Les familiers du metal sombre et cérébral pratiqué par feu In The Woods… connaissent peut-être un certain Christer Andre Cederberg, qui fut guitariste du groupe pendant ses derniers mois d’existence, participant sous le sobriquet de Cedermoutain à l’enregistrement de leur ultime 7’EP. Cette contribution éclair à la légende du groupe le plus injustement sous-estimé de tous les temps n’est qu’une corde à l’arc de Cederberg, qui fut aussi le fondateur et l’autorité de Drawn, petit frère spirituel d’In The Woods… en plus thrash/éclectique et ainsi détenteur du titre peu enviable de second groupe le plus injustement sous-estimé de tous les temps, l’espace d’un mini et d’un album édifiant (« A New World ? ») avant que le groupe cesse ses activités pour des problèmes de distance. Maintenant comme tout le monde ne le sait peut-être pas, l’ex noyau dur de la très vivante scène de Kristiansand, en particulier les frères « In The Woods… » Botteri et leur ex-chanteur Jan Transit, s’est regroupé sous l’étendard d’un label plus ou moins organisé appelé Karmakosmetix, destiné à produire une foultitude de projets désormais éclatés entre les mains de tous ces musiciens de talent et de caractère. C’est à moitié appuyé par cette nouvelle structure que Cederberg cultive son jardin solo sous le nom de Stille Opprør (Insurrection Silencieuse en norvégien), un espace de création unplugged qui nous permet à travers ce disque étonnamment génial de (re)découvrir un guitariste gavé d’idées et de feeling. Soutenues par endroits par les graves rassurants d’une basse fretless, l’amertume d’un saxophone solitaire ou les ricochets secs et discrets d’un tam-tam, les compositions téléguidées par les humeurs de la guitare défilent comme une sereine et paresseuse virée en gondole. Bercé par un roulis le plus souvent régulier, on traverse peu de paysages différents mais l’on prend d’autant plus agréablement le temps d’y noyer toute son attention. Le minimalisme de façade de Stille Opprør peut être assimilé à un écho moderne au « Kveldssanger » d’Ulver croisé avec un Albéniz au sang glacé. Le mot d’ordre est donc la quiétude, même si on devine par instants une palissade de tension en arrière-plan, une tension palpable lorsque les accords se distordent légèrement et que le chant onctueux de Cederberg prend en réponse des inflexions grippées. Malgré l’impression globale qu’il ne se passe pas grand chose, « Prosjekt 2 13 » est une véritable forêt de détails, certains révélant une dextérité et une marge de fécondité créatrice proprement impressionnantes, des détails néanmoins disposés et travaillés de façon à ne jamais entraver le flux souple et imperturbable de la musique. Comme j’ai évoqué le chant masculin plus haut, j’en profite pour mentionner la présence non moins remarquable sur plusieurs titres de vocaux féminins qui parachèvent le tableau à merveille, surtout lorsque les deux protagonistes entonnent une passe d’armes mélodique vissée dans l’éther, comme sur le sublime « Angst ». « Prosjekt 2 13 » est à mon goût particulièrement indiqué pour accompagner les heures de semi-somnolence qui précèdent l’aube au sortir d’une nuit blanche, lorsque l’organisme et l’esprit relâchent leur vigilance et que le plus petit bruissement dévoile une ampleur insoupçonnée. Un album rare et essentiel.
(PS : le moyen le plus sûr – si ce n’est le seul – de se procurer ce CD est de s’adresser directement à l’artiste, dont le contact peut être trouvé à travers la section Karmakosmetix du site http://www.inthewoods.de)


Rédigé par : Uriel | 17/20 | Nb de lectures : 8359