Quand on évoque un certain « Stakhanoviste du Death suédois », on pense toujours à l’ami de Zoltar, Rogga Johansson (DEMIURG, PAGANIZER, RIBSPREADER, REVOLTING, BLOODGUT, BONE GNAWER, THE 11TH HOUR, THE GROTESQUERY, THOSE WHO BRING THE TORTURE, PUTREVORE, allez j’arrête là), mais on a tendance à oublier qu’il y a quelques challengers pas loin de chez lui. C’est le cas de Lord K. Philipson. Bon certes il a 5 fois moins de projets, mais les quelques-uns qu’il tient sont bien actifs. Hormis TORTURE DIVISION qui sort régulièrement quelques démos, il y a aussi THE PROJECT HATE MCMXCIX, qui se démarque par une productivité assez élevée (8 albums dépassant à chaque fois les 60 minutes en 13 ans). Lord K. n’occupe donc pas tant que ça l’espace musical suédois et les bacs à disques mais il a de la ressource et son inspiration ne faiblit pas avec les années. Son « projet de haine 1999 » sort donc en ce début 2011 son 8ème album intitulé Bleeding The New Apocalypse (Cum Victriciis In Manibus Armis) (diantre, c’est long), le premier chez les Marseillais de Season Of Mist, un an et demi après The Lustrate Process.

J’ai toujours eu l’impression que THE PROJECT HATE MCMXCIX est un groupe assez discret et oublié des métalleux amateurs de suédoiseries de la mort. Les news du groupe ne déclenchent pas énormément d’émulation, et le nombre de commentaires ici même est relativement faible. Il faut dire que le groupe n’a pas un style super-accessible au premier abord, leur mélange de Death suédois à la fois gras et mélodique, d’effets Electro-Indus, d’atmosphères Metal gothique (y’a plein de claviers et du chant féminin) et de percées avantgardistes au sein de morceaux plutôt longs (souvent entre 7 et 12 minutes) n’est pas forcément évident et est assez original (surtout quand le tout est mélangé à des paroles anti-chrétiennes très premier degré). Après des débuts très Electro et atmosphériques, le groupe avait pris un virage plutôt death dès Hate, Dominate, Congregate, Eliminate (2003) et le style n’avait pas bougé sur les albums suivants, atteignant son paroxysme sur l’excellent Armageddon March Eternal (2005) mais retombant aussi vite au sein du plutôt convenu In Hora Mortis Nostrae (2007). The Lustrate Process (2009), quant à lui, était carrément axé Death old-school (surtout avec les featurings de Martin van Drunen et de LG Petrov, ainsi que le son « Made by Dan Swanö » dont la basse qui vrombit bien), mais toujours avec les incursions electro/gothiques qui font toute la différence. Bleeding The New Apocalypse est un peu moins old-school, mais toujours dans le pur style TPHMCMXCIX. Les fans ne seront pas déçus, mais ceux qui ne sont jamais intéressés au projet vont-ils s’y mettre sérieusement cette fois-ci ?

Tout d’abord, notons que pour cet album Lord K. s’est séparé de quelques camarades de jeu. Si l’indéboulonnable chanteur Jörgen Sandström est toujours à son poste, exit la chanteuse Jo Enckell (snif), le guitariste Anders Bertilsson (qui est toujours là mais qui n’a pas participé à l’enregistrement de l’album) et le batteur Thomas Ohlsson. Tobben Gustafsson (VOMITORY, mais également TORTURE DIVISION avec Lord K. et Sandström) reprend les fûts et la portugaise Ruby Roque (ex-WITCHBREED) reprend le micro. Mais le PROJECT HATE reste toujours la propriété de Lord K., qui s’est occupé de tout ici hormis la batterie et le chant principal. Côté featurings, on a ici à nouveau une belle brochette d’invités avec Leif Edling (CANDLEMASS), Mike Wead (KING DIAMOND) et Jocke Widfeldt (VICOUS ART) entre autres. Voyons ce que ça donne !

Eh bien Bleeding The New Apocalypse est un très, très bon cru. Lord K. est toujours au top de son inspiration et son PROJECT HATE évolue dans la continuité. Il va falloir à nouveau s’accrocher, car cet opus comporte 6 titres durant de 9 à 13 minutes, mais la construction des morceaux est ici sans faille, encore plus poussée que sur les précédents albums. Pas de doute, c’est un album typique du PROJECT HATE, quelque part entre The Lustrate Process et Armageddon March Eternal. Malgré le départ très mélodique du morceau d’ouverture "Jesus Nazarenus, Servus Mei", le propos est ici très sombre, porté par un son gras à souhait, une nouvelle fois avec une basse bien écrasante. Bleeding The New Apocalypse est certainement l’album le plus ambiancé du PROJECT HATE, les breaks à clavier sont très bien intégrés et on se croirait parfois dans la BO d’un film. Le mélange bâtard entre Death d’obédience old-school bien lourd et électro futuriste fait encore son petit effet, et certaines parties électro sont assez inattendues et plutôt bluffantes ("Jesus Nazarenus, Servus Mei", "Summoning Majestic War"), et les claviers sont une nouvelle fois au top ("The Serpent Crowning Ritual" -qui n’a rien d’un rituel entre moi et Crown_Me, je vous le jure-). La chanteuse Ruby Roque fait son boulot à merveille, pour son intégration le groupe a voulu la mettre un peu partout mais ça ne dérange pas du moment qu’on est habitué au style du PROJECT HATE, d’autant que sa voix est très proche de celle de Jo Enckell. Elle nous offre aussi quelques moments de grâce, comme au sein de "A Revelation of Desecrated Heavens". Et Jörgen Sandström est également en très bonne forme, son chant rauque à souhait est toujours au rendez-vous (bien écrasant sur "Bring Forth Purgatory"). Rien à redire sur le riffing Death-Indus de Lord K. qui fait mouche tout au long de l’album (notamment les gros riffs bien rentre-dedans de "Summoning Majestic War" et les leads de "The Serpent Crowning Ritual"). Les 6 morceaux de Bleeding The New Apocalypse sont tous magistraux, mention spéciale à "They Shall All Be Witnesses", véritable tube malgré ses 12 minutes, passant par tous les états (passages épiques, lourds et accrocheurs, breaks somptueux, chants géniaux) et se terminant en apothéose, même si l’on n’atteint pas encore la classe du chef-d’œuvre qu’était "The Bleeding Eyes of A Breeding Whore" sur Armageddon March Eternal.

Bref, l’effet de surprise n’est plus pour les connaisseurs du PROJECT (et c’est presque le seul défaut de cette cuvée 2011), mais Bleeding The New Apocalypse est un excellent album. Le style ne bouge pas mais Lord K. et ses amis nous livrent ici leur disque le mieux construit, le plus maîtrisé et le plus équilibré entre le côté Death et les atmosphères gothiques. Certes, le propos est toujours aussi difficile d’accès, mais la conception et la structuration est ici au top. Pour peu qu’on arrive à rentrer dans le « délire » c’est un pur bonheur, et j’espère que plus de monde tentera l’aventure car THE PROJECT HATE MCMXCIX est un groupe unique en son genre qui vaut vraiment le coup. Pour ceux qui n’ont jamais essayé, c’est le moment ou jamais de donner une chance au projet (le passage chez SoM est également une bonne opportunité) et pour les fans dont je fais partie, Bleeding The New Apocalypse est le meilleur album du groupe après Armageddon March Eternal.




Rédigé par : ZeSnake | 16.66/20 | Nb de lectures : 13810