THE SPHERICAL MINDS - De Ira (Thundering records/Musea) - 29/09/2003 @ 11h31
On doit au label nordiste Thundering Records quelques trouvailles fort intéressantes cette année, en particulier The Silent Agony et la confirmation du gros potentiel d’Anthemon. Le dernier groupe à rejoindre cette jeune écurie en plein boom arrive de Lyon et invite sans préambule à tendre l’oreille vers une musique toute neuve qui devrait parler aux mélomanes en quête de souplesse stylistique, et plus largement à ceux que les conventions harmoniques fatiguent.
Attribuer à The Spherical Minds un profil fixe est une gageure, même en parlant de polyvalence. Le groupe se réclame lui-même d’influences aussi nuancées que le metal (Opeth, My Dying Bride…), la musique classique, le rock alternatif (Buckley, Pink Floyd…), ou encore le jazz. Comme point de départ, essayez de vous mettre en tête que c’est du metal sans en être vraiment. Aucune chance de rencontrer le gros riff qui tranche ou la cadence soutenue qui va cavaler d’un bout à l’autre d’un morceau. Au plus fort de sa rage, le son de la guitare demeure plus aigre qu’agressif, ceci afin de ne pas ensevelir les fondations vitales de la musique : les orchestrations. Synthés et piano constituent en effet le point névralgique de la plupart des compositions, et quand je révèle que ces instruments sont maniés avec un doigté exceptionnel, il faut comprendre ex-cep-tion-nel au sens premier ! Dès l’introduction « Exorde », on mesure parfaitement le gouffre qui sépare le niveau du pianiste de celui de la plupart de ses concurrents. Non seulement capable de concevoir une partition complexe à plusieurs lignes croisées, il nous la rend avec une émotion, un tact et une précision de toucher qui poussent au silence admiratif. Quelque part entre les symétries lyriques en suspension d’un Philip Glass et la fièvre romantique d’un Chopin (toutes proportions gardées), « Exorde » fait tout de suite comprendre qu’on est en passe de quitter le petit train-train et les repères sécurisés qui jalonnent habituellement les sentiers du circuit underground.
A la vérité, offrir une description adéquate de « De Ira » supposerait de prendre les morceaux un par un et de décortiquer leur déroulement, tant ils sont imprévisibles et indépendants les uns des autres. Mais cela nous barricaderait dans un examen beaucoup trop diffus pour les besoins d’un groupe qui débute, et pour une musique qui exige de garder ses mystères pour l’auditeur. Nous dirons que, sans qu’il y ait d’analogie entre les deux groupes au niveau du son et de l’ambiance, la démarche de The Spherical Minds n’est pas sans évoquer celle de feu-Forbidden Site, dans leur façon un peu décousue mais toujours propre d’alterner des passages très raffinés avec des poussées de colère aussi fulminantes qu’inattendues. Si la mélancolie est une constante dans le choix des accords et des mélodies, elle se conjugue à différents degrés et emprunte des visages contrastés qui évitent toute lassitude - pluricité des instruments et des influences obligent. De la grimace de douleur au ressentiment, de l’accablement à l’étincelle de volonté, d’atmosphères noires en croisières planantes façon 70’s attendez-vous à passer par tous les états qui vous ramèneront au final à l’essentiel : l’envie d’y replonger, pour l’originalité sauvage, pour la beauté, pour les frissons.
La contrepartie de la prédominance absolue de l’instrumental est que les vocaux, outre leur relative rareté, ont souvent du mal à justifier le pourquoi de leur présence. Ce n'est pas tant l’identité des vocalistes (masculins comme féminins) qui est à remettre en cause que la toute petite conviction que leur performance imprime. Le chant clair masculin est franchement timide, ce qui certes d’un côté renforce les sentiments de souffrance, d’asphyxie, qu’il veut véhiculer ; malheureusement ça a du mal à passer, en grande partie parce que la musique, qui exprime simultanément les mêmes émotions de manière ô combien plus considérable, a tendance à beaucoup amaigrir l’impact de la voix, voire à la rendre superflue, donc gênante. Idem ou presque pour le chant féminin : Rose Vignat (Dying Tears) possède un timbre de qualité, mais trop souvent elle nous le cache derrière une semblance de chant mi-mélodique, mi-narré qui manque cruellement d’élan et - peut-être - de chaleur. La place et le format des vocaux est donc encore le gros point d’interrogation dans la musique de The Spherical Minds qui, en grande partie, gagne à rester exclusivement instrumentale. Un problème qui, si le groupe y tient, devrait se résoudre de lui-même à force de réglages et de réflexion sur la raison d’être du chant au sein de leur travail. Mentionnons au passage que le groupe s’essaye même aux growls - et en Français - sur « Die Spur des Propheten » et « Au Seuil de l’Aurore ». Ces derniers libèrent une grosse énergie et font immédiatement penser à ceux de Misanthrope, ce qui ne sera peut-être pas la tasse de thé de tout le monde (suivez mon regard…). Je rappelle afin que vous ne soyez pas trop échaudés par ces réserves - de toute façon subjectives - que la proportion de parties vocales sur la plupart des titres de « De Ira » ne dépasse pas (à vue de nez) les 30%.
Mon pronostic est que The Spherical Minds foisonnent de ressources qui ne demandent qu’à bourgeonner et à s’épanouir en quelque chose d’important pour le monde musical d’ici quelques albums. Cependant, pourquoi remettre la découverte à plus tard quand « De Ira » dispense déjà tant de moments de pur ravissement, propres à laisser une marque profonde et durable sur l’esprit ? Lorsque la trajectoire d’un groupe finit par prendre un tour illustre, on s’en veut toujours de ne pas avoir assisté à sa naissance. Il n’est pas encore trop tard pour venir contempler le bébé…
Site officiel : http://the-spherical-minds.com


Rédigé par : Uriel | 13,5/20 | Nb de lectures : 7799




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Commentaire
Guillaume (Kemet)
Invité
Posté le: 30/09/2003 à 19h08 - (5537)
Rectif: le dernier groupe chez Thundering c'est Kemet, arrivé sur le label peu de temps après TSM ;-)

Un petit peu de promo par ailleurs: The Night Before (2ème album de Kemet) devrait sortir prochainement sur Thundering Records. En attendant: http://www.kemet.fr.fm pour voir la pochette de l'album.

/G

Ocean?
Invité
Posté le: 13/03/2005 à 18h51 - (14135)
Je découvre cet album, et mis à part le décousu souvent inhérent à une première oeuvre, il y a des choses bien sympathiques sur cet album.
Il me tarde d'écouter le deuxième, ce que j'en avais entendu à Curial me laisse à penser que ça sera bien bon :p



shadowtiny
Membre enregistré
Posté le: 01/07/2005 à 14h12 - (16822)
Fern, leur nouvel album vient est sortit, avec comme la participation de danny cavanagh au chant.



DeadStar
Membre enregistré
Posté le: 01/07/2005 à 15h30 - (16824)
la chronique de ce nouvel album à venir sur VS...

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