Je crois que c’est le soir du concert de DILLINGER ESCAPE PLAN en première partie du SYSTEM OF A DOWN au Zenith que je suis devenu fan du groupe. Desservis par un son horrible, les cinq étaient partis sous les hués des fans pour le moins obtus des Arméniens bondissants.

Plus par esprit de contradiction que par réelle conviction, j’ai commencé à me renseigner sur ce groupe de la « vague » des génies de Boston.

Je n’ai pas tardé à tomber amoureux de ce Métal aux allures de chaos sonore et pourtant si accrocheur, soutenu par un jeu scénique inégalé, qui pour une fois ne se faisait pas en dépit de la maîtrise instrumentale.

Vient ensuite la rencontre avec Mister Patton. « Irony is a dead scene » est un monument musical, un hymne à la scène US indé, acceptant, une fois n’est pas coutume, le Métal dur en son sein.

Ce virage devait marquer la carrière de DILLINGER ESCAPE PLAN de manière définitive, et ce revirement fut entériné avec réussite par l’album « Miss Machine », introduisant une musicalité inédite dans l’œuvre du groupe.

En parallèle, les changements de line-up se succèdent, et influencent eux aussi la direction artistique du groupe sans pour autant le déstabiliser. « Ire Works » se fera donc sans deux des membres historiques (mais pas d’origine dans le cas de Benoit).

Chris Pennie, furieux batteur et fantastique musicien s’en est allé vers de nouveaux horizons. Comme tout bon fan, cette nouvelle m’a désespéré, au point de douter grandement de la pérennité du groupe, tant il m’apparaît évident que Chris était à la base de ce style si particulier qui faisait son identité depuis ses origines.
Mais sachons admettre le changement, et partons avec le moins d’a priori possible avant l’écoute de « Ire Works ».

Pour ce qui est de la « patte DEP », pas d’inquiétude, on reconnaît le groupe à la première seconde. L’album est très homogène et les morceaux suivent une structure qui a fait le succès du quintet de Boston. Peut-être ai-je trop écouté « Miss Machine » mais un sentiment de répétitivité s’installe dès la première écoute.

Pas de panique, le style DEP, c’est aussi de faire de la musique à tiroirs. L’approche initiale servant à déchiffrer, voire défricher de complexes théories musicales. « Irony is a dead scene », « Miss Machine » ou « Calculating Infinity » m’avaient d’abord dérangé, désarçonné, ennuyé, avant de me séduire définitivement.

J’attends donc que le relief des chansons se présente de lui-même, mais ça ne vient pas. J’enrage contre mon propre cerveau, peut-être dépassé par la volonté de DEP, mais pourtant, j’ai l’impression d’entendre, de comprendre.

Et s’il n’y avait rien à comprendre après tout. Et si « Ire Works » avait été le fruit de trop d’empressement dans sa composition. Un groupe lambda aurait-été trahi par un son bancal, une technique vacillante ou des recours abusifs au remplissage pour combler les minutes et les notes qui séparent la création d’un album viscéral, de l’exécution froide d’un contrat artistique.
Il n’en est rien, DEP est trop doué.
Mais le titre de l’album « Ire Works » (œuvre colérique), m’apparaît comme l’aveu d’un travail expédié, en réponse à trop de pression des fans, des tourneurs, des labels…

Alors n’allez pas croire que cet album est mauvais, j’ai d’ailleurs le sentiment que quelqu’un qui n’aurait jamais écouté « Miss Machine » pourrait donner un avis dithyrambique sur ce nouvel opus. Mais le manque singulier de relief se fait trop sentir, malgré les efforts d’originalité Gil Sharone (nouveau batteur du groupe) pour varier les tempos et introduire des influences plus « latines ».

Dimitri Minakakis (chanteur de DEP des débuts jusqu’à 2001), vient poser sa voix en invité rageur, qui rappelle l’apothéose chaotique de « Calculating Infinity » et qui met en exergue, s’il le fallait, la musicalité de son héritier Greg Puciato, tout aussi furieux mais qui s’enferme petit à petit dans ses vocalises dont la variété s’essouffle.

Je ne saurai trop conseiller aux néophytes de ne pas s’arrêter à la note de cette chronique pour juger de ce qu’est DILLINGER ESCAPE PLAN. Mais il fallait sanctionner ce coup de moins bien dans une carrière, jusqu’alors sans faille, d’un groupe pourtant jamais déstabilisé par les changements de line-up incessants.

Vivement le live et surtout, vivement la suite !


Rédigé par : Monkey D. Luffy | 12/20 | Nb de lectures : 14530