Les quelques centaines de privilégiés qui auront l'incommensurable joie d'assister à la prochaine édition du Roadburn dans moins d'un mois auraient tout intérêt à surveiller la prestation de The Wounded Kings en ouverture du festival. Le groupe de heavy/doom britanique profite de la récente sortie de son second album pour se lancer enfin sur scène, fort d'un line up complet après avoir longtemps évolué en duo, prêt à projeter les ombres de l'Atlantide sur les travées du célèbre 013 de Tilburg.

Curieusement pressés pour une formation de doom, The Wounded Kings ont sorti ce nouvel album à peine plus d'un an après le remarquable « Embrace of the narrow house » et annoncent déjà un split pour le milieu de l'année avec les Américains de Cough. On pourrait se demander ce qui se dissimule derrière cette urgence créative qui nous laisse à peine le temps de digérer leurs précédentes productions. Rien que du bonheur en vérité. Ça aussi c'est étrange pour du doom.
En cette période troublée de l'industrie musicale souvent victime de sa surabondance, les Anglais parviennent étonnamment à dégager une forte identité en l'espace de deux albums qui les singularisent avantageusement dans le lugubre panorama des formations doom teintées de heavy et de stoner. Le groupe arrive en effet à assumer un héritage qui les inscrit naturellement dans les heures les plus sombres du Sabbath et autres Saint Vitus tout en évoluant dans les mêmes volutes de fumée psychédéliques que les Electric Wizard. Mais une fois encore, The Wounded Kings peut d'ores et déjà s'enorgueillir d'avoir posé les bases d'un son immédiatement reconnaissable qui doit certainement autant à la culture musicale de ses compositeurs qu'aux rivages qui les ont vus grandir. Pour avoir déjà pataugé dans les étendues désolées des landes du Dartmoor, je ne peux imaginer de musique plus adaptée à ces paysages stériles et inhabités soudainement déchirés par l'affleurement du granit.

Outre les attraits touristiques indéniables du Devonshire, le groupe défend surtout une musique qui dévoile sa richesse dans le dénuement apparent de ses compos et dont la profondeur doit beaucoup au chant de George Birch. Tout au long des quatre longs morceaux qui structurent l'album les échos de ses lignes vocales fiévreuses chutent en cascades sur les sinistres mélodies de Steve Mills. « The shadow over Atlantis » porte bien son nom tant la réverbération caverneuse des morceaux semble jeter un voile de vase et d'algues putrides sur la tonalité d'un album dédié à l'âge d'or de la cité engloutie.
Très homogène, l'album ne propose donc que quatre titres et deux interludes (dont le premier puise son inspiration chez Satie) pour quarante petites minutes entre occultisme victorien et psychédélisme, une formule qui a le vent en poupe et que The Wounded Kings défend admirablement. Comme toujours chez les meilleurs groupes de doom les titres s'étirent démesurément et déploient leurs boucles rythmiques sans que l'ennui ne s'installe à aucun moment ; l'attention sans cesse captivée par la teneur atmosphérique de riffs plombés, gravés de mélopées ensorcelantes.

Depuis la sortie de l'album, le duo a officialisé la présence dans le groupe de leurs musiciens de session, remaniant en profondeur l'équilibre de la formation. Les prochaines dates et la tournée à venir en fin d'année devraient commencer à nous renseigner sur les subtiles altérations que subira la musique de The Wounded Kings qu'on imagine prompts à nous sortir sous peu de nouvelles preuves de leur créativité.


Rédigé par : #Guillaume# | 15/20 | Nb de lectures : 12641