Vocodeur, saxophone, synthé, riffs syncopés, voix claire juvénile, growl, technicité, mélodicité, progressivité, brutalité, mathématique, accélérations, changements de rythme, claviers discrets, samples imaginatifs, envolées lyriques… Les jeunots grandissent et échangent la brutalité de leurs deux premiers opus pour un death très progressif et sophistiqué. Encore boutonneux, et pourtant déjà mûrs, ce troisième album des Ricains est une merveille.

Autotheism est plus qu’un simple jambon/beurre. Plutôt le jambon du maquis corse dans son pain traditionnel à la graine de pavot, accompagné de tomates séchées, farandole de saveurs sur son lit sauce aubergine, et petits chèvres chauds enrobés de feuilles de laurier. Oui, ma description est longue, mais c’est pourtant ce à quoi nous avons droit avec cette galette. The Faceless a tout mis dans son sandwich, et toutes les idées sont exploitables et judicieuses. Autotheism ne lasse pas tant ses saveurs sont distinctes, savent se marier entre elles, et à chaque écoute apportent leur lot de surprises.

Les Californiens m’avaient mis une gifle à la sortie de Planet Duality, qui m’a véritablement passionné et impressionné. Et force est de constater qu’ils me fascinent toujours autant tout en évoluant dans un autre registre. Le combo brouille complètement les pistes et rafraîchit son son et ses structures par une réelle approche progressive. On lève le pied sur le bourrin pur et dur pour agrémenter ce death racé d’autres idées. J’y vois des influences venues de divers horizons. J’entends les ténors du death prog’ actuel pour les passages brutaux et alambiqués, ça va de soi, mais aussi et surtout BTBAM, des idées rappelant aussi Animals As Leaders, Opeth, Dir En Grey, All Shall Perish, voire même Dream Theater… et surtout on sent que le groupe a une grande admiration pour Cynic. Ils poursuivent le travail d’orfèvre de Paul Masvidal et s’inspire clairement de ses travaux.

Le côté étouffant est aux oubliettes, une facette presque lumineuse surgit, intelligente et labyrinthique. Beaucoup d’informations, de plans, d’idées, mais tout coule avec une surprenante fluidité. Gorod, Obscura et Spawn of Possession voient un concurrent sérieux délaisser la course à la succession de Necrophagist. Ces musiciens tapent ailleurs désormais, si près et si loin à la fois, mais tellement présent. Le travail de composition racé est sublimé par des arrangements fouillis et fournis, et la prod’ énorme, fine, laisse à cette musique à tiroirs tout le loisir de s’épanouir. Plus de brûlot tels The Ancient Covenant ou Xenochrist, peu de titres sortent du lot pour un opus très homogène. La trame musicale est plus ambiancée, ça blaste moins, le son est moins massif, plus de breakdown non plus. Et oui, le changement, c’est maintenant !

Son leader, Micheal Keene, est un jeune homme ambitieux. Il ose. Mieux vaut ne pas être allergique à son chant clair car il est proéminent et rappelle nos vertes années, sa voix claire est un poil juvénile… et aucun titre n’y échappe. Le line-up a bougé, le seul rescapé se nomme Lyle Cooper, l’excellent batteur. Le petit nouveau et sa voix gutturale sont au second plan. Evan Brewer, bassiste d’exception, vient grossir les rangs, mais tristement la prod’ le met peu en avant, et c’est un vrai gâchis.

On pourrait pinailler sur cette évolution opportuniste, sur les influences un poil trop marquées, ou encore ce chant clair encore perfectible, mais non. Non, je ne critiquerai pas cet opus vivant, risqué et marquant un pas de géant dans la discographie de ce jeune quintet. L’album de la maturité me dit-on ? Non, ils l’avaient déjà avant. Autotheism est tout simplement un exemple de refus de stagnation, une leçon d’ambiances, de richesse et de surprises. 3 albums, tous excellents. La révolution vient des jeunes, comme toujours, puisque les papys proposent constamment la même tambouille. Une émotion perméable et subtile se dégage de cette galette sophistiquée, qui file un coup de fouet à cette année 2012 metallistiquement fadasse. Acceptez que le blast ne soit plus roi chez The Faceless et sachez apprécier ce que les gamins ont à dire. Autotheism, parce que vous le valez bien !


Rédigé par : Bras Cassé | 16,5/20 | Nb de lectures : 15479