N’étant pas dingue de GURD, groupe suisse de thrash « Bay Area », le départ de son guitariste Bruno Spring pour monter son propre groupe THE ORDER ne m’avait guère bouleversé… Autant dire donc que la perspective de chroniquer « Son Of Armageddon » ne suscitait qu’un enthousiasme très modéré chez moi, malgré la présence de Gianni Pontillo, (en)chanteur de PURE, INC. à la voix magique modulable à l’infini.

Pourtant, cet album au visuel mystique dont les orbites vides de l’idole simiesque représentée semblent sonder vos tréfonds se révèlera aussi hypnotique que lui, captant votre attention dès les premières secondes pour ne plus la lâcher, vous entraînant dans un tourbillon sans fin de refrains incroyablement entêtants et puissants, de riffs métal à la METALLICA (période « Black Album ») ou hard rock et de rythmes énergiques qui vous feront taper du pied, courber l’échine et devenir un champion d’air-guitar en moins de temps qu’il n’en faut à Angus Young (AC/DC) pour se désaper !

« Madmen With Loaded Guns » lance les premiers sorts, s’en prenant à votre nuque qui ne pourra résister à un headbanging viril sur sa rythmique power metal avant qu’un refrain hurlé à la DORO ne vous stoppe net dans votre élan, abasourdi par la puissance et le magnétisme dégagé par la voix de Gianni. « Son Of Armageddon » déboule sans attendre, plus hard rock dans l’esprit, plus single aussi, avec un refrain lent et triste contrastant avec l’énergie dégagée par les couplets. Ce contraste, on le retrouvera tout au long des trop courtes quarante-deux minutes qu’on passera à scotcher devant cet alliage frôlant la perfection de métal et de hard rock qui me rappelle par moments ce qu’ont fait THE ALMIGHTY avec « Powertrippin’ » ou, niveau noirceur, Blaze Bailey avec le premier BLAZE, « Sillicon Messiah ».

THE ORDER a construit son album à l’ancienne, avec un titre d’ouverture qui claque, un second plus single, une ballade qui prend aux tripes (« Loved Died », avec un côté bluesy très CINDEROSMITH), un morceau épique pour terminer (« One Man », sorte de « The Outlaw Torn » (METALLICA) en plus concis), une durée totale raisonnable de quarante-deux minutes pour neuf titres qui leur évite le piège du morceau en trop, et surtout une décontraction qui fait plaisir à entendre ! Une construction ayant fait ses preuves qui concourt certainement à l’harmonie dégagée par « Son Of Armageddon » mais qui ne serait d’aucune utilité sans les compos imparables dont il regorge et le chanteur phénoménal qui les transforme en véritables hymnes. Gianni Pontillo ne se contente pas en effet de faire étalage de sa technique, il s’approprie les chansons et leur donne une vie propre, mettant sa voix à la Jeff Scott Soto - Jorn Lande à leur service… et quand on est de ceux qui sont incapables d’aligner deux notes sans faire de canard, je peux vous dire que le résultat est aussi frustrant qu’ensorcelant !

La démarche des Suisses rappelle celles de SCORPIONS, EUROPE et TESLA dont les dernières productions sont les reflets de groupes aguerris vivant avec leur temps, ayant su prendre en compte les évolutions d’un hard rock dont ils ont écrit quelques pages d’histoire tout en restant proches de leurs racines. THE ORDER propose donc, comme le précise leur biographie, un heavy rock empruntant aussi bien au thrash puissant de GURD qu’au hard rock mélodique de PURE, INC. et qui, au détour de subtiles réminiscences, devient rapidement attachant puis indispensable. L’intro de « As One Tonight » ressemble ainsi beaucoup à celle de « From Here To Eternity » (IRON MAIDEN), « Sweet Stranger » a un feeling très SCORPIONS, le couplet acoustique de « Looser » renvoie directement au PEARL JAM des années 90…

Tous ces détails font de « Son Of Armageddon » un album absolument indispensable pour tous les amateurs de hard rock un tant soit peu burné qui a même le potentiel pour plaire à un public plus bourrin avec son gros son et son atmosphère générale sombre. On a constamment le sentiment diffus de déjà connaître les morceaux, d’avoir déjà entendu ça quelque part, et on les réécoute indéfiniment avec le même plaisir, la marque du talent et des grands albums… Souhaitons que THE ORDER trouve son public parce qu’un grand groupe vient de naître.


Rédigé par : Dungorpat. | 17/20 | Nb de lectures : 12566