“Kill your Idols”.

Il vient un âge où la vénération cesse. Il vient un âge où l’individu, dans sa maturité, remet en cause ses croyances, ses vérités et surtout ceux qui incarnent les bases de son monde spirituel. Pour se réaliser en tant qu’être, il est parfois nécessaire de détruire ses idoles, de constater leurs défauts et d’accepter leurs faiblesses. Cette étape, certains la vivent en passant à l’âge adulte, lorsque leur père perd son statut de héros, d’autres, en devenant eux-mêmes parents. Chez une minorité enfin, c’est au détour d’une nuit d’amour avec Rael.
Si SUFFOCATION est le géniteur du Brutal Death, ce mouvement est à mon sens devenu adulte lors de la sortie de leur album éponyme, album qui mettait un terme au statut de légende intouchable des Américains pour laisser entendre des failles bien trop humaines. Après un “Souls to Deny” efficace, “Suffocation”, pourtant acclamé de toutes parts voyait le groupe peiner à réécrire son style, hésiter sur son évolution et littéralement échouer à sculpter une production digne du monument du Metal qu’ils incarnent.
Les quelques extraits savamment distillés ces dernières semaines ainsi que la pochette signée Zig, old-school mais relativement banale (voire moche!) semblaient annoncer un certain retour aux sources. Quelques chroniqueurs très véloces se sont même fendus d’un:
- ““Blood Oath” est l’album que Suffo aurait dû sortir après “Pierced from Within””.
Mouais. Rien que ca...
C’est dans ce contexte de doute que j’ai plongé dans l’e-piscine NUCLEAR BLAST pour aller chercher “Blood Oath” en format numérique en espérant un retour de l’asphyxie érotique.

Mid-tempo, mid-inspiration, mi-molle.
Tout est écrit, ou presque. Après quelques semaines d’écoute, “Blood Oath” se résume à cette hésitation, cette oscillation entre le très bon et le médiocre.
Le bon, c’est une volonté affirmée de retrouver des structures complexes. Le bon, c’est la capacité du groupe à nourrir ses compositions de riffs mémorables, incisifs et puissants. Le bon c’est la voix possédée de Frank Mullen, rauque, gutturale, enragée malgré les années de route. C’est Mike Smith, précis et énergique ou encore Derek Boyer qui assume mieux la succession de Chris Richards à la basse.
Mais où sont passés les changements de tempo? Où sont les breakdowns titanesques? Qu’en est-il des riffs qui plaquent au sol ou qui vous brisent la mâchoire? SUFFOCATION a perdu son habileté à conduire l’auditeur dans un labyrinthe en ne lui laissant à suivre qu’un fil aussi fragile qu’enchevêtré. Pas de chausse-trappe, pas d’impasse. Pas de lignes torturées qui ouvrent sur des accords terribles. Au contraire, certains riffs, certaines progressions semblent faciles et peu inspirés.
Rien ne surprend vraiment et rien n’accroche. Les compositions passent, agréables mais lisses. Comme édulcorées. Il faut tendre l’oreille pour mieux décerner la qualité du disque mais son inégalité se fait aussi plus évidente. Pour se renouveler (ou rester dans la continuité de “Suffocation”), le groupe introduit des sonorités légèrement dissonantes, des accords qui enveloppent, nappent d’autres lignes d’une aura plus sombre. L’atmosphère de “Blood Oath” s’en imprègne, on se surprend parfois à penser à IMMOLATION, CANNIBAL (sur “Blood Oath”) et surtout MORBID ANGEL sur certains passages et quelques solos... N’attendant surtout pas de ce groupe qu’il sonne comme d’autres, j’ai malheureusement du mal à trouver dans ces innovations quelque chose d’enthousiasmant.

Plus positif, le son de guitare famélique et irritant de “Suffocation” a disparu et fait place à une masse compacte et abrasive. La basse, elle, est enfin audible. Mieux, elle ronronne comme au bon vieux temps. Si SUFFOCATION se voit finalement doté d’un son à la hauteur de son statut, la production est cependant loin d’être parfaite. Les solos sont trop présents, la batterie ne percute pas autant que sur l’album précédent, les basses sont molles et imprécises... Le son semble en général manquer d’ampleur et de dynamique mais on attendra la version disque pour juger définitivement car ce ne pourrait être qu’un revers de la piscine promo numérique.

Malgré tout, “Blood Bath” est un disque solide. Si la reprise de “Marital Decimation” est là pour nous rappeler les fastes d’antan, une composition telle que “Provoking the Disturbed” se rapproche de ce que SUFFOCATION a fait de mieux ces dix dernières années. Il semble définitivement acquis que le groupe ne réécrira pas un album de la trempe des mythiques “Effigy”/”Breeding”/”Pierced”. Ce n’est sans doute pas ce qui intéresse le jeune public qui vient claquer son fric sur les tournées, habitué qu’il est aux WHITECHAPEL, VEIL OF MAYA et autres merdouilles du genre. S’adapter ou crever. SUFFOCATION s’était éteint faute de succès. Le culte est mort avec “Suffocation”. “Blood Oath” ressuscite l’intérêt que je porte au groupe sans susciter ni passion ni extase. Juste une bonne dose de Brutal Fuckin Death Metal, et dans le style, actuellement, c’est déjà beaucoup.


Rédigé par : La Myxine | 13/20 | Nb de lectures : 13818