel de The Dead City Blueprint renvoie aux oeuvres récentes de Travis Smith et la version fourreau réserve une surprise. Une fois retiré, un visage fantomatique émerge des ténèbres. Le livret est à l'avenant, illustré mais dépourvu de couleurs. Du beau boulot réalisé par les guitaristes Paul Groundwell (artwork) et Dylan Rhodes (layout & design). Notez que la photo du groupe est signée Aaron Stainthorpe (My Dying Bride). Les crédits dévoilent l'implication accrue de Dan Mullins en charge de l'enregistrement et du mixage de l'album, assisté de Keith Appleton (les parties de batterie) et Pete Reynolds (le mastering). Un travail professionnel et soigné, réalisé comme d'habitude aux Academy studios. La suite nous montre clairement qui est le patron: Music & Lyrics by Paul Groundwell. Le soliste se charge également de la plupart des parties de claviers. Rayon guests, Keith Appleton joue un solo d'orgue sur Flame to the Oak et Michael Blenkarn (Ahamkara, ex-The Axis of Perdition) assure la programmation rythmique sur A Great Unknown. Sur ce 3ème album, Thine ne s'éloigne pas radicalement de In Therapy (voir le titre To the Precipice) mais nous offre des compositions nettement plus subtiles et abouties. Sans se départir d'une certaine énergie, les Anglais ont choisi une approche plus sombre et morose.

Commençons par les détails gênants. Globalement homogène, The Dead City Blueprint perd de sa consistance en bout de course. The Beacon s'achève par une grosse minute de remplissage. A l'instar du beurre étalé sur une tartine trop grande, le mélancolique Scars from Limbo est trop dilué. Quant à Adrift Through the Arcane Isles of Recovery, cette outro ambiante ne me parait pas indispensable. The Dead City Blueprint est un album inspiré et immersif qui nécessite un investissement de notre part ainsi qu'un déclic pour en savourer tout le raffinement, à l'image du chant d'Alan Gaunt. Aussi maitrisé soit-il avec ses envolées lyriques et ses parties doublées, certains le trouveront peut-être trop lisse. Au final c'est plus une question de partis-pris. Les 10 morceaux possèdent tous leur personnalité propre et se complètent pour former une histoire poétique. Le mot clé? Introspection. Concernant la section rythmique, la basse de Richard Swift est assez discrète mais joue son rôle (Out of Your Mind & into a Void, A Great Unknown, The Rift). Quant à Dan Mullins, il fait profiter le groupe de son expérience et propose des parties carrées, sobres et efficaces, n'hésitant pas à accélérer (Brave Young Assassin) ou appuyer sa frappe (The Beacon et son passage à la double).

La principale innovation de The Dead City Blueprint? L'usage quasi-permanent de guitares acoustiques, employées à bon escient et mixées avec soin. Ce 3ème album regorge de leads, d'entrelacs mélodiques et de motifs d'arrière plan qui se marient parfaitement avec les arrangements piano/claviers et les samples, à l'image du morceau-titre. Alors certes ces sentiers ont déjà été empruntés à maintes reprises et Paul Groundwell marche parfois sur quelques plate-bandes (Out of Your Mind & into a Void démarre comme du Opeth), mais le savoir-faire est indéniable. Qualité d'écriture, interprétation savoureuse et production à la hauteur jouent en leur faveur. Les fans de In Therapy ne devraient pas être trop dépaysés. Certains ont peut-être eu l'occasion de découvrir Thine sur scène (en ouverture de Devin Townsend par exemple). Pour les autres, ma conclusion est la suivante.
Les derniers Anathema et Katatonia vous ont déçu? Ce Dead City Blueprint est un bon palliatif.




Rédigé par : forlorn | 14/20 | Nb de lectures : 11444




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Commentaire
JTDP
Membre enregistré
Posté le: 12/12/2014 à 12h21 - (115155)
Kro passionnante à lire, comme toujours avec l'ami Forlorn.
Après l'écoute des deux titres proposés ça donne furieusement envie de plonger la tête la première dans l'album entier.

Merci pour la découverte !



Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 13/12/2014 à 13h19 - (115164)
Très bonne chronique et groupe assez sympathique... :)

panzerfaust
IP:81.13.176.168
Invité
Posté le: 13/12/2014 à 19h49 - (115167)
merci pour la chronique qui nous replonge nostalgiquement dans les '90! à l'époque de a town like this j'avais été appaté par le background des musiciens, mais bizarrement jamais trop accroché. je vais me pencher sur cette reformation.

Noar
Membre enregistré
Posté le: 15/12/2014 à 10h33 - (115174)
Je trouve que c'est une groupe qui manque de personnalités. Ils naviguent un peu à vue et les influences sont trop palpables.
Ce nouvel album ne décolle jamais, quelques passages intéressants mais on ne retient pas grand chose et on a pas envie d'y revenir.



Mauras
IP:80.27.58.227
Invité
Posté le: 17/12/2014 à 13h56 - (115201)
In Therapy est selon mon opinion a disque memorable.
Un disque a connaitre en profondeur.

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