Je ne mentirais pas beaucoup en disant que ce disque est sûrement un des dix les plus attendus pour l'année 2003. Pour mon cas personnel, on se rapproche déjà plus des cinq, voire des trois. Le cataclysme "Animatronic" avait fait son petit effet et il ne fait pas de doute que ce précédent album, avec tout le tintamarre provoqué par le changement de nom du groupe, s'est posé avec du recul parmi les plus grands classiques.

Etrangement, The Kovenant avaient plutôt été épargnés par les hordes de critiques qui s'abattent en général sur les groupes qui changent trop brusquement de style. Il faut quand même avouer que "Animatronic" était une véritable bombe et que le succès remporté par cette oeuvre était largement mérité. Avec ce nouveau disque, on pouvait donc s'attendre à une évolution de style toute en douceur et à un soin extrème apporté à la composition, vu le délai relativement long qui s'est écoulé depuis le précédent disque. Et le résultat est largement au-delà de mes espérances.

Si toutes les influences black-metal du passé ont entièrement disparues, en particulier pour ce qui est des vocaux, The Kovenant ont placé la barre de l'électro-métal tellement haute qu'il sera certainement difficile de faire mieux. La base électronique, conçue avec la précieuse collaboration de Erik de ZEROMANCER, occupe le terrain avec une précision et une finesse inégalée. L'arrivée de Angel comme guitariste a également été bénéfique, car le garçon occupe également la tâche de guitariste live pour les leaders de l'EBM européen APOPTYGMA BERZERK, autre gage d'intégration réussie dans le monde des machines en fête. Avec leur concept extraterrestre, The Kovenant ont tenté de faire avec la musique ce que Tim Burton a fait avec succès au cinéma. Utiliser humblement des éléments grapillés à gauche à droite pour préparer sa propre sauce et la servir au public sous forme d'hommage déférent exacerbé par sa propre créativité. La sensation d'avoir affaire à une bande originale de film du genre "2001 vs mars attacks vs star wars" est récurrente et force est de constater que cet album ne comporte aucun point faible.

L'introductif "Cybertrash", peut-être le titre qui se rapproche le plus du style de "Animatronic" commence de manière classique, un peu à la Rammstein, et finit dans un ultime sursaut lyrique. "Planet of the apes", le bien nommé, pourrait servir de trame sonore au remake de Burton et ses guitares sautillantes en font un hit potentiel. "Star by star" est déjà plus reposant et le travail électronique d'arrière-plan se fond à merveille avec les guitares moins tranchantes mais tellement bien amenées. "Via negativa" commence un peu comme le "Blue monday" des vétérans de NEW ORDER et se poursuit avec un gros groove et un refrain qui vous trottera dans la tête toute la sainte journée. Le petit break de transition fera inévitablement penser à Rammstein mais une fois de plus ce n'est nullement une repompe, mais certainement un petit clin d'oeil bien amené. Avec "Stillborn universe", on tient la ballade de l'album, croisement entre gentille bluette et mélopée vicieuse à la Nick Cave. A chaque instant, on a l'impression que ce titre va dégénérer mais il n'en est rien. Il est tout simplement beau avec son arrière-plan orchestral et ses vocaux à la fois recherchés et monocordes. "Acid Theatre" est à nouveau proche de Rammstein, avec sa petite mélodie venue de Mars et ses vocaux d'un coup plus délirants et son break typiquement techno. On pense également au Rob Zombie de "The sinister urge", en particulier pour l'ambiance assez glauquo-déjantée. "Perfect end" et ses expérimentations électros et ses grosses couches de synthés fait penser à certains essais des derniers Oomph!. Sans être mauvais, ce titre est peut-être le plus prévisible et le moins inspiré de l'album. Il reste toutefois intéressant. En huitième position "Neon" est personnellement mon favori. Sa ritournelle de piano, son alternance de vocaux clairs et saturés et ses guitares distillées au compte-gouttes en font un titre propice à la rèverie et son refrain rappelle le Alice Cooper de la grande époque. "Keepers of the garden", déjà plus martial, sort le grand jeu et son refrain aux vocaux féminins est un modèle du genre. Avec "Pantomine", on retourne dans un titre déjà plus lent et insidieux dont le schéma guitaristique très proche de PRONG apporte un petit côté industriel très futuriste. En parlant de futuriste, "Hollow earth" mets la barre une fois de plus assez haute, avec ses vocaux décalés et son refrain entêtant. L'album se clôture de bien belle manière avec un "Industrial twilight" grandiloquent avec ses choeurs appuyés et une ambiance fin du monde exaltante. Vous constaterez comme moi que je n'ai oublié aucun titre et il est fort probable qu'un titre bonus "Strange Days", une reprise des DOORS, vienne compléter la version définitive de l'album. Malheureusement elle ne figure pas sur mon promo mais il ne fait nul doute qu'elle sera plus réussie que la bien moyenne reprise du "spaceman" de BABYLON ZOO figurant sur l'album précédent.

La force de ce disque est liée à trois éléments : un sonwgwriting irréprochable et original qui combine à la fois génie et simplicité, une production surpuissante qui mixe parfaitement la base électro et les éléments métal et pour finir, la motivation de quatre gars doués et un peu ravagés qui ont tout fait pour sortir un disque peaufiné à l'extrème, ne comptant aucun moment faible, aucune hésitation ni aucune entourloupe facile pour gruger l'auditeur. Certains nostalgiques regretteront peut-être l'époque "Nexus polaris" mais le groupe dont je parle ici n'a plus rien à voir avec cette époque, certes talentueuse mais définitivement révolue. Les vocaux, ici taillés pour une new-wave d'outre-galaxie n'ont plus rien en commun avec le black-métal et ses dérivés. Ils ne desservent plus qu'une oeuvre grandiose d'un groupe majeur. Si le mythique batteur Hellhammer se cache sous le pseudonyme de Von Blomberg, c'est pour mieux mettre sa science de la frappe bien ajustée au service d'un ensemble et non pas pour profiter de son aura comme argument commercial. Sa symbiose avec la boîte à rythmes est telle qu'on se demande parfois qui est la machine et qui est l'homme.

Pour ce qui est de la suite des évènements, je ne demande qu'une chose : messieurs les promoteurs, manageurs, tour-opérateurs et autres rapaces de tous poils (ou plumes), donnez à The Kovenant les moyens de leurs ambitions. Je rève de voir ce groupe sur une scène énorme, pleine d'effets pyrotechniques (même si l'incident dramatique de Great White m'a refroidi un peu) pour un show digne de cet album. Je veux voir la foule en délire hurler "cyberthrash", la fosse rebondir tel un seul homme, les femmes chaudes et libidineuses montrer leurs arguments mammaires, les hommes montrer leur....non, je m'égare là. Bref, faites nous quelque chose de grand. Vous avez déjà la bande originale idéale, faites nous le film qui va avec. Inspiré, décalé, épique, grandiose. Les meilleurs mots dignes de qualifier cet album monstrueux.


Rédigé par : Loufi | 19/20 | Nb de lectures : 12105