Je vois déjà de belles trognes hilares prêtes à balancer leurs vannes. Ouah la vache, oh lui comment c’est chaud le bizutage à VS ! Striborg carrément ! Eh bien que nenni ! C’est moi qui l’ai voulu car la polémique n’avait fait qu’attiser ma curiosité malsaine. Jusque-là, je m’étais gentiment tenu à l’écart puisqu’il est humainement impossible de se retrouver dans le maelström discographique. Entre les rééditions qui poussent tels des champignons en zone inondable et les véritables nouveautés dont l’accouchement se produit deux fois par an, il est bien difficile de trier le grain de riz de la pépite vingt-quatre carats. Faut pas déconner, là on parle d’un boulot à plein temps quand même !!!

C’est donc avec l’appréhension de celui qui va s’avaler un seau de vegemite pour la première fois, que je me suis présenté devant la roulotte du diable de Tasmanie, m’attendant entendre la musique la moins audible que le génie humain ait pu produire depuis deux mille ans.

Et là ce fut un sacré choc, car c’est très loin d’être aussi merdique qu’on le laisse entendre. Bon, il y a quand même cette batterie poussive atteinte d’arythmie ventriculaire qui ne va pas tarder à cracher son dernier souffle moribond. J’exagère un peu car on peut déceler un semblant de vie sur quelques (rarissimes) roulements. La question est de savoir pourquoi Sin Nanna s’emmerde à faire la batterie. Pourquoi ne fait-il pas comme tous ses collègues insulaires ? Hop! Il engage Dave Haley et plus personne ne viendra lui chercher des kangourous sur son crâne avec cette satanée batterie anémique.

Je concède aussi volontiers, que certains accords refoulent un peu le « je découvre mon instrument » tome un. Enfin, il s’agit principalement de l’intro de "Human Extinction" avec son riff de sirène à deux tons qui a au moins le mérite de bien stresser et de rappeler que la police rôde.

En ce qui concerne la fameuse prod réalisée avec magnétophone Playskool, j’ai comme l’étrange sensation que certains jouent les jeunes vierges effarouchées. Je dois avoir le cul bordé de nouilles dépressives mais pour le genre, je dois admettre que les instruments restent audibles pour mes vieilles oreilles décaties. On décèle même quelques bonnes idées comme lors de "All Contempt Reciprocated", ce diable de Tasmanien met subitement au premier plan de grands coups de basse qui ont l’avantage de créer un vrai malaise.

En dehors de ça, je me suis laissé séduire car même si tout se joue sur la répétition et le minimalisme, le corbeau du pays du surf arrive à nous sortir les trois riffs qui vont faire mouche, qui vont harponner l’auditeur et le guider sur le passage tristounet du sud ouest. A cet effet, Sin Nanna n’hésite pas à varier un poil entre riffs typiquement Xasthuriens et un léger groove rock’n’roll apparaissant furtivement comme sur "Dwelling In The Fullmoon Forests". On a même le droit à quelques notes d’un clavier iconoclaste qui crée une petite atmosphère fantastique.

De surcroît, le fantôme des bois a eu pitié de ses victimes en nous larguant une galette de seulement trente-neuf minutes ce qui est fort court compte tenu de ses habitudes. On ressent quand même des petites longueurs de temps à autre, je vous rassure.
A titre personnel, j’ai véritablement apprécié le premier titre qui vous agrippe le cerveau dès la première note.
Et surtout, il y a le dernier titre qui est complètement joué à l’orgue mécanique et qui ressemble à s’y méprendre à ce que peut faire A Challenge of Honour et principalement sur l’album "Verdun 1916". La ressemblance est assez troublante, on a la même impression de désuétude et de mélancolie nostalgique telle une vieille photo sépia. Titre si bien troussé qu’une seule pensée nous assaille : A quand un album non metal ???

La véritable gêne vient du fait que j’ai vraiment l’impression d’écouter une vieille galette de Xasthur à tel point que cela s’avère vraiment perturbant. D’où mon interrogation sur la polémique suscitée par le projet parce que si vous prenez "A Gate Through Bloodstained Mirrors" des Ricains, la prod était bien plus lo-fi que ce nouvel essai de Striborg.

Pour qui à l’habitude d’écouter ce type de black, l’album s’avère relativement agréable et finit même par nous en toucher une puisqu’on achève la galette tout cafardeux. En revanche, ce qui me dérange c’est le manque de personnalité. Le fameux fantôme dépressif de Tasmanie a en fait la tronche à Xasthur et ça c’est vraiment emmerdant car il y a un sentiment de déjà entendu qui lui n’a rien de spectral. Du coup, les fanatiques des vieux Xasthur seront ravis les autres…

Disons qu’on a vu bien plus original ces derniers temps. Un projet qui ne mérite pas le déchaînement de passions auquel on assiste à chaque excursion du monstre.


Rédigé par : Dark Rabbit | 11/20 | Nb de lectures : 13670