A force de régularité dans ses sorties d’albums, SUIDAKRA a fini par faire entrer son nom dans l’inconscient collectif des amateurs de métal ni trop bourrin ni trop mélodique aux forts accents pagan. A défaut d’être devenu un groupe incontournable, il est au moins devenu une sorte de valeur sûre, proposant des albums de qualité même si pas inoubliables, la plupart du temps dotés d’un bel artwork du compagnon de presque toujours Kris Verwimp (ABSU, MARDUK, BEWITCHED) qui s’est d’ailleurs encore plus investi dans ce nouvel album en prenant part à l’élaboration du concept et des paroles.

Mine de rien, les Allemands reviennent avec leur neuvième disque en douze ans et le black death mélodique pratiqué sur “Emprise To Avallon” et “Signs For The Fallen”, au début des années 2000, a depuis laissé les influences pagan prendre largement le dessus pour en arriver à ce « Crògacht » entièrement centré sur une légende irlandaise digne d’une tragédie grecque. Dans cette légende, et pour faire court (tous les détails se trouvent sur le site de SUIDAKRA et bien entendu dans l’album), un valeureux guerrier du nom de Cuchulainn eut un fils avec une guerrière scythe qu’il nomma Conlaoch et à qui il imposa de suivre trois règles dont l’une le mènera à une mort tragique : jamais et sous aucun prétexte il ne devrait révéler son nom. Evidemment, un beau jour père et fils se retrouvèrent en guerre dans des camps opposés et Cuchulainn tua son fils, qu’il n’avait pas reconnu et qui avait refusé de dévoiler son identité conformément aux vœux de son père.

La bande-son de cette mort annoncée fait la part belle aux instruments celtiques et globalement aux ambiances épiques en jouant sur les mid-tempos et sur le rythme du chant plus que sur la vitesse, un choix judicieux si on considère qu’on écoutera l’album avec le livret entre les mains, mais dont le rendu manque d’énergie si on ne fait que l'écouter. La production de Martin Buchwalter, aux manettes depuis « Command To Charge » en 2005, n’est pas étrangère à ce manque de dynamisme ressenti puisqu’elle a tendance à tout niveler et donc aseptiser. Là où une prod Andy Classen, leur ancien producteur, donne l’assurance d’avoir un son de guitares et de batterie qui claquent, on a ici un album policé qui met certes en valeur les nombreux passages de cornemuse mais qui semble froid, même sur des passages rapides ou dansants. Ceci mis à part, “Crògacht” s’écoute tout seul et les à peine plus de quarante minutes qu’il dure passent très vite, presque trop pour qui est amateur de ces ambiances où métal et pagan ne se tirent pas la bourre mais s’associent pour obtenir un mélange harmonieux.

On ne peut pas dire qu’on en sorte abasourdi, mais au minimum satisfait : pas de longueurs, des passages acoustiques bien vus, un très bon titre folk avec chant féminin en milieu d’album, une multitude de solos de guitares au thèmes celtiques et pour couronner le tout, un concept basé sur une belle légende, “Crògacht” montre un groupe en pleine forme toujours animé par la même passion qu’à ses débuts. Si BLIND GUARDIAN est trop heavy pour vous, CRUACHAN trop soft ou TURISAS trop « joyeux », SUIDAKRA vous donnera la brutalité et la dimension dramatique qu’ils n’ont pas, à la manière d’un AMON AMARTH, les cousins nordiques.


Rédigé par : Dungorpat | 14/20 | Nb de lectures : 10966