Je vous parle d’un temps que les moins de huit ans ne peuvent pas connaître.

Un temps révolu où l’acronyme CNK voulait dire « Count Nosferatu Kommando ». Où ce duo d’alors passait par la force des choses pour le projet parallèle de RMS Hreidmarr, dont le groupe principal, Anorexia Nervosa, avait sorti un an plus tôt le sismique « New Obscurantis Order ». Notre ami avait alors les cheveux longs et noirs, et un maquillage de vieille pute syphilitique.

En réalité, à l’époque, CNK est (déjà) bien plus qu’une simple incartade. Dirigé de main de maître par Heinrich Von B. (responsable des musiques), et signé alors sur le minuscule label War On Majors qui privilégie les découvertes fortes plutôt que les effets de mode, le duo pose avec « Ultraviolence Über Alles » les bases de son conglomérat electro black. Bien sûr, on est encore loin de la machine emphatique qui réalisera cinq ans plus tard « L’hymne à la joie » : tout au long de ce premier essai, on pense davantage à Ministry qu’à Beethoven, quand bien même quelques lignes de claviers martiales et « tendant vers le symphonique » font office de dénominateur commun entre le Count Nosferatu Kommando et le Cosa Nostra Klub. C’est néanmoins, par-dessus tout, une énergie destructrice issue tout droit du punk qui marque « UÜA » de son empreinte cradingue.

Neuf années plus tard, hormis le plaisir intact de (re)découvrir ces oeuvres irritées et majoritairement efficaces (pour qui supporte les leitmotivs répétés à l’envi), cette « Übercharged Edition » de UÜA met les petits plats dans les grands, avec au menu un nouvel artwork somptueux signé Metastazis (a.k.a. Valnoir, par ailleurs bassiste actuel de la formation) et pas moins de huit titres bonus. Attention, pas des versions « radio edit » à deux balles ou des reprises enregistrées à la va–vite ! Carrément une sorte de mini-tribute qui voit ainsi huit formations reprendre ou remixer un titre extrait de ce premier album. L’initiative est tout simplement excellente, et permet de découvrir certains morceaux passés dans différentes moulinettes : le keupon « vintage » de Lower 48 (chez qui on jurerait entendre John Lydon au chant !), le metal electro martial et esthétique de Herrschaft ou le rock n’roll sleazy de Blackrain, entre autres. Belle idée, s’il en est.

Tout comme ce superbe artwork rappelant inévitablement « Le Baiser », peinture signée Dmitri Vrubel ornant jadis un fragment du mur de Berlin, et qui laissait voir Leonid Brejnev (dirigeant de l’ex-URSS) embrasser à bouche-que-veux-tu Erich Honecker (dirigeant de l’ex-RDA). Une façon de replonger dans cette imagerie totalitaire chère au groupe et exploitée à fond par Valnoir sur la pochette de « L’hymne à la joie ».

Bien des labels devraient s’inspirer du travail fourni conjointement par The CNK et Season Of Mist à l’occasion de cette réédition. Cela nous éviterait peut-être quelques resucées bidon, onéreuses et superflues, qui la plupart du temps mériteraient davantage le nom de « re-pressage ». Bravo !


Rédigé par : Rahahaaz | Reedition/ | Nb de lectures : 14191