Il est à la fois rassurant et inquiétant de voir débouler la dernière production des FK.
Rassurant parce que, comme les feuilles d’automne auxquelles on ne saurait échapper (ainsi qu’à la feuille d’impôts beaucoup moins bucolique celle-là), le nouveau FK ponctue un cycle bien rodé et quasi immuable.
Et inquiétant parce que ces derniers temps, les Suédois nous ont davantage habitué à ronronner qu’à innover. Certains – encore une bonne majorité – continuent de les suivre aveuglément depuis les débuts. D’autres s’en sont allés voir ailleurs si l’herbe n’était pas plus verte.
Pour autant, faut-il nécessairement attendre d’eux qu’il bouleverse leur fonds de commerce ?
Après l’avoir longtemps espéré, il faut se rendre à l’évidence, ce n’est pas demain la veille ! Surtout si l’on en croit les propos de Stolt tenus quelques semaines avant la sortie de The Sum Of No Evil.
Voici ce qu’il disait sur le site des FK : «Tout le monde a fait de l’excellent travail et y a investi beaucoup d’âme et de dévouement, les morceaux sont pleins de classe et de fantaisie, exactement ce que vous pouvez espérer des Flower Kings. Par dessus tout, c’est du Flower Kings dans toute sa quintessence, si bien que je ne m’avance pas trop en disant que quiconque, à un moment de sa vie, a aimé les Flower Kings ou le rock progressif, tel que nous le connaissons, ADORERA sans aucun doute cet album. Il y a dedans tout ce qu’un amateur de prog tuerait pour avoir, réalisé à la fois avec du savoir faire et de la passion, sans passages ringards ou prises de tête inutiles sous prétexte de faire du prog (…).
C’est probablement un album qui demande du temps pour être apprécié, comme ce qu’exige le prog, tout en ayant quelques accroches très cool et immédiates, mais PAS de chansons pop, PAS de prises de tête jazz (à moins que vous ne considériez King Crimson ou Zappa comme du jazz), et PAS d’expérimentations atmosphériques, seulement du pur progressif symphonique… et quelques céleris et carottes. Quand je dis 'symphonique', j’entends par là que cet album possède quelques sections plus grandioses et plus symphoniques que n’importe quel autre CD des Flower Kings, plus grandioses que grandiose…, plus énormes qu’énorme…, plus grosses que gros…
Sur une piste, il y a un chœur de 320 personnes qui a fait le déplacement depuis Budapest, et trois orgues d’église importés d’Allemagne, qui ont été démontés puis remontés dans le studio pour ce grandiose accord final sur le dernier morceau, vous savez, celui qui est soutenu pendant 54 secondes. Ca, c’est ce que j’appellerai un VRAI final de ‘prog epic’».

Mégalo le père Stolt ? Oui, certainement. Mais cette déclaration qui peut sembler démesurée voire outrecuidante a le mérite de ne tromper personne sur les intentions du groupe.
Confirmation dès les premières notes de One More Time (13’10). Pas de doutes, c’est bien du Flower Kings avec tous les ingrédients qui caractérisent leur style depuis 5 ou 6 albums déjà.
Stolt a parfaitement décrit ce qui fait l’essence de ce 10e album. Longs développements, les fameux « « epics » instruments ou sonorités vintage et autres enchevêtrements de thèmes. L’objectif est clair, ramener au bercail les quelques brebis perdues des dernières sorties. Par là même, abandon avoué des expérimentations ou des « égarements » jazzy. Oui, mais bizarrement, nous étions quelques-uns (pas assez nombreux sans doute) à applaudir cette « dérive » qui dérogeait au sacro saint progressif symphonique cher au puriste. Nous avions même fini par trouver du charme et beaucoup d’intérêt à Unfold The Future. Il faut croire que les réactions qui ont suivi sa sortie ont laissé des traces.
Rien de nouveau donc à attendre de Sum Of No Evil mais une foultitude de bons moments à passer. N’oublions que les FK sont parmi les meilleurs musiciens du monde et qu’ils ne laissent rien au hasard. Et si l’on met de côté nos récriminations, il y a aussi de quoi revisiter agréablement le prog 70’ le tout piloté par une bande d’incorrigibles nostalgiques. Allez, je peux même vous dire que ce 10e album contient quelques perles qui valent le détour.
Mais je le répète, les FK ont préféré jouer la prudence de peur de voir trop de fans se détourner d’eux. Et foin des quelques marginaux qui espéraient plus d’audace et ne se satisfont plus d’un style qui tourne en rond. Ceux-là iront sans doute chercher leur bonheur plus loin, chez d’autres Scandinaves qui n’hésitent pas à bousculer les convenances. Et il n’en manque pas !


Rédigé par : Karadok | 14/20 | Nb de lectures : 10463