Les Suédois, et Stolt en particulier, ne dorment jamais. Ça doit être les effets de la longue période du soleil de nuit qui frappe l’extrême nord de l’Europe. D’ailleurs, il paraît que Stolt passe environ 18 heures par jour dans son studio; pas facile de vivre aux côtés d’un tel énergumène. Je plains sa compagne et ses acolytes !
Résultat de ces insomnies studieuses, ce 4e et copieux double album en 12 années. Entrecoupés de simples non moins garnis – rarement moins de 75’, on peut d’ores et déjà qualifier « l’œuvre » des Scandinaves de pharaonique, en « seulement » 10 albums. Face à un tel monument, on s’incline…ou on détourne le regard, le cœur au bord des lèvres. Car ayant noté une nette baisse de régime après Revolver en 2000, l’inquiétude est grande de constater une nouvelle fois de la dispersion, de la fatuité, donc du déchet sur les 135 minutes de Paradox Hotel, concept album comme il se doit. C’est malheureusement ce à quoi nous ont habitués les Nordiques depuis Rainmaker. En fait, on n'y croit plus vraiment.
Quelques mots sur le concept : ici, pas de « fantasy », de SF et autres délires oniriques, mais du concret, du réfléchi, de l’introspection sur la condition humaine. Chaque disque symbolise une chambre de cet hôtel (Room 111 pour le cd 1 et 222 pour le cd 2) et chaque titre représente l’un des épisodes, heureux ou malheureux de notre vie ou de notre passage à l’Hôtel des Paradoxes. Selon Stolt « nous ne sommes que des invités sur cette planète et nous ne faisons pas attention à l’impact de notre passage sur terre. Nous entrons dans l’hôtel, nous en utilisons toutes ses commodités, le bar, la chambre puis nous payons la note et nous partons. Nous vivons un bref instant sans nous soucier de notre destin. Nous n’avons jamais rencontré Dieu, le manager de l’hôtel mais nous supposons qu’il fait son boulot, tout le temps et partout. » FK décline donc le concept au travers de titres explicites comme Monsters & Men, Lucy Had A Dream ou Life Will Kill You, etc.
Est-ce la teneur sérieuse du concept ou le retour de l’inspiration, peu importe, le résultat c’est que les FK ont accouché d’un bon album. Je ne dis pas d’un «grand » album. C’est suffisant et assez rassurant après les épisodes Rainmaker, Unfold The Future et surtout Adam & Eve. Dans les grandes lignes, c’est un album sérieux au sens positif du terme. On y retrouve toutes leurs influences parfaitement diluées et exécutées. C’est à dire, LE style FK dans toute sa plénitude, comprenez une synthèse appliquée de 30 années de musique toutes tendances confondues reposant sur un socle progressif dominant, bien entendu. Peu d’expérimentations hasardeuses ou de bidouillages qui feraient office de remplissage. La majorité des pièces présentées sont de bonne facture.(19 au total). Je dis la majorité, ainsi je ne m’attarderai pas inutilement sur les dispensables, peu nombreuses au demeurant. Car bien évidemment, Paradox Hotel n’étant pas encore de la trempe de Stardust, il y a ce fameux déchet que l’on redoutait.
Ce n’est pas tout à fait le cas de Monsters & Men qui du haut de ses 21’ et malgré quelques longueurs, renoue avec les grandes heures de FK. Les solos ciselés de Stolt renvoient autant à Steve Hackett qu’à Robert Fripp. La pièce la plus étrange est sans aucun doute Bavarian Skies (6’30). Un peu comme le fut A Vampire View, mon titre préféré du mièvre ( !) Adam & Eve*. Je n’en dis pas plus, je vous laisse découvrir. Même les titres à la structure moins habillée comme Jealousy sont de qualité et offrent des instants de respiration bienvenus. La musique foisonnante de FK nécessite souvent ce genre d’interludes pour mieux en digérer les phases les plus luxuriantes. Seul instrumental de l’album, Pioneers Of Aviation (7’49) tire son épingle du jeu dans un registre débridé que le groupe domestique à la perfection.
Le line-up est presque originel. Exit les guest comme Gildenlow** et arrivée du nouveau batteur Liliequist qui sans être bourrin, manque un peu de la fluidité de ses prédécesseurs Csorz et Salazar. Quelques séances studio supplémentaires et les tournées qui ne vont pas manquer régleront certainement ce léger problème.
Après six années et 3 albums de flottement et d’hésitation, il redevient agréable d’écouter du nouveau matériel des FK. D’autant que la richesse des plus de 2 heures de musique ne peut s’apprécier que sur le long terme. Le plaisir est donc globalement au rendez-vous, ce qui serait presque une surprise…

*Meilleure vente du groupe d’après Stolt !!!
**Toujours selon Stolt, les raisons de la mise à l’écart de Gildenlow est la suivante : les Flower Kings tournent beaucoup aux Etats-Unis. Or, le chanteur de POS refuse de se plier à la nouvelle loi américaine sur l’obligation faite aux nouveaux entrants de fournir son empreinte digitale. Stolt comprend cette position mais dit ne pouvoir se passer du marché d’outre atlantique. Ne pouvant compter sur Gildenlow pour les tournées US, cela complique sa participation dans l’enregistrement des nouveaux albums. Il le regrette mais c’est ainsi.


Rédigé par : Karadok | 15/20 | Nb de lectures : 12822