Etrange... Indéniablement il y a quelque chose qui sonne très faux sur cet album. Peut-être que c'est l'ignominie qui tient lieu de piste n°10. La façon dont le polyinstrumentiste Dharok massacre le mythique " Christus Factus Est " d'Anton Bruckner est la parfaite illustration de ce pourquoi il devrait être interdit de se hasarder à adapter des œuvres classiques à la sauce metal sous peine d'immolation immédiate. Déjà que je grince les dents en silence chaque fois qu'un groupe sample le " Requiem " de Wolfgang ou se grille à tenter - comme Therion - une relecture du " Fortuna Imperatrix Mundi " de Carl Orff... mais là on atteint des sommets. Tant qu'à faire dans le sacrilège l'ami Dharok aurait été tout aussi inspiré d'aller directement piétiner la tombe de Bruckner et d'enregistrer le fracas de ses rangers sur le marbre : il se serait épargné un travail de saucissonnage sans doute aussi fastidieux pour lui qu'intolérable pour moi. Bref... j'ignore si, de cet " hommage " à un des compositeurs les plus farouchement pieux de toute l'histoire de la musique sacrée, l'on doit déduire que Sympathy est un groupe de death metal Chrétien. L'idée ne paraît pas si saugrenue en vertu de l'imagerie et des paroles plutôt " neutres " employées, mais il faudrait se renseigner pour en avoir le cœur net et éviter toute spéculation hâtive. Ce que l'album propose hormis l'abjection discutée ci-dessus peut se résumer à une variante de death metal technique d'inspiration Death première époque, trempée dans un contexte de mystère mis en place par des chutes de synthé brèves mais aussi évocatrices d'une ambiance de film d'épouvante gothique que celles de Nile peuvent l'être d'une ambiance de pyramides et de sarcophages. La musique bouge beaucoup aussi bien d'un morceau à l'autre qu'au sein d'une même composition, certaines pouvant même être qualifiées d'instables, tant les méandres y sont nombreux et généralement abrupts. En même temps on a connu plus technique et déjanté, sans toutefois qu'une impression de collage ressorte autant que sur cet album. " Invocation " apporte la preuve que le savoir-faire instrumental et l'abondance d'idées ne suffisent pas toujours à pallier l'incohérence née de clashs stylistiques et, aussi en l'occurrence, de lacunes au niveau de la réalisation. Je ne dis pas ça souvent, mais la petitesse de la production nuit véritablement à l'album. Ce n'est pas mauvais au sens où on aurait l'impression que Dharok a enregistré dans un cagibi, mais le mix tend à aplanir basse et guitares en une purée grinçante et uniforme, alors qu'au contraire la boîte à rythmes claque mécaniquement (sans doute trop densément) comme un fouet sur les parties charnues et le chant lourd et glaireux est très en avant. En clair c'est bancal, sous tous les angles de vue. Les éléments du mix se font la chasse au lieu de s'harmoniser. Où que l'on en soit de l'écoute, on ne peut que deviner des bases de composition solides et millimétrées, mais cela ne sert pas à grand chose lorsque la perception globale est aussi trouble et, en un mot, désagréable. Le public visé par Sympathy sera peut-être plus indulgent sur le fond et ne retiendra de " Invocation " que le positif, et il y en a, car quelque part je suis convaincu qu'avec un tel son, même un " Leprosy " aurait eu bien du mal à devenir l'album culte qu'il est. Pour ma part, non seulement je ne parviens pas à endurer l'album d'un bout à l'autre sans piquer du nez, mais en plus, en vertu des raisons mentionnées en début de chronique, je ne ressens aucune sympathie pour Sympathy (j'ai osé la faire...).


Rédigé par : Uriel | 09/20 | Nb de lectures : 7494