Sorti dans l’indifférence la plus totale dans l’hexagone, le premier album des News-Yorkais de SUBTERRANEAN MASQUERADE semblait voué à l’anonymat d’un underground sans cesse grandissant. Une promo inexistante, un artwork peu accrocheur et un patronyme impossible à prononcer correctement du premier coup, finissaient d’enterrer prématurément un disque qui ne le méritait absolument pas. Il était dit que cette injustice n’aurait pas lieu dans les colonnes de VS et cette petite perle allait enfin recevoir le traitement qui lui était dû.

Après un ep qui avait attiré l’attention de The End records, c’est tout naturellement sur ce label que le groupe américain allait trouver un giron accueillant car, avec SUBTERRANEAN MASQUERADE, la démarche non conventionnelle de la maison de disque allait trouver un écho on ne peut plus retentissant.

En effet, c’est bien d’originalité dont il est ici question, tout amateur de musique ne peut renier l’impact de la créativité lorsqu’elle conduit à un résultat aussi probant. Ainsi, SUBTERRANEAN MASQUERADE nous propose, avec « Suspended Animation Dreams », le fruit d’un travail de longue haleine aboutissant à une musique délicieusement intimiste et hors norme. Pourtant le groupe n’est pas particulièrement technique, les trames harmoniques ne sont pas alambiquées et aucune dissonance ne pointe le bout de ses accords bizarroïdes. Non, la recette se situe ailleurs et plus précisément du côté des influences et du spectre très large qu’elles couvrent.

Pour faire court, les SUBTERRANEAN MASQUERADE se décrivent eux-mêmes comme le résultat d’une improbable « jam session » regroupant PINK FLOYD, OPETH et PARADISE LOST mais, même si cette image n’est pas usurpée, je la trouve néanmoins réductrice. Tout simplement parce que cette formation américaine vient d’encore plus loin dans son approche. Avec « Suspended Animation Dreams » c’est un peu comme ci les sacro-saints clivages musicaux n’avaient jamais existé.

Il y a tout d’abord cette très importante emprise des 70’s : la musique psychédélique, le progressif, la pop de l’époque qui ne rechignait pas à intégrer des éléments précurseurs de la « world music ». Et puis, il y a ce côté très contemporain des groupes de métal « à part » : OPETH et PARADISE LOST bien sûr, mais aussi ORPHANED LAND, ANATHEMA ou encore PAIN OF SALVATION. Tous ces éléments se retrouvent réunis dans un véritable caléidoscope d’une limpidité et d’une délicatesse enivrante. Les titres, lorsqu’ils ne sont pas réduits à leur strict minimum, flirtent allégrement avec les huit minutes mais le point culminant reste les quatorze et quelques minutes du superbe « Awake ». Vous l’aurez sans doute compris, le talent de SUBTERRANEAN MASQUERADE se trouve dans la qualité de ses compositions à tiroirs infiniment riches et dans sa variété d’orchestration. Outre l’instrumentation habituelle de ce genre de groupe, c’est une véritable débauche de musiciens de sessions qui se succèdent ici :des instruments à vent (flûte, saxo, clarinette, harmonica), des cuivres (trompette, trombone) des cordes (violons, violoncelles mais aussi mandoline), des percutions, du piano et j’en passe. Pourtant le groupe n’a rien de confus et n’abuse pas de son potentiel instrumental. Chaque instrument trouve ici son petit moment de grâce par des rythmes arabisants, des envolés vivaces de violons tziganes ou tout simplement de langoureuses plages plus atmosphériques où les cordes trouvent leur point d’orgue. L’utilisation des voix est toute aussi variée, chœurs, chant féminin sensuel, chant clair proche des FLOYD ou growls à la Mikael Akerfeldt, il n’y a aucune règle, aucune restriction. Tout est permis dans l’univers coloré de SUBTERRANEAN MASQUERADE. Le rendu est de qualité toujours égale même si quelques passages sont peut-être légèrement maladroits. Il va sans dire que ce disque nécessite néanmoins une certaine ouverture d’esprit, un désir de découvrir d’autres horizons ou de permettre à certains courants de se rencontrer enfin.

C’est le plus pur des hasards qui a mis ce groupe sur ma route et il me plaît à croire que, s’il avait bénéficié d’un coup de pouce promotionnel, il aurait véritablement rencontré le public auquel il est destiné.

Pour moi, c’est le coup de foudre pour un groupe qui répond enfin à des fantasmes musicaux, à des expectatives vaines qui ne le sont plus désormais : un pur chef d’œuvre.


Rédigé par : Tonton | 18/20 | Nb de lectures : 15910