STEVEN WILSON - The Raven That Refused to Sing (Kscope) - Selection VS du 13/03/2013 @ 07h25
Annoncer comme çà à froid que le troisième volet des aventures solitaires de Maitre Wilson, est une merveille sans égal n’a pas beaucoup de signification. Même si la première écoute suffit à s’en convaincre, vous aurez beau jeu de prendre cette conviction pour un a priori éhonté, une insulte à votre intelligence et votre bon goût. Et pourtant, c’est le cas !
Oui, c’est le cas même si The Raven That Refused To Sing (& others stories) a toutes les chances de surprendre (ou de déranger) ceux qui avaient été bouleversés par le style moderne et/ou avant-gardiste des 2 premiers albums. Car loin de se répéter- ce qui pourrait conduire à lasser l’auditoire et pourquoi pas à se lasser lui-même - Steven Wilson prend la tangente et effectue un voyage vers le passé tout en conservant une ligne directrice qui ne renie rien de la philosophie des deux premiers albums et où ne manquent ni audace ni pertinence.
C’est sans doute de son groupe phare laissé depuis au repos ( !) qu’il s’éloigne le plus, artistiquement parlant. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes. Faire peau neuve, tirer un trait sur une époque tout en conservant ce qui fait l’essence même de sa géniale vision. Comme si Wilson avait voulu signifier de manière subliminale que The Raven pouvait être le testament sonore et magnifique de Porcupine Tree. (Bien sûr tout ceci n’est que pure divagations…).
En attendant, que ce soit par coquetterie ou fausse modestie, Wilson qui a souvent refusé l’étiquette de « progressif » pour tout ce qui touchait de près ou de loin à son travail, avoue ici et avec éclat son attachement profond à une musique qui - bien qu’il s’en défende - peut se traduire in petto comme le plus bel hommage contemporain jamais rendu au progressif des Grands Anciens, King Crimson et Pink Floyd en tête.
Fort d’une expérience et d’un savoir faire désormais à toutes épreuves, ce périple à rebours qui pourrait sembler périlleux à tout autre itinérant moins aguerri, il l’accompli aux côtés d’une escorte de vieux briscards triés sur le volet et rompus à l’exercice assez casse gueule en musique et qui consiste à remonter le temps sans se voir accuser de plagiat ou de forfaiture. (Un tour de force qui présentement peut ne pas être assimilé comme tel). Et c’est pourquoi– exception faite de Niko Tsonev - il a reconduit l’équipage de la tournée qui l’a vu triompher un peu partout en 2012 et illustrée par le DVD «Get All You Deserve ». Le guitariste bulgare se voyant ici suppléer plus qu’avantageusement par un autre prodige de la six cordes du nom de Guthrie Govan.
Afin de compléter ce tableau presque idyllique, Wilson a confié la production de ce troisième opus enregistré à L.A aux bons soins d’Alan Parsons qu’il est, je crois, inutile de présenter. Et d’après les confidences du Maestro, c’est l’ingénieur son qu’il rêvait d’avoir et personne d’autre. Un atout majeur de plus dans le jeu de celui qui ne laisse décidemment rien au hasard.
Sur Get All You Deserve, les 12’40 de Luminol avaient déjà auguré de ce que serait la substance de ce nouvel album. Mais placé au beau milieu de 15 autres titres plus frais dans les mémoires et très attendus dans leur exécution live, il n’avait pas tiré (AMHA) le maximum de son potentiel. Du fait de son positionnement ici en tête de tracklist, l’impact n’en est que plus tonitruant. Faisant assaut d’un groove bondissant, habillement nourri d’instruments « vintage » comme l’orgue hammond, le mellotron, la flute et le saxophone, entrecoupé de riffs puissants et parsemé de phases en vol libre et chorales de toute beauté, cette incursion explosive dans le jazz rock progressif et fusion d’antan ouvre la voie d’un chemin qui s’annonce comme la Via Sacra chère aux vainqueurs de la Rome Antique.
Une marche triomphale que le titre qui suit pourrait sinon ralentir du moins perturber car susceptible d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui croiront déceler dans ce nouveau chapitre une schizophrénie mal assumée. En effet, après une entame très seventies, Drive Home nous replonge au cœur des mélodies sucrées et mélancoliques de Blackfield dont Wilson a désormais confié les rênes à Geffen. Cependant d’un format plus étiré que la plupart des titres de Blackfield, Govan et ses guitares s’y montrent à la fois enchanteur et astucieux grâce notamment à des arpèges magiques et à des solos tout aussi envoutants.
Le retour à l’Age d’Or du progressif se fait dès The Holy Drinker de la plus convaincante des manières. Après « un écart de conduite » dans le moderne mais aussi le facile qui précède, ressusciter brutalement King Crimson avec autant d’aplomb et de maîtrise n’est pas donné au premier venu. Les joutes de sax et de guitares sont là pour nous en persuader, quitte à désorienter l’auditeur lambda plus acclimaté aux phases contemplatives d’Insurgentes ou de Grace For Drowning. Cette cataracte de breaks et d’apparentes dissonances témoigne de l’aptitude quasi ahurissante que possède Wilson de jongler d’un genre à l’autre, d’une époque à l’autre sans dévier d’un iota de la direction qu’il s’est fixé.
The Pin Drop est là pour appuyer ce choix ; brièvement léger et tout en voix, il rompt soudainement un équilibre que l’on sent fragile pour exploser en bouquets de rythmes et d’envolées dynamiques qui peuvent rappeler certaines compositions des 2 précédents opus.
The Watchmaker, comme l’ensemble de cette œuvre, propose un thème fantastique où les fantômes en sont les acteurs principaux. Il disserte en 11’42 sur le temps qui a passé trop vite à l’heure du bilan et des mauvais choix qui en ont altéré la finalité. Ce titre, le second plus long de l’album démarre de la plus belle des façons. C'est-à-dire entre les mains expertes d’un Govan décidément époustouflant de virtuosité limpide. Arpèges, riffs acoustiques et la voix de Wilson qui donne toute l’intensité nécessaire avant de libérer des solos aux sons saturés d’une étrange coloration. Le mellotron - instrument Roi du prog s’il en est- se taille ici la part du lion dans un final que n’auraient renié ni Genesis ni King Crimson évidemment.
Enfin, c’est le titre éponyme qui clôt ce monument de bravoure. Dominé par le chant poignant de Steven Wilson. Un chant jeté dans l’espace comme un long cri déchirant et posé sur un panache de mélodies elles aussi bouleversantes, enrichies des nappes de mellotron d’un Holtzman décidément à la fête. Ce titre s’affiche comme le paraphe au bas d’un parchemin précieux laissé par un homme et un artiste pétri de sensibilité et d’un talent visionnaire que peu de ses coreligionnaires savent exprimer.
Chef d’œuvre pour les uns en raison de ses prodigieuses qualités intrinsèques (notamment la production et la haute technicité de ses intervenants jamais prise en défaut), album bourré de contradictions pour d’autres parce qu’ayant recours à quelques imperceptibles mais bien présentes commodités de style, The Raven n’en demeure pas moins le labeur d’un authentique amoureux du Rock avec un grand R et d’une personnalité qui, quoiqu’il arrive aura marqué de son empreinte le monde de la musique de ces 2 décennies écoulées. Porcupine Tree serait-il mort ou seulement en sommeil ? Paix à ses cendres, Steven Wilson lui survivra encore longtemps.
Rédigé par : Karadok | 18/20 | Nb de lectures : 18608
Alan Parson à la prod ? Meilleure nouvelle de l'année !! Faut absolument que je jette une oreille (si ce n'est les 2) sur cet album
fabu IP:81.11.226.128 Invité
Posté le: 13/03/2013 à 13h24 - (106480)
réussite totale , meilleur que le précédent
Joss Membre enregistré
Posté le: 13/03/2013 à 14h18 - (106484)
Très bon disque, même si mon avis sera amené à évoluer vu que je n'ai pas encore complètement réussi à rentrer dedans. Pour l'instant j'entend un album un peu moins bon que les deux précédents. Le premier album était parfait, le second peut-être un peu long malgré les quelques tueries qui le compose. Avec ce nouveau disque je trouve que Wilson n'apporte rien de neuf, à part peut-être avec l'excellent Luminol qui ouvre l'album. C'est d'ailleurs là le souci, faire débuter un disque avec le meilleur titre, ça le déséquilibre un peu.
De plus je pensais que le concert au Trianon me donnerait les clés pour rentrer dedans et ça n'a pas été vraiment le cas, car j'ai pris mon pied d'avantage sur les anciens morceaux. J'ai décroché à plusieurs moments, malgré des musiciens impeccables (trop appliqués peut-être) et un Steven Wilson qui montre les limites de sa voix en live.
Bon, je me réécoute l'album dans l'aprem :-)
Lazarus IP:93.19.55.183 Invité
Posté le: 13/03/2013 à 14h50 - (106486)
Excellent album! Le meilleur de sa carrière solo!
moonsorrowfan Membre enregistré
Posté le: 13/03/2013 à 15h39 - (106488)
Si j'ai un conseil à te donner, en toute modestie:
Réécoute cet album !!!!
C'est le meilleur qu'il ait fait et sur scène, c'était prodigieux au Trianon.
Je dirai qu'il se rapproche plus d'un OPETH ( Damnation ) que du reste.
En fait, c'est l'album que j'attendais de STORM CORROSION .
Vraiment son meilleur album et de loin.
Lestat69 Membre enregistré
Posté le: 13/03/2013 à 16h14 - (106490)
Bonjour,
Pour ma part un sublime album, vraiement excellent, avec en plus Moniseur Guthrie Govan à la guitare que demander de plus
grozeil Membre enregistré
Posté le: 13/03/2013 à 16h37 - (106491)
J'ai un peu écouté des trucs sur le net, et n'étant pas fan de PT, je dois avouer que c'est assez trippant. Et j'ai l'impression qu'il a accouché du disque qu'aurait voulu faire Opeth avec Heritage, sans y arriver. Quand on met les deux groupes et les deux disques côte à côte, le dernier Opeth fait pâle figure, vraiment. Et ça me fait vraiment chier de constater ça :/
nimportnawak IP:84.227.247.84 Invité
Posté le: 13/03/2013 à 20h55 - (106495)
En gros grozeil explique que sans Opeth cet album de Steven Wilson n'aurais pas été aussi bien... C'est magnifique... Bravo pour cette ANALyse ! Donc attention au futur Opeth car celui là risque d'être encore mieux. Mais après attention aussi au prochain Steven Wilson... N'importnawak jus de grossehell !
Mr. Marshall IP:82.216.174.88 Invité
Posté le: 13/03/2013 à 22h12 - (106496)
Pas encore écouté celui-ci, mais ayant bien ingurgité les 2 précédents, je dois avouer que je préfère de loin le travail accompli avec PT, notamment sur In Absentia et FOABP... Je ne retrouve pas la superbe et l'émotion ici malgré un réel travail d'orfèvre, et Gavin Harrison demeure pour moi irremplaçable !
grozeil Membre enregistré
Posté le: 13/03/2013 à 22h13 - (106497)
Sans vouloir te manquer de respect, tu n'as rien compris à ce que je disais. Soit je me suis mal exprimé, soit tu es idiot.
Je disais donc, en d'autres termes, que Heritage est le The Raven du pauvre.
Joss Membre enregistré
Posté le: 13/03/2013 à 23h33 - (106498)
Si les derniers Opeth et S.W ont en commun leur hommage au prog 70', il ne me viendrait pas à l'idée de les comparer et surtout je ne vois pas en quoi le Opeth est nettement moins bon. Enfin, question de goût comme toujours.
Maxgrind IP:77.197.143.189 Invité
Posté le: 14/03/2013 à 09h04 - (106501)
+1 Mr. Marshall : un peu le même ressenti, je préfère l'émotion spontanée de Porcupine Tree. Je vais essayer d'y replonger mais ce que j'ai entendu ne m'a pas trop emballé...
Sinon, le dernier Opeth, je le trouve prétentieux et bancal!
Henrik the King Membre enregistré
Posté le: 14/03/2013 à 11h09 - (106505)
Impossible de faire une comparaison entre le dernier Opeth et le dernier Steven Wilson, si ce n'est leur caractère prog... mais alors là on a pas fini de comparer les groupes entre eux et ça n'a pas vraiment d’intérêt à part pour les labels lorsque le disque sort en bacs.
La musique de Wilson est nettement plus complexe (j'ai pas dit meilleure) que celle d'Opeth qui garde une part de redondance dans ces morceaux, ce qui les rend plus faciles à assimiler.
grozeil Membre enregistré
Posté le: 14/03/2013 à 11h46 - (106506)
Oui, enfin, vous prenez pas la tête non plus... c'est juste que quand j'ai écouté Raven, ça m'a fait de suite penser à Heritage d'Opeth en beaucoup mieux et ambitieux, voilà tout, de la même manière que ça m'a également fait penser à du Magma. Après, voilà quoi, c'est juste un ressenti, pas la peine d'en faire des caisses :D
Youpimatin Membre enregistré
Posté le: 14/03/2013 à 17h45 - (106510)
Bon, c'est pas pour moi, trop soft !!
Mais attention, quelle production, et des arrangements de toute beauté !!
Métal Pingu IP:78.232.148.169 Invité
Posté le: 13/01/2014 à 19h20 - (110705)
J'adore Steve Wilson. Je l'ai vu récemment au Transbo, ce fut Magique...Bravo et merci Karadok pour toutes tes kros j'aime beaucoup ton analyse sur la musique ainsi que ton style !!!
50Miles IP:86.72.99.200 Invité
Posté le: 31/07/2014 à 14h11 - (113046)
Et encore une réussite de plus à mettre au crédit de Steven Wilson ! Et encore un opus radicalement différent des deux précédents ! Ici, le binocleux aux cheveux longs rend un hommage appuyé aux groupes de rock progressifs à l'ancienne, en se focalisant sur Yes et Genesis (c'était Pink Floyd avec Porcupine Tree et King Crimson période Red pour Grace for Drowning) tout en gardant sa patte si personnelle : un sens innée de la mélodie et un art consommé de la composition (sans blagues, l'agencement des structures tient de la chirurgie). Ajoutez à cela une forte touche de mélancolie et d'émotion et vous obtenez un nouveau chef d'oeuvre (qui n'a pas versé de larmes devant le morceau-titre, au crescendo orchestral parfaitement négocié ?) Wilson forever !
Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site
Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs.
S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos
Oui, c’est le cas même si The Raven That Refused To Sing (& others stories) a toutes les chances de surprendre (ou de déranger) ceux qui avaient été bouleversés par le style moderne et/ou avant-gardiste des 2 premiers albums. Car loin de se répéter- ce qui pourrait conduire à lasser l’auditoire et pourquoi pas à se lasser lui-même - Steven Wilson prend la tangente et effectue un voyage vers le passé tout en conservant une ligne directrice qui ne renie rien de la philosophie des deux premiers albums et où ne manquent ni audace ni pertinence.
C’est sans doute de son groupe phare laissé depuis au repos ( !) qu’il s’éloigne le plus, artistiquement parlant. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes. Faire peau neuve, tirer un trait sur une époque tout en conservant ce qui fait l’essence même de sa géniale vision. Comme si Wilson avait voulu signifier de manière subliminale que The Raven pouvait être le testament sonore et magnifique de Porcupine Tree. (Bien sûr tout ceci n’est que pure divagations…).
En attendant, que ce soit par coquetterie ou fausse modestie, Wilson qui a souvent refusé l’étiquette de « progressif » pour tout ce qui touchait de près ou de loin à son travail, avoue ici et avec éclat son attachement profond à une musique qui - bien qu’il s’en défende - peut se traduire in petto comme le plus bel hommage contemporain jamais rendu au progressif des Grands Anciens, King Crimson et Pink Floyd en tête.
Fort d’une expérience et d’un savoir faire désormais à toutes épreuves, ce périple à rebours qui pourrait sembler périlleux à tout autre itinérant moins aguerri, il l’accompli aux côtés d’une escorte de vieux briscards triés sur le volet et rompus à l’exercice assez casse gueule en musique et qui consiste à remonter le temps sans se voir accuser de plagiat ou de forfaiture. (Un tour de force qui présentement peut ne pas être assimilé comme tel). Et c’est pourquoi– exception faite de Niko Tsonev - il a reconduit l’équipage de la tournée qui l’a vu triompher un peu partout en 2012 et illustrée par le DVD «Get All You Deserve ». Le guitariste bulgare se voyant ici suppléer plus qu’avantageusement par un autre prodige de la six cordes du nom de Guthrie Govan.
Afin de compléter ce tableau presque idyllique, Wilson a confié la production de ce troisième opus enregistré à L.A aux bons soins d’Alan Parsons qu’il est, je crois, inutile de présenter. Et d’après les confidences du Maestro, c’est l’ingénieur son qu’il rêvait d’avoir et personne d’autre. Un atout majeur de plus dans le jeu de celui qui ne laisse décidemment rien au hasard.
Sur Get All You Deserve, les 12’40 de Luminol avaient déjà auguré de ce que serait la substance de ce nouvel album. Mais placé au beau milieu de 15 autres titres plus frais dans les mémoires et très attendus dans leur exécution live, il n’avait pas tiré (AMHA) le maximum de son potentiel. Du fait de son positionnement ici en tête de tracklist, l’impact n’en est que plus tonitruant. Faisant assaut d’un groove bondissant, habillement nourri d’instruments « vintage » comme l’orgue hammond, le mellotron, la flute et le saxophone, entrecoupé de riffs puissants et parsemé de phases en vol libre et chorales de toute beauté, cette incursion explosive dans le jazz rock progressif et fusion d’antan ouvre la voie d’un chemin qui s’annonce comme la Via Sacra chère aux vainqueurs de la Rome Antique.
Une marche triomphale que le titre qui suit pourrait sinon ralentir du moins perturber car susceptible d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui croiront déceler dans ce nouveau chapitre une schizophrénie mal assumée. En effet, après une entame très seventies, Drive Home nous replonge au cœur des mélodies sucrées et mélancoliques de Blackfield dont Wilson a désormais confié les rênes à Geffen. Cependant d’un format plus étiré que la plupart des titres de Blackfield, Govan et ses guitares s’y montrent à la fois enchanteur et astucieux grâce notamment à des arpèges magiques et à des solos tout aussi envoutants.
Le retour à l’Age d’Or du progressif se fait dès The Holy Drinker de la plus convaincante des manières. Après « un écart de conduite » dans le moderne mais aussi le facile qui précède, ressusciter brutalement King Crimson avec autant d’aplomb et de maîtrise n’est pas donné au premier venu. Les joutes de sax et de guitares sont là pour nous en persuader, quitte à désorienter l’auditeur lambda plus acclimaté aux phases contemplatives d’Insurgentes ou de Grace For Drowning. Cette cataracte de breaks et d’apparentes dissonances témoigne de l’aptitude quasi ahurissante que possède Wilson de jongler d’un genre à l’autre, d’une époque à l’autre sans dévier d’un iota de la direction qu’il s’est fixé.
The Pin Drop est là pour appuyer ce choix ; brièvement léger et tout en voix, il rompt soudainement un équilibre que l’on sent fragile pour exploser en bouquets de rythmes et d’envolées dynamiques qui peuvent rappeler certaines compositions des 2 précédents opus.
The Watchmaker, comme l’ensemble de cette œuvre, propose un thème fantastique où les fantômes en sont les acteurs principaux. Il disserte en 11’42 sur le temps qui a passé trop vite à l’heure du bilan et des mauvais choix qui en ont altéré la finalité. Ce titre, le second plus long de l’album démarre de la plus belle des façons. C'est-à-dire entre les mains expertes d’un Govan décidément époustouflant de virtuosité limpide. Arpèges, riffs acoustiques et la voix de Wilson qui donne toute l’intensité nécessaire avant de libérer des solos aux sons saturés d’une étrange coloration. Le mellotron - instrument Roi du prog s’il en est- se taille ici la part du lion dans un final que n’auraient renié ni Genesis ni King Crimson évidemment.
Enfin, c’est le titre éponyme qui clôt ce monument de bravoure. Dominé par le chant poignant de Steven Wilson. Un chant jeté dans l’espace comme un long cri déchirant et posé sur un panache de mélodies elles aussi bouleversantes, enrichies des nappes de mellotron d’un Holtzman décidément à la fête. Ce titre s’affiche comme le paraphe au bas d’un parchemin précieux laissé par un homme et un artiste pétri de sensibilité et d’un talent visionnaire que peu de ses coreligionnaires savent exprimer.
Chef d’œuvre pour les uns en raison de ses prodigieuses qualités intrinsèques (notamment la production et la haute technicité de ses intervenants jamais prise en défaut), album bourré de contradictions pour d’autres parce qu’ayant recours à quelques imperceptibles mais bien présentes commodités de style, The Raven n’en demeure pas moins le labeur d’un authentique amoureux du Rock avec un grand R et d’une personnalité qui, quoiqu’il arrive aura marqué de son empreinte le monde de la musique de ces 2 décennies écoulées. Porcupine Tree serait-il mort ou seulement en sommeil ? Paix à ses cendres, Steven Wilson lui survivra encore longtemps.
Rédigé par : Karadok | 18/20 | Nb de lectures : 18608