Depuis maintenant un couple d’années, les scènes metal et hardcore sont submergées par une flopée de groupes estampillés « deathcore » avec dedans plus ou moins de death et de hardcore. A ce niveau-là, ce n’est même plus une vague, c’est un tsunami. Mais les tsunamis, une fois passés ne laissent derrière eux qu’une chiée de cadavres pourrissants et des millions de litres d’eau croupie pour seulement quelques survivants. Nombre de groupes plus anecdotiques les uns que les autres, que je ne vais pas perdre mon temps à citer ici, seront repêchés flottant à la surface, la panse bouffie et les yeux vidés par la vermines lorsque les eaux se seront retirées pendant qu’une petite poignée de Bear Grylls musicaux auront survécu en bouffant les cadavres faisandés de leur confrères et en buvant leur propre urine. Parmi ceux qui seront parvenus à dompter les élèment déchainés se trouveront assurément les californiens de SUICIDE SILENCE.

Le groupe grimpe les étapes une à une en commençant par un EP prometteur, un premier album correct et franchit maintenant un cap important avec un bon, voire très bon deuxième album, « No Time To Bleed », qui nous intéresse aujourd’hui. Les choses ont (un peu) changé chez SUICIDE SILENCE et ça s’entend dès le premier morceau, « Wake Up », qui ratatine déjà pas mal les cages à miel. Gros son, grosses grattes avec très certainement plus de six cordes, grosse prod toujours signée Machine et grosses compos. Ajoutez à cela un accordage aussi bas qu’une déclaration de Brice Hortefeux et vous avez une idée du résultat : br00tal. Le titre est brutal, accrocheur et pas mal composé. Mais loin de se vautrer dans le bastonnage qui était l’apanage de "The Cleaning", le groupe cherche à faire évoluer sa musique afin de se démarquer de la meute de poursuivants sans âme. La nouvelle arme des jeunes zazous n’est autre que l’instauration d’ambiances crapoteuses et malsaines. Les jeunots ont eu la bonne idée de se jeter tout habillés dans la boue et la crasse quitte à saloper leurs beaux t-shirt Imperial taille 12ans. Et l’effort est payant, chaque titre diffère de son prédécesseur et est immédiatement identifiable, ce qui n’était pas le cas par le passé. L’autre évolution notable se situe au niveau des changements de rythme et de la vitesse générale de l’album. Le tout à fond cher à laissé place à une plus grande variation des tempos et des ambiances amenant parfois une lourdeur bienvenue. Les parties blastées côtoient certains passages flirtant avec le sludge et les inévitables breakdown de mammouth se la disputent aux solos pas toujours cohérents ni dégoulinants d’originalité mais bon, on ne peut pas réussir un sans faute des le premier coup.

"No Time To Bleed" est un vrai pas en avant dans la carrière du groupe qui se place au côté de Bring Me The Horizon et The Acacia Strain dans le wagon de tête deathcore car il parvient justement à faire évoluer un genre tournant en rond et moribond, comme tout genre doté d’une date de péremption d’ailleurs. L’album est à la fois réjouissant car brutal, varié, maîtrisé et bien exécuté et car le groupe fait preuve de recherche et se forge une identité propre, son évolution est intéressante et certains titres comme "Wake Up", "Smoke" ou "Lifted" sont vraiment bons voire carrément surprenants comme "…And Then She Bled", titre instrumental, limite post machintruc tout en ambiance et construit sur base d’un sample provenant d’un centre d’appel de la police californienne. Le résultat est plutôt réussi. Autre point fort, la performance vocale de l’ultra tatoué Micth Lucker aussi à l’aise dans les vocaux hardcore, les growls ultra graves ou les aigus porcins. Ça fait plaisir de voir un groupe de deathcore posséder un vocaliste digne de ce nom. Sa voix colle parfaitement à l’ambiance poisseuse émanant du skeud. Pour comparer, je dirais que "No Time To Bleed" n’est pas sans rappeler le film Saw avec son identité visuelle forte, dégoulinante et post industrielle. On imagine parfaitement Jigsaw élaborer ses pièges dans son sous-sol humide en sifflotant "No Time To Bleed".

Réjouissant donc mais aussi frustrant car sur certains aspects le groupe n’est pas encore devenu totalement adulte et conserve quelques tics d’adolescents rebelles se manifestant ici sous la forme de passages « Deathcore pour les Nuls » venant ternir et baisser le niveau de l’ensemble. On ne peut s’empêcher de pester à l’écoute de certains titres ou certaines parties qui semblent avoir été mis là juste pour combler un manque de créativité. Au final "No Time To Bleed" s’avère une drôle de bonne surprise tant je n’en attendais rien et il s’avère après plus d’une vingtaine d’écoutes, je prends encore autant de plaisir à l’écouter. SUICIDE SILENCE est maintenant prêt à entrer dans la cour des grands, dans le cercle des « vrais » groupes. Les Californiens ont gagné le droit de poser leurs petites fesses rebondies sur un canapé douillet et de regarder les corps pourrissants des suiveurs se faire béqueter par les charognards lorsque la vague géante sera retombée et que l’océan metallique aura retrouvé son calme.


Rédigé par : Seb On Fire | 14,5/20 | Nb de lectures : 12277