L'année 2005 est terminée et a emporté avec elle SUPURATION qui tel une comète décennale avait ressurgi du passé pour nous apporter "Incubation", un album fabuleux, digne de son illustre prédécesseur et "9092", une réédition de vieux titres introuvables attendue par de très nombreux fans qui n'avaient pas la chance de posséder la première édition ainsi que de trop rares concerts (dont le dernier a été immortalisé pour le DVD de la Holy Party) qui resteront pour longtemps gravés dans nos mémoires. Ceci étant fait, c'est tout naturellement que la comète est repartie, espérons qu'elle reviendra un jour, peut-être en 2013, qui sait...
Place à donc S.U.P. et à son nouvel album "Imago". Pour qui n'est pas préparé et a encore dans les oreilles la violence brute de SUPURATION, le choc est violent, le contraste assourdissant. Ludo l'a répété à de nombreuses reprises avant la sortie de l'album : "Il y a autant de différences entre "Incubation" et "Imago" qu'entre "the cube" et "Anomaly". Vous voilà prévenus. Pour appréhender "Imago" de façon un peu plus douce, il vaut tout d'abord mieux se remettre la discographie complète de S.U.P. dans les cages à miel. Ceci étant fait, "Imago" semble de suite, beaucoup moins violent (je ne parle pas ici de violence musicale mais de la violence ressentie par l'auditeur, qui perd les repères qu'il avait pu prendre par rapport au groupe avec "Incubation" ou même "9092").
"Imago" s'inscrit dans la continuité de la discographie de S.U.P. Dés les premières secondes, le style du groupe si particulier et reconnaissable entre mille, vous enveloppe et vous emporte dans le monde froid et si particulier de S.U.P.
En douze titres, "Imago" revisite S.U.P. et agrandit d'autant le nombre d'excellents morceaux que compte déjà la discographie sans faute du groupe. Choisir quels morceaux jouer en concert va sans doute devenir un véritable casse-tête pour le groupe tant cet album contient de titres pouvant sans problème passer l'épreuve de la scène et tant le back catalogue commence à contenir des titres incontournables que les fans attendent à chaque concert. Comme d'habitude donc pas le moindre remplissage, pas le moindre titre qui fasse tâche à coté des autres. Chez S.U.P. chaque morceau de chaque album est la pièce d'un puzzle formé par le concept qui sous-tend chaque album et cette pièce se doit de s'emboîter parfaitement aux autres. Le groupe professionnel comme jamais et perfectionniste jusqu'au bout à une fois de plus veiller à offrir un produit parfait dans tous les domaines.
Le digipack, constante de tous les albums du groupe depuis ses débuts est une fois de plus magnifique, peut-être même est-ce le plus beau de tous. Je ne suis, pour ma part, pas loin de le penser en tout cas. Il est comme pour "Incubation", l’œuvre de Mathieu Carton qui une fois de plus à accompli un travail vraiment exceptionnel. L'intérieur du digipack, en plus d'offrir les indispensables paroles, permet de découvrir les membres du groupe sous formes de représentations dessinées très réalistes. A quand une bande dessinée S.U.P. ?
Les paroles sont une fois de plus sorties de l'imaginaire tortueux des frères Loez. L'histoire - que je ne vous raconterai pas ici, un concept de S.U.P. ne se racontant ni ne se décrivant pas selon moi mais se vivant en lisant l'album en même temps qu'on l'écoute - emportera encore l'auditeur qui se donnera la peine de s'y intéresser dans un monde futuriste étrange.
La musique ne décevra aucun fan du groupe. Difficile de rapprocher "Imago" d'un autre album du groupe ou bien encore d'essayer de le classer dans l'échelle des valeurs Supistes. Chaque fan du groupe a sa propre échelle et je n'ai pas encore le recul nécessaire (malgré des dizaines d'écoutes) pour savoir s'il sera parmi mes préférés ou pas. Une chose est sûre : cet album est très bon et surtout, il est ambitieux. Si Angelus ne montrait pas vraiment de progression et semblait plus une synthèse de tout ce qu'avait S.U.P. jusqu'ici. "Imago" (et la parenthèse temporelle accordée à SUPÜRATION n'y est sûrement pas non plus totalement étrangère) voit le groupe explorer de nouveaux horizons. Ce qui frappe d'entrée c'est l'omniprésence des synthés. Le groupe ne les avait jusque là que très peu utilisés. Ils font ici une entrée très remarquée. Le très atmosphérique "Deformed army" ou le sublissime instrumental éponyme qui clôt l'album en sont les meilleurs exemples. Ils montrent une nouvelle facette du groupe, une facette que l'on pourrait qualifier de cinématographique. Ceux qui suivent de près la carrière du groupe savent qu'il s'est déjà adonné au difficile exercice de la musique de film pour "Jacques le fataliste" en 1994 et beaucoup plus récemment pour "Insanity". On sait aussi que le groupe renouvellera prochainement cette expérience. Des titres tels que "The deformed army" et surtout "Imago" donc semblent vraiment avoir profité de ces expériences et de leur influence sur la façon de composer du groupe. Plus que jamais la musique du groupe est la musique du film dont l'histoire est racontée dans les paroles, plus que jamais sont créées dans l'imaginaire de l'auditeur des images de ce film que chacun verra à sa manière.
L'influence de VOIVOD (la seule que l'on ait pu imputer au groupe) est plus que jamais présente ici sans que l'on puisse vraiment dire précisément où. Elle se mêle à d'autres influences, elles aussi fugaces et difficilement définissables, trip-hop et cold wave en tête.
Je pourrais passer des heures à tenter de vous convaincre que S.U.P. est le meilleur groupe du monde mais à quoi bon. C'est ce que je pense depuis plus de dix ans mais le style hypnotique et glacial du groupe est si particulier que je comprends aisément qu'il ne puisse pas plaire à tout le monde. "Imago" est un album de S.U.P. dans la plus pure tradition. Il y a peu de chance que ceux qui ont déjà tenté d'apprécier le groupe - sans succès - avec les albums précédents changent d'avis avec celui-ci. S.U.P. n'a une fois de plus pas fait la moindre concession au business, n'a pas cherché à rendre sa musique plus accessible, ni plus "écoutable" pour un plus grand nombre. Le groupe à depuis bien longtemps cessé de rechercher le succès et préfère faire les albums qu'ils désirent vraiment. Libre à chacun de le suivre dans sa démarche ou pas.
Je souhaiterais donc juste que grâce à cet album la musique de S.U.P. arrive aux oreilles de personnes qui n'avaient jusque là jamais eu l'occasion de vraiment écouter du S.U.P. (c'est à dire au moins un peu plus qu'un morceau entendu distraitement au détour d'un sampler entre la vaisselle et un coup de téléphone) ou de personnes qui ne connaissaient même pas le groupe, il en existe encore sans doute beaucoup, histoire que la communauté supiste s'agrandisse encore. Rendez-vous au printemps prochain pour la tournée "Imago".


Rédigé par : Sheb | Hors catégorie/ | Nb de lectures : 16638