THE SKADEN - You Will Hope I Had Died (Cybertzara/Blackmetal.com) - 19/02/2010 @ 09h42
Ca faisait un petit bout de temps que nous n’avions pas de nouvelles musicales du Lorrain Stephan Kozak. Pour ceux qui l’ignorent, le multi-instrumentiste est le géniteur de deux projets blacks talentueux que sont Mystic Forest et Eikenskaden qui ont le don d’avoir autant d’admirateurs que de détracteurs. Cette fois, il nous revient à travers une nouvelle incarnation solitaire ou presque… nommée The Skaden dont l’optique est de creuser plus profondément les aspects les plus émouvants de ses travaux précédents. Ce qui ne manquera pas de diviser une nouvelle fois les auditeurs.

A travers cet album, le maître d’œuvre opère la traversée du miroir pour nous offrir un joyau de mélancolie. Il a délibérément dépassé les frontières du black pour se rapprocher d’aventures musicales tel que AmeSœurs ou Alcest. C’est ainsi qu’on retrouve des riffs et des mélodies typés shoegaze ou post-rock couplés à des sonorités véritablement nécros. Les habitués du Messin retrouveront son goût pour les ornementations à la guitare via des soli, différents arpèges et les trémolos.

Ce qui frappe avant tout, c’est la place importante laissée aux différents instruments parmi lesquelles figurent des cuivres, des violons et une flûte. Cette volonté est matérialisée par une présence finalement discrète du chant. A ce titre, on notera que le chant de Stephan se fait moins criard que par le passé. Ce dernier se pare de tonalités plus graves, plus rocailleuses et au loin on entrevoit le spectre d’un Tom Waits et en particulier sur "A peaceful Moment". Il y a de l’alcool dans cette voix, du vécu. De la même manière, les autres intervenants se révèlent féminins et le chef d’orchestre a l’excellente idée de les faire parler ou chuchoter sur la musique. Cela provoque une véritable impression d’intimité voire d’hypnose lorsque Mami Matsushima parle en japonais sur le titre qui clôt l’album.

Sous les oripeaux de la sobriété, se cache une véritable complexité car l’intervention de différentes instrumentations et l’utilisation des deux guitares sont loin d’être un simple gadget. Chaque partie vient se renforcer auprès de l’autre voire apporte un contre-point salvateur. Salvateur car il s’agit d’un véritable numéro d’équilibriste auquel on assiste. On n’est jamais très loin de tomber dans le pathos et de frôler le ridicule. Or, il n’en est rien. Dans "The Suicide of Thoughts" par exemple, le morceau développe un passage proche du slow langoureux, on entend alors des cuivres funèbres et solennels qui viennent alourdir l’atmosphère.

Etrangement, j’ai énormément pensé aux bandes originales du cinéma d’exploitation japonais des années 70s. Je ne sais si cela est dû à la présence d’un titre en japonais ou de l’incursion d’un violon décadent qui sonne d’une manière très asiatique sur "A peaceful Moment", mais cette idée m’a obnubilé durant l’écoute. J’y ai retrouvé le même type d’orchestration, ce goût du pathos opératique et cette faculté à ne jamais tomber dans le ridicule. Il y a quelque chose de l’ordre de la tragédie et de l’archétype. Mon obsession fut consolidée par l’utilisation d’arpèges « desperados » proches du western spaghetti. Un peu plus et Itto Ogami débarquait chez moi !

On pense aussi au Dormeur du Val de Rimbaud via le très beau titre "A peaceful Moment" qui amorce son chemin sur les traces d’Alcest par une mélodie bucolique. C’est un instant idéal en pleine nature mais ce dernier va s’achever par un crescendo porté par les cuivres où la voix de Stephan apparaît pour la première fois du morceau et qui se révèlera absolument poignant. C’est bien simple, je suis encore en train de ramasser mes poils sur le sol. On pourra aussi mettre en avant le titre "Grand Final" où la flûte, les violons et les cuivres prennent toute leur place sur un mouvement au final assez véhément et dont l’utilisation en leitmotiv rapide m’a rappelé le travail de Michael Nyman.

Malgré une prod typée necro avec ses guitares bien croustillantes, cette dernière se montre de très bonne facture. Tous les instruments se font entendre. Même la basse est présente ce qui apporte une légère touche new wave bien sympathique.
Il a pris son temps ce bougre de buveur de Mirabelle mais cela en valait la peine. Chaque titre possède sa propre personnalité et pourtant l’ensemble est parfaitement homogène. Tout est parfaitement ciselé ; Il y a un sentiment de légèreté tel le vent mauvais qui ouvre, clôt et lie les morceaux entre eux. J’ai été ému du début à la fin et c’est un vrai plaisir de retrouver le talent mélodique de monsieur Kozak affirmé d’autant plus par le cadre stylistique abordé dans cet opus.

S'il y a bien quelque chose qui fâche, c’est la durée car on a le droit à 39 minutes ce qui paraît bien court. J’en aurais bien pris un bon quart d’heure supplémentaire tant les six titres passent comme un souffle empli de désespoir.
Une très belle œuvre à la fois funambule et poignante qui sera à réserver aux auditeurs les plus sensibles. Dommage que cela soit aussi court !


Rédigé par : Dark Rabbit | 16,5/20 | Nb de lectures : 12544




Auteur
Commentaire
noohmsul
Membre enregistré
Posté le: 19/02/2010 à 10h31 - (80948)
L'extrait myspace est sympa. A écouter...

Moulinexxx
Membre enregistré
Posté le: 19/02/2010 à 10h36 - (80950)
Petite impression à partir des extraits seulement :

Le côté Metal est excellent, mais par contre j'ai un doute sur les instruments "traditionnels", ils ne s'intègrent pas très bien je trouve, ou n'ont tout simplement pas leur place dans un univers si sombre et mélancolique.
Mais bon, à approfondir, merci pour la découverte !



krakow
IP:213.56.82.133
Invité
Posté le: 19/02/2010 à 10h49 - (80956)
L'ambiance est bien travaillée mais l'exécution et la prod nécessite encore du boulot pr rendre justice au compos je pense (notamment la batt prog sous mixée et les parties acoustiques). Par contre d'excellentes idées d'atmo. à suivre.La note est bien généreuse quand meme.


DARK RABBIT
Membre enregistré
Posté le: 19/02/2010 à 11h20 - (80961)
Je dois avouer qu'au départ j'étais aussi sceptique sur le son. En effet, j'avais la sensation que les orchestrations classiques luttaient contre ces grattes necros.

Mais au final, je trouve que c'était la façon la plus pertinente car le risque était de perdre dans le rendu soit les guitares soit les instruments. Dans le même temps, j'y trouve une tension et des contrepoints interessants lors de certains passages.

Je concède que le son risque de perturber quelques auditeurs.

#Guillaume#
Membre enregistré
Posté le: 19/02/2010 à 16h04 - (80980)
Attends si je t'ai bien suivi mon sombre lapin on est quelque part entre Baby cart, le Django de Sergio Corbucci et le romantisme du XIXe!!

Je vais peut être prendre un moment pour écouter alors...

DARK RABBIT
Membre enregistré
Posté le: 19/02/2010 à 16h17 - (80982)
Disons qu'il y a des moments (et je sais c'est étrange...l'alcool tout ça...) cela m'a rappelé cette cinématographie et leurs BO. J'y ai trouvé cet aspect sentiments grandiloquents et puis le choix des instruments m'a directement renvoyé aux orchestrations de l'époque.
Je suis peut être complètement à l'ouest des intentions de l'artiste mais cette idée m'a obnubilé à chaque écoute...

#Guillaume#
Membre enregistré
Posté le: 19/02/2010 à 18h13 - (80988)
Après écoute je vois mieux ce que tu veux dire, je reconnais que c'est une musique très narrative, (presque graphique par endroits) notamment dans le dernier mouvement de "Pain and sexual..." où le choix des instrus renforce l'aspect B.O pré-cité.

Conquis en tous cas, merci pour la chro.

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