STEVEN WILSON - Hand.Cannot.Erase (Kscope) - 04/06/2015 @ 07h28
Suivre la catagenèse de Maitre Wilson est décidément un jeu de piste méandreux auquel il va falloir pourtant s’habituer. Compositeur hors pair, il se situe souvent là où on ne l’attend pas. Mais une chose est cependant certaine, s’il surprend, il ne déçoit jamais. En fin presque jamais…

Car l’histoire - qui se veut souvent bien facétieuse - retiendra peut-être que, si Hand.Cannot.Erase n’est pas son meilleur album, il est celui qui l’installe enfin au sommet des charts. Acclamé à peu près partout, extrêmement bien classé pour un album de ce genre, ce 4e opus revient à plus de simplicité. Ceci expliquant sans doute cela…

Après avoir exploré des contrées drone, avant gardiste et/ou jazz prog, ce quatrième album ne manquera pas de désarçonner ceux qui avaient apprécié cette plongée dans l’esprit torturé et labyrinthique du bonhomme. Peuvent également être surpris les moins aguerris à une personnalité aux multiples facettes. Toutefois, simplicité ne veut pas dire « simpliste ». C’est un mot qui n’appartient pas au vocabulaire du personnage.

En fait, en revenant à des éléments plus conventionnels (au sens connu) c’est à un brassage élargi que nous convie le démiurge anglais ; à l’assemblage de matériaux déjà utilisés pour bâtir un édifice dont les formes pourraient nous sembler capricieuses mais dont l’architecture s’avère finalement familière. Cet apparent revirement, aussi circonspect soit-il, n’en possède pas moins une profondeur et un attrait véritable qui ne saurait dépareiller ce quatrième album de l’ensemble de son œuvre.

En somme, Hand.Cannot.Erase pourrait ressembler à l’album « pause », celui qui synthétiserait le principal de l’entité Wilson dans sa définition la plus généreuse et riche. Une manière de dire « faisons le point » avant de repartir pour de nouvelles aventures.

A l’origine de ce 4e opus, réside un concept. Comme toujours serions nous tentés de dire mais comment imaginer une telle puissance, une telle abondance d’idées sans un concept capable de le porter et de l’exprimer dans toutes ses dimensions ? On connait depuis longtemps la propension de sieur Wilson à nourrir ses compositions d’une observation attentive du monde et de ses contemporains.

Cette acuité mentale le conduit souvent à extraire de la masse d’informations plus ou moins médiatiques disponibles, le fait divers qui éclaire soudain d’un jour nouveau le quotidien banal de nos vies ou qui en révèle les travers les plus sordides. Celui qui sert de sujet à l’album en est un triste exemple.

Résumé : Joyce Carol Vincent était une jeune et jolie métisse de 38 ans découverte morte dans son appartement après trois ans sans que quiconque ne se soucie d’elle. Tout est dit dans cet aveu d’un ex en forme d’épitaphe : "Elle est morte par omission. Nous l’avons tous aimé, mais pas assez pour repousser sa mort." Voilà qui symbolise le paradoxe d’une société de communication technologique poussée à son paroxysme mais capable d’oublier l’un des siens dans une parfaite indifférence. Jeune, jolie, brillante, des amis, des amants, un avenir et puis plus rien. Rien que la solitude et la mort. C’est du point de vue de la victime que sont écrites les 11 compositions de ce 4e album.

Il n’en fallait pas davantage à Wilson pour mettre en musique ce sombre récit en l’illustrant par des ambiances tantôt fiévreuses, tantôt feutrées ou apaisées rappelant tous les univers explorés dans ses œuvres précédentes : l’électro-drone, la pop lumineuse, le métal puissant, le rock prog atmo etc.

Cependant, on peut regretter l’absence d’originalité, qualité qui avait présidé à l’élaboration des 3 premiers albums. Tout ici est certes savamment pesé, calibré pour séduire l’auditeur et rien n’est laissé au hasard. Mais de surprise, point ! Hand Cannot Erase est un disque agréable à écouter, parfois même fulgurant dans certaines phases, grâce à une instrumentation au cordeau servie par des musiciens de haute volée où chacun a le loisir de montrer toute l’étendue de son talent. Mais il lui manque ce qui faisait le sel des productions précédentes, un je ne sais quoi de piquant ou de singulier.

Au chapitre des morceaux phares de l’album (enfin de ceux qui ont particulièrement retenu mon attention) je mettrais 3 Years Older (10.48) et Ancestral (13.30) et pas uniquement parce qu’ils sont les plus longs et donc les plus progressifs. Ou peut-être parce que finalement leur longueur permet à S.Wilson de développer son propos avec plus d’aisance.

Mais des pièces plus courtes comme le titre éponyme au refrain imparable, le magnifique Perfect Life ou le très aérien Regret #9 peuvent satisfaire aux canons de la patte Wilson et au-delà combler l’attente (parfois démesurée) suscitée par chacune de ses sorties.

En fin de compte, ce 4e opus reste donc très bon malgré les réticences exprimées plus haut et qui sont davantage la cause d’une exigence pas toujours raisonnable que d’une réelle déception.

Maintenant que Wilson a acquis en solo la notoriété qui le fuyait avec P.Tree, il y a sans doute du souci à se faire sur l’avenir de ce dernier. Récemment il confiait: « Avec le dernier album de P.Tree, je sentais que je me répétais. Ce n’était plus assez frais. J’ai pensé qu’il était temps et nécessaire de changer d’orientation. Maintenant, je me sens libre de faire un album de country si j’en ai envie… ».

Pourvu qu’il continue de nous faire de la bonne musique, tout simplement…




Rédigé par : Karadok | 16/20 | Nb de lectures : 10003




Auteur
Commentaire
Lestat69
Membre enregistré
Posté le: 04/06/2015 à 09h05 - (116881)
Bonjour,

pour moi cet album est un pur bijou, Steven Wilson est au sommet de son art.



Moulinexxx
Membre enregistré
Posté le: 04/06/2015 à 11h41 - (116882)
Plus de simplicité ? Ca me va, je vais peut-être me remettre à apprécier du Steven Wilson, j'avais trouvé le précédent trop indigeste pour mon esprit simple.

Joss
Membre enregistré
Posté le: 07/06/2015 à 09h07 - (116897)
Très bonne chronique, même si je trouve la note un peu "sévère". Pourtant je suis d'accord avec l'essentiel de ce qui est dit, à savoir que l'album est un peu une synthèse de tout ce qu'il a pu faire avant, mais du coup c'est aussi une sorte d'aboutissement. Rien de vraiment nouveau, mais quel mal y a-t-il à réutiliser ce qu'il a lui même créé ? C'est tout à son honneur. Quoi qu'il en soit, ce qu'il perd ici en innovation, il le gagne en émotion. Cet album est d'une beauté éblouissante, son chant n'a jamais été aussi touchant, quant au soli de Guthrie Govan ils me renversent à chaque écoute. Bref, album de l'année en ce qui me concerne !



Anderson
IP:89.156.44.158
Invité
Posté le: 07/06/2015 à 13h52 - (116898)
J'avais adoré Insugentes pour ses compos directes et ses ambiances oppressantes et mélancoliques (pas si éloignées de Porcupine Tree) mais j'avoue avoir du mal avec les trois derniers travaux du Père Wikson ! Un jour peut-être...

50Miles
IP:79.84.219.40
Invité
Posté le: 11/06/2015 à 12h02 - (116965)
Pour le coup, je trouve le chroniqueur un peu sévère. J'ai du mal à être objectif avec Mr Wilson, mais il me semble bien aussi que ce disque sonne comme un aboutissement. La cohérence est étourdissante et, contrairement aux autres disques, aucun morceau n'est à jeter. Les sommets d'émotions atteints par Routine et Ancestral me laissent sans voix. De surcroît, il est injuste de sire que le maestro n'innove pas. Je ne crois pas, en effet, qu'il ait déjà invité de voix féminines, ni de choeurs d'enfants dans ses albums ! Et ils ne sont pas pour rien dans le rendu des chansons. Non, pour ma part, c'est encore un chef d'oeuvre, et peut-être le meilleur album de toute sa carrière !


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