Il est fort probable que le nom de ce groupe mexicain ne vous dise rien ou qu’il ne vous soit que vaguement familier. Pourtant, les débuts de THE CHASM remontent à 1992 et « The Spell of Retribution » est déjà leur septième album. Injustement méconnu du plus grand nombre à cause de labels pour le moins underground et d’une distribution homéopathique, THE CHASM va enfin connaître une exposition médiatique qui lui faisait jusqu’alors défaut.
Malgré un look sorti tout droit des années 80 et un goût esthétique à faire vomir, la musique de THE CHASM ne prête pas vraiment à la rigolade. Si les origines musicales du groupe sont indéniablement old school, il ne s’agit pas là d’une banale formation de death. Il est clair que bien des ingrédients ont mijoté dans la marmite de « The Spell of Retribution » mais ces derniers ont été dissous avec tant d’habileté que THE CHASM a réussi à se façonner un style assez personnel qui ne connaît pas d’égal.
Il ne faut pas bien longtemps pour se rendre compte qu’on est sur un gros, un très gros morceau, lorsque l’on écoute les deux premières minutes de « From the curse », l’instrumental qui inaugure cette nouvelle galette. THE CHASM se livre d’entrée de jeu à une débauche d’harmonies hallucinantes qui n’a que de faux-semblant avec celles qui ont fait la réputation de DISSECTION. Les choses se corsent par la suite car le death/thrash de THE CHASM ne répond pas aux règles dictées par le genre. Les neuf titres qui suivent sont de véritables œuvres d’art, de fines pièces d’orfèvre où chaque note, chaque temps a son importance. Impossible de savoir combien de thèmes différents se succèdent dans chacun des morceaux présentés ici. Les riffs s’enchaînent avec une facilité et une virtuosité déconcertantes. THE CHASM ne dévoile jamais la trame de ses titres, il n’abat jamais toutes ses cartes comme c’est inévitablement le cas des groupes death/thrash. Ici la musique avance, cachée pour mieux surprendre au détour de riffs qui marquent la mémoire au fer rouge, de breaks lancinants, d’envolées de six cordes irréelles. Tous ces ingrédients se mêlent et se démêlent dans une véritable orgie musicale qui façonne dans sa globalité, une ambiance old school presque mystique.
J’ai lu bien des articles sur le groupe avant de me lancer dans la rédaction de cette chronique car la musique présentée ici et la minutie avec laquelle elle a été élaborée, méritait une attention toute particulière. De tout ce que j’ai pu consulter, la vulgarisation qui convient le mieux pour décrire THE CHASM serait de décrire le groupe comme un mélange subtil de POSSESSED, SLAYER (les deux premiers albums), KREATOR (pour les riffs thrashy) avec un sens de la composition qu’on n’attribuait jusqu’alors qu’à OPETH. Difficile en fait de cerner réellement THE CHASM, leur métal ne se laisse pas classer aussi facilement. Il contentera aussi bien les fans de thrash, de death, que ceux de heavy. Si « The Spell of Retribution » est l’archétype d’un métal fédérateur, il ne se laisse pervertir à aucun moment par la facilité ou par les concessions commerciales.
Si les Mexicains de THE CHASM sont relocalisés depuis quelques années dans l’Illinois, ils sont restés proches de leurs racines sud-américaines. Pour accompagner leur musique hors norme, il fallait un sujet qui sorte de l’ordinaire. Aussi les sujets traités dans les textes portent sur les origines de leur pays natal, sur la mythologie et les mystères qui entourent les dynasties des temps anciens. Des thèmes qui jouent probablement un rôle important dans la spiritualité qui se dégage de ce disque.
Je pensais naïvement que tout avait été fait en matière de métal mid-tempo et que ce style appartenait désormais au passé. C’est en étant confronté à des œuvres pareilles que je me rends compte que mon erreur est de taille. « The Spell of Retribution » est doté de quelque chose qui est bien à part, qui fait immanquablement défaut aux productions que nous subissons à longueur d’année, qui ne s’achète pas, qui ne se copie pas, qui n’a pas besoin d’artifices : une âme…



Rédigé par : Tonton | 19/20 | Nb de lectures : 11653