Le cahier des charges de ce projet mûri pendant dix ans par Sam bean, bassiste de THE BERZERKER, était clair :

- Toutes les chansons devaient contenir un élément jamais encore entendu dans le métal extrême
- Chaque chanson devait intégrer des éléments qui la rendraient impossible à recréer sur scène (des rythmes à 550bpm, six couches de guitares, etc.)
- Si un morceau ne vous rendait pas assez cinglé pour vous donner envie de chier des sabots de cheval ou bouffer des chiots, il serait écarté
- Le métal extrême est un média, pas un style de vie ; il est possible d’incorporer des influences hors normes dans le mix. Il doit y avoir un pont entre les mondes d’AGORAPHOBIC NOSEBLEED et de la trance.

Immédiatement après avoir inséré le CD dans la platine, le contrat semble à l’évidence rempli en ce qui concerne les trois derniers points et le message implicite de la jaquette nous apparaît ainsi dans toute sa limpidité : cette magnifique vague turquoise qui surplombe un surfeur venant de tomber de sa planche n’est pas une invitation à quelque séjour balnéaire de rêve, mais la dernière image de cet inconscient avant qu’il se prenne quelques tonnes d’eau sur la tronche, une déferlante qui broiera inexorablement tout obstacle se trouvant sur son passage.

« In The Realm Of The Senseless » n’a donc rien à voir avec quelques gentilles ritournelles folk de surfeurs à chantonner doucement au coin du feu, en espérant charmer la petite blonde en bikini dont la copine vient d’enduire le corps d’huiles essentielles. On serait plutôt face à une version à peine civilisée de THE BERZERKER, dont on retrouve les beats de boîte à rythme hypersoniques et une bonne quantité de plans death ultra brutaux. Comme un STRAPPING YOUNG LAD encore plus extrême et direct, THE SENSELESS pilonne sauvagement, écrase à grand renfort de riffs épais à la MORBID ANGEL et va même bouffer dans l’assiette de FEAR FACTORY (« Unprincipled »). Je pourrais en finir avec cette chronique ici, mais Mr Bean ne s’est bien entendu pas contenté de repiquer des idées ici et là, la maturation du projet a pris une dizaine d’années comme évoqué plus haut et le processus d’enregistrement près de deux ans. Largement de quoi y inclure tout un tas de subtilités pas forcément audibles à la première écoute, qui se révèlent à mesure qu’on s’habitue à la conception peu orthodoxe des morceaux.

En effet, si le métal extrême est l’élément prédominant de l’album, les machines tiennent également un rôle important puisqu’elles lui donnent son identité. Que ce soit par les intros électro/indus ou les rafales de la boîte à rythmes, elles sont indispensables à l’architecture sonore de THE SENSELESS et consolident l’édifice, en faisant une entité à part entière en dépit des influences précitées bien marquées. Il est même regrettable qu’elles n’aient pas été encore plus utilisées afin de répondre aux exigences du premier point du cahier des charges évoqué plus haut. Le dernier morceau de l’album, « After Happy Ever (Unmetal) », une longue plage électronique à la PORCUPINE TREE époque « The Sky Moves Sideways », laisse en effet entrevoir ce qu’aurait pu être « In The Realm Of The Senseless », soit la réelle rencontre de MASSIVE ATTACK et de BRUTAL TRUTH comme est décrit le groupe sur sa page MySpace.

On reste donc quelque peu sur notre faim compte tenu des promesses faites. Il y a peu à redire sur la qualité des morceaux qui composent l’album, leur brièveté (deux à trois minutes en moyenne) leur permettant d’éviter le piège du couplet ou du break de trop. Ici tout est concis, centré sur l’efficacité. On est plus dans le raid éclair que dans la guerre de tranchée ; ce qui est parfait pour scotcher l’auditeur, mais interdit du coup toute tentative d’approfondissement. Un véritable travail sur l’alliage des machines et du métal comme LUX OCCULTA ou LIMBONIC ART ont pu le faire dans le black aurait été bienvenu, peut-être pour le prochain… dans dix ans ?


Rédigé par : Dungorpat | 15/20 | Nb de lectures : 11029