Élitisme :
Attitude ou politique visant à former et à sélectionner les meilleurs éléments d'un groupe sur le plan des aptitudes intellectuelles ou physiques, aux dépens de la masse. Apologie de l'élite.

De prime abord, on pourrait au vu du CV de THE BAKERTON GROUP crier à la sortie élitiste du moment et passer son chemin (si l'on ne se sent pas un tant soit peu concerné). Mais réduire "El Rojo" à ce genre d'étiquette serait sûrement la plus grosse erreur à faire tellement cet album regorge de possibilités et d'écoutes différentes.

Pour la présentation, THE BAKERTON GROUP (TBG) n'est autre que le projet instrumental des génialissimes membres de CLUTCH, avec sur cet album un guest de choix. On retrouve donc TIM SULT à la guitare, Dan Maines à la basse, Jean Paul Gaster derrière les fûts, le sculptural Neil Fallon troque son micro pour la guitare et le tout est soutenu par un claviériste d'exception, Per Wiberg, des Suédois d'OPETH et SPIRITUAL BEGGARS !!
"El Rojo" est le deuxième LP de la team après un EP paru en 2000 et un excellent album éponyme sorti en 2007. L'intention du groupe est annoncée dès le départ, jammer des heures et des heures durant, influencé par les grandes formations rock progressives des années 70 tel que Cream, Deep Purple (les premiers), King Crimson, Kansas, ou Jimi Hendrix Experiences, garder le meilleur de ces sessions, puis presser le tout jusqu'à en conserver l'essentiel. Résultat : dix perles (de 4 minutes en moyenne) de rock groovy/funky/psyché, teinté jazz, transpirant le blues et le southern rock et avec la profondeur typique du rock 70's. Du feeling à l'état pur !

Bien sûr ça sonne clairement CLUTCH, avec toujours cette propension au staccato et aux rythmiques groovy, mais en tant que groupe instrumental, TBG a sa propre personnalité et son propre univers. Ils ouvrent cette galette avec le pêchu et psychédélique "Time Horizon" puis enchaînent direct avec le Creamien "Chancellor", ultra aérien et planant. Gros boulot basse/batterie, on imagine bien Jean Paul Gaster avec ses mimiques d'autiste, derrière ses fûts en train de sautiller sur son siège. La présence de l'orgue Hammond de Wiberg (Mellotron, B3 et compagnie...) n'est pas là pour décorer et on pourra retrouver tout au long de l'album des parties intelligemment posées ainsi que de superbes solos. C'est le cas notamment sur "Peruvian Airspace", Wiberg donne une couleur définitivement seventies en appuyant les guitares clutchiennes chargées de flanger, le tout sur un pattern batterie subtil de Gaster. "Bien Classico" est le morceau le plus jazz de l'album (même si le spectre de Charlie Parker et Coltrane hante le CD), un saxophone alto complètement barré, dans la pure veine John Coltrane, fait sa place et instaure une ambiance particulière. A noter que "Peruvian Airspace", "Life On Lars" ou "Last Orbit" avait déjà pu être entendus dans des versions plus primaires lors de plusieurs live de Clutch. On retrouve même "Last Orbit" sur le légendaire "Live at the Hi Fi Bar" sorti en 2007, qui avait été immédiatement pressé et vendu au public après le show.

"El Rojo" est bourré de petites choses, des détails qui vous illuminent, qui vous donnent envie de prendre votre gratte ou votre basse et de vous y essayer aussi. La palme revient au titre "M.(f).H.S.", trois minutes pour un titre aussi catchy que mélodique. Un tube instrumental en puissance. Malgré la démarche du groupe, à aucun moment "El Rojo" ne sonne vieillot ou dépassé. La production moderne de Jim Robbins sonne chaude et retranscrit parfaitement l'ambiance "Jam Session" inhérente à THE BAKERTON GROUP.

TBG ne fait jamais de démonstration mais de l'expression, et c'est en cela que cet album est universel. Que vous soyez Deatheux, Thrasheux, Blackeux, Stoner freaks, Coreux ou punk vous vous devez d'écouter "El Rojo". Moins abordable que KING HOBO (où officie aussi Jean Paul Gaster) ou PLANKTON (avec des membres de CLUTCH également), il est évident que les compos vous parleront plus si vous êtes zikos ou mélomane averti, mais le talent des sieurs peut autant vous illuminer si vous y posez une oreille innocente.

THE BAKERTON GROUP réussit la performance de livrer un album de tubes instrumentaux. Du génie, du feeling, de la simplicité, des mélodies catchy, des zikos qui comprennent leurs instruments... De la putain de musique quoi !

Un album à posséder, pièce rare délivrée par des musiciens, nouvelles influences majeures d'une génération, à grandement respecter.

A VOIR EN LIVE (avec des guests tels que Dan Soren de Sixty Watt Shaman, Scott Wino (St Vitus), Troy Sanders et Bil Kelliher de Mastodon ou encore des membres de Five Horse Johnson et Dozer) !


Rédigé par : Layne | 16.50/20 | Nb de lectures : 10323