Oui, on peut être un fervent catholique et faire un boucan infernal. THE CHARIOT, groupe chrétien revendiqué tirant son patronyme d’un verset de la Bible, est là pour le prouver, le démontrer et l’entériner. Et tout ça en 28 petites minutes de folie furieuse rappelant le maelström originel, le tohu-bohu biblique, le chaos le plus total. Bref, en foutant un sacré bordel. La musique pleine d’aspérités et chaotique du groupe est une arme à double tranchant. Elle est à la fois sa plus grande force et son gros point faible. Sa plus grande force car dès les premiers instants, dès les premières notes, on se fait du souci. On craint que la galette ne sorte de la platine pour nous sauter à la gueule et nous bouffer la gorge tellement tout ça semble totalement foufou, libre et instable. Son plus gros défaut car on se demande bien où les mecs veulent et venir et « Live Long » s’avère très difficile d’accès pour celui qui ne connaitrait pas le groupe. Même pour celui qui le connaît d’ailleurs. On galère, on en chie pour se rattraper à une branche, accrocher un riff, voire même trouver un riff tant la musique paraît saccadée, décousue et parfois, totalement nawakesque. On navigue à vue, à tâtons, dans l’obscurité. Mais si on fait l’effort, si on prend sur soi, on finit par voir la Lumière. Et Dieu c’est qu’elle est belle la Lumière.

« Live Long » c’est donc 28 minutes de chaos sonique et de furie sonore. Difficile, au début, de parler de chansons ou de morceaux tant tout cela ne semble former qu’une seule et même entité composée de riffs aléatoire, de cris placés çà et là, de basse sautillant hors des sentiers battus et de batterie tabassant à l’aveugle. Un peu comme quand on observe la circulation sur le périph parisien en pleine heure de pointe. Chacun fait n’importe quoi, n’importe comment mais au finale le tout est d’une fluidité absolue vu que tout le monde va dans le même sens. Eh ben voilà, « Live Long » c’est ça. Le chaos dans la maîtrise. Le foutoir ordonné. Le groupe a un but à atteindre et l’important n’est pas la manière d’y arriver mais bien… d’y arriver. Et ces salopards y arrivent parfaitement car, après quelques écoutes attentives, tout s’illumine et « Long Live » s’avère limpide et clair comme de l’eau de roche. Les prémices de « Evan Perks » montrent la voie à tout l’album. Riffs claquants, dépouillés jusqu’à la moelle, basse déglinguée et sautillante, coups de semonce portés à la caisse claire et une voix, rappelant Coalesce, au bord de la rupture, sortie de corde vocale gargarisée au white spirit. Le tout au service d’un hardcore, moderne, chaotique, totalement punk dans son refus des conventions et servi par une production savamment craspec. Tu la sens bien ma grosse hype là ?

Si « Evan Perks » est prévisible dans son imprévisibilité (hum…) « Calvin McKenzie » déconcerte totalement avec une rupture de ton impossible en fin de titre qui s’arrête d’un coup, remplacé par un morceau de country-pop sixties sorti de nulle part avant de repartir comme en 40. On y trouve aussi des chœurs déments (magnifique « The City »), des passages parlés sortis de la bouche d’un prophète fou (gigantesque "David De La Hoz"), de la harpe, du violon (il me semble) et même de la trompette. Et quelle trompette ! L’instrument accompagnant la montée en puissance du titre final « The King » qui donne envie de tout casser en pleurant. Outre chaotique, l’autre mot clé de « Live Long » est dissonance. On en compte plus le nombre de larsens, de riffs amputés, de plans de batterie mitraillette totalement dissemblable mais qui mis ensemble donnent de putains de morceau totalement désordonnés mais tout en restant accrocheurs. « The Audience » en est le parfait exemple. Décrire « Live Long » par des mots est compliqué mais je pense qu’on peut le comparer à une version hardcore de « Vol Au Dessus d’Un Nid de Coucou ». Un album à la fois fou et réfléchi, brouillon et hyper travaillé, chaotique et maîtrisé enrobé d’une imprévisibilité presque animale. THE CHARIOT, c’est le Gilles De La Tourette du hardcore.


Rédigé par : Seb On Fire | 16/20 | Nb de lectures : 13118