Il y a un pléonasme dissimulé dans le titre de cette chronique.
Un brin de curiosité permet de le détecter rapidement. Le titre de l'album n'est jamais que la traduction en grec moderne du nom du groupe. Qui, lui, est en anglais. Enfin, le nom pas le groupe. Ils sont Romains eux. Italiens quoi. Quant au label il est allemand. Comment ça on s'en fout? Le metal est l'incarnation même du rêve européen avec ce genre de groupes.
Plus sérieusement The Foreshadowing -ou Oionos pour les Hellénistes- incarne le présage, l'augure envoyé par les dieux qui doit être décodé pour satisfaire leurs désirs, que ce message soit inscrit dans le vol des oiseaux, les tripes d'un poulet, les traits de la foudre ou... un album de gothic doom transalpin.

Certains l'auront peut-être remarqué j'aime bien avoir une grille de lecture pour écouter un album, un filtre qui déclenche une lecture active des œuvres d'art. Ouais même le Metôl c'est de l'art! Enfin quoi, regardez cette magnifique pochette illustrée par un autre Grec célèbre (qui ferait bien de travailler sur le prochain Septic au lieu de faire du photoshop pour les collègues), n'est-ce pas une invitation à pénétrer un univers étrange empreint de références mythologiques? Je ne sais pas vous mais vu le titre de l'album et le graphiste à l'œuvre sur la cover; je miserais bien sur une interprétation de Philémon, le vieillard changé en chêne par Zeus, symbole d'humilité et d'amour éternel, bla bla relisons Ovide ça ne fait pas de mal.

Préambule un peu long soit, mais d'humilité il en est question dans cet album puisant ses racines dans le doom aux accents gothiques rendu célèbre par des groupes comme Paradise Lost ou Anathema. En effet, The Foreshadowing ne tente à aucun moment de s'écarter des voies balisées par ses illustres aînés et propose un album sans surprises où se distingue le chant profond de Marco Benevento. On peut également rapprocher la musique de The Foreshadowing d'autres formations italiennes telles que Monumentum ou Cultus Sanguine pour leur utilisation marquée des claviers qui dressent une trame sensible et inspirée au cœur des morceaux.

Pas franchement original donc, pour autant il serait injuste de leur trouver un manque de caractère. Le style pratiqué est sobre, les ambiances sont souvent froides et jettent un voile d'obscurité que viennent percer avec aisance des lignes vocales constituant l'atout majeur du groupe. Marco Benevento a l'étoffe des grands chanteurs de metal gothique et possède en outre la lucidité suffisante pour ne jamais tomber dans les clichés ou la facilité d'un chant caricatural. Le type est doté d'un organe naturellement grave qui colle à merveille au genre et lui permet de flirter sans problèmes avec des phrasés New wave enivrants. Mieux encore quand il s'essaie à l'exercice périlleux de la reprise c'est sur le tube de Sting « Russians » où le groupe démontre qu'il possède une réelle identité et sait en jouer pour s'approprier un morceau culte.

Ne serait-ce que pour ces modestes qualités le groupe mérite de sortir de la masse des anonymes, de tourner davantage notamment pour donner la véritable mesure de leur capacité à charmer un large public avec leur romantisme crépusculaire. Pour la suite on ne peut que leur conseiller de laisser éclore leur propre univers et de diversifier des titres parfois redondants pour inscrire leur nom aux côtés de My Dying Bride dans le hall of fame des musiques en désespérance.


Rédigé par : #Guillaume# | 14/20 | Nb de lectures : 13213