STEVEN WILSON - Grace For Drowning (KScope/Wagram) - 25/11/2011 @ 07h21
Depuis la sortie d’"Insurgentes" son premier album solo en 2009, Steven Wilson ne s’est pas reposé sur ses lauriers ; 11ème album de Porcupine Tree ("The Incident"), 3ème opus de Blackfield ("Welcome To My DNA") et large contribution au très controversé "Heritage", dernier album des magiciens d’Opeth.

Quand on sait que "Grace For Drowning" son second album solo est un double (il existe même une version triple !!!), on reste pantois devant la somme impressionnante d’idées qui fourmille dans l’esprit hors normes de ce génial compositeur.

"Insurgentes" nous avait ébranlés par sa diversité, sa richesse et sa synthèse. Faire mieux même en se donnant plus de marge est un pari qui semblait difficile mais pas impossible eu égard au talent inépuisable de son géniteur. L’enjeu était de taille, de ce fait le résultat obtenu n’en est que plus ahurissant.

Et si l’on veut résumer "Grace For Drowning" on pourrait le scinder en phases distinctes couvrant parfaitement le spectre des diverses influences qui ont jalonnées les 20 dernières années de la carrière de Wilson et que l’on retrace aisément sur chacun des projets du prolixe concepteur de chefs-d’œuvre. Mais est-ce suffisant pour en saisir toute sa perspective ? Non, bien sûr.

Par moments plus sombre ("Sectarian" 7min41), d’autres fois d’une légèreté et d’une luminosité renversantes ("Postcard" 4min29), "Grace For Drowning" est bien plus que de la musique ; c’est un voyage intérieur, une épopée intime, une plongée vertigineuse dans le continuum espace-temps privé d’un personnage hors du commun. En croisant les genres, en les brassant avec une science qui va bien au-delà de la simple maîtrise, le sorcier Wilson nous envoûte littéralement.

Rock/Métal prog, une touche de jazz, du drone, de l’électro atmosphérique tantôt solaire, tantôt angoissant ("Remainder The Black Dog", pour moi le meilleur titre de l’album), Steven nous balade sans ambages dans ses mondes secrets aux sonorités composites ou d’une surprenante et inattendue limpidité, nous faisant partager tout un royaume de délicieux mystères aux confins du merveilleux et de l’étrange. ("Raider Prelude" 2min23).

Tous les titres sont porteurs de cette captivante errance dans le surnaturel mais celui qui l’illustre le mieux est bien évidemment "Raider II" et ses 23 minutes. On y passe par tous les états décrits plus haut (angoisse ou sérénité) et l’on en émerge quelque peu ému et bouleversé par tant de splendeur. Sa touche « Crimsonienne » (clarinette de Ben Castle et saxo de Theo Travis) se fond admirablement bien dans la dominante cosmique de cette pièce d’anthologie.

N’oubliant pas son appétence pour les mélodies simples qui font mouche et portées par un chant toujours aussi magnétique ("Deform To form A Star" 7min51), il sait nous éblouir avec cependant une architecture différente ; par exemple il n’y a pas la traditionnelle construction couplets/refrains présente chez Blackfield ou P.Tree. Chaque pièce est un périple unique et possède un univers qui lui est propre annihilant complètement le risque de redondance ou d’ennui.

Côté line up, en plus des 2 musiciens cités plus haut, Wilson est accompagné de Jordan Rudess bien entendu aux claviers et de Nick France (David Gilmour) à la batterie. Egalement présent le London Session Orchestra dirigé par Dave Stewart. Voilà un équipage aguerri et armé pour affronter cette odyssée aux multiples rebondissements.

Si j’étais prétentieux (d’une prétention souvent l’apanage des amateurs de progressif imbus d’eux-mêmes) je dirais que cet album n’est pas à mettre entre toutes les oreilles. Car comme ce fut le cas pour "Insurgentes", il faut se ménager du temps pour digérer cet opus magistral, pour n’en rien oublier, pour s’en imprégner dans toutes ses dimensions. Et si j’en juge par les post concernant le premier album du divin Wilson, pas sûr que tous parmi vous y parviennent ou y consentent seulement.

Néanmoins, il serait dommage de passer à côté d’une œuvre où grâce et noirceur sont si habilement agencées. Sa richesse et sa profondeur la rendent incontournable pour tout amateur d’évasion musicale qui souhaite sortir des sentiers battus. Ni vraiment P.Tree, peu de réminiscences de Blackfield, pas davantage de dominance de No-Man, d’I.E.M ou de Bass Communion et cependant tout ça à la fois. Sidéral et sidérant, "Grace For Drowning" est le parfait condensé de la pensée wilsonienne. Comme l’est toute son œuvre, excepté qu’ici il en repousse les limites au-delà de toute espérance, si bien que l’on peut se demander où s’arrêtera l’exquise folie du Maître.


Rédigé par : karadok | 17/20 | Nb de lectures : 13943




Auteur
Commentaire
Dungorpat
Membre enregistré
Posté le: 25/11/2011 à 08h40 - (98578)
Bien plus convaincant qu' "Insurgentes"
"Ni vraiment P.Tree, peu de réminiscences de Blackfield, pas davantage de dominance de No-Man, d’I.E.M ou de Bass Communion et cependant tout ça à la fois." c'est exactement ça!!!

Tonton
Membre enregistré
Posté le: 25/11/2011 à 09h34 - (98585)
Meilleur qu'"Insurgentes" qui m'avait bien plu pourtant. "Grace for drowning" figurera probablement parmi mes albums préférés de 2011. Indispensable pour tout fan de SW.

death_to_false_metal
Membre enregistré
Posté le: 25/11/2011 à 09h44 - (98586)
Surtout bien meilleur que le dernier PT.



Vay
IP:82.255.153.116
Invité
Posté le: 25/11/2011 à 14h13 - (98613)
Mouais, je sais pas, je trouve que Wilson est allé un peu nimporte ou dans ce disque, comme si il avait absolument tenu a balancer toutes ses idées, sans vraiment prendre le temps de les rattacher les unes aux autres. Inspiration, je veux bien, mais y a un sentiment de TROP quand j'ecoute cet album, le premier, bien que loin d'etre parfait, etait quand meme plus agreable a l'ecoute. En fait, ce Wilson et le dernier Opeth souffrent du même probleme, quasiment... des enchainements de plans sans rapports, mais qui surtout n'ont aucune methode de construction satisfaisante. Enfin, c'mon avis. J'aurais voulu aimer, dommage.

Raoul
IP:82.226.201.57
Invité
Posté le: 25/11/2011 à 14h30 - (98617)
On dirait l'album d'un sorcier noir. Tellement envoutant malgré ses mélodies mélancoliques et ses ambiances malsaines et pourtant au milieu de tout ça reste lumineux.

jfkool
Membre enregistré
Posté le: 25/11/2011 à 15h22 - (98624)
Très bon même si j'ai mis du temps à bien entrer dedans.
Je préfère Insurgentes pour son côté moins "piquant", avec des ambiances plus progressives que psychédéliques. Et je trouve les compos d'Insurgentes sont plus cohérentes, moins fatiguantes à écouter. Aussi, je trouve qu'il y a trop de flûte/Hautbois/Clarinette.
D'ailleurs je regrette qu'au concert du Bataclan, les morceaux d'Insurgentes aient été saupoudrés par ces instruments qui denaturaient à mon sens les compos.
Là où Insurgentes se laisse écouter tout seul, A grave for drowning demande une écoute impliquée.

Joss
Membre enregistré
Posté le: 25/11/2011 à 19h29 - (98636)
Très bon album ! Cependant je garde une petite préférence pour Insurgentes, qui s'éparpille moins à mon avis. Enfin je dit ça mais je suis encore loin d'avoir apprivoisé la bête. ça reste quand même un gros morceau, bourré d'idées et de passages somptueux.



Nico_Of_The_Dead
Membre enregistré
Posté le: 25/11/2011 à 22h40 - (98642)
On dirait une compilation ou un best of mais peu importe, « Grace For Drowning » m'a permis d'enfin accrocher à un des projets du sieur Wilson. J'adore la noirceur d'un morceau comme « Index ».



Ã…ngel
Invité
Posté le: 26/11/2011 à 11h07 - (98654)
Exceptionnel comme toujours. Que dire? Une baffe? C'est presque une habitude avec Steven Wilson, la pierre philosophale du progressif, qui tranforme en or tout ce qu'il touche, que ce soit au niveau de la prod ou de la composition. Un des musiciens qui permet de garder foi en la Musique, quelque part.

William
IP:86.211.162.152
Invité
Posté le: 27/11/2011 à 10h40 - (98674)
Je n'aime rien du sieur Wilson, sauf ce disque exceptionnel.
Chapeau l'artiste !

Vay
IP:82.254.42.115
Invité
Posté le: 27/11/2011 à 20h15 - (98680)
Putain vous faites chier, j'me sens seul tout d'un coup, pourtant j'aurais voulu aimer, c'etait allechant :(

50Miles
IP:86.72.99.200
Invité
Posté le: 31/07/2014 à 14h27 - (113047)
On sent sur ce disque que l'entreprise de remasterisation des chefs d'oeuvre du "roi pourpre" a laissé des traces dans le subconscient de Wilson, au point qu'il semble sortir le successeur de "Red", en enjambant allégrement trois décennies de musique. On se retrouve avec un album bipolaire, entre ombre et lumière, fortement dosé en jazz fusion et en dissonances lourdes et stridentes que n'aurait pas renié un Robert Fripp. Personnellement, j'adore "No Part of Me" très peu évoquée à propos de l'album et dont l'insondable tristesse se rapproche d'un "Way out of Here" ou, plus loin encore, un "Russia on Ice" (dont, par ailleurs, il reprend le schéma structurel). Raider II est fascinante, entre dépouillement extrême et lourdeur clinique... Grand voyage dans l'esprit schizophrène de l'auteur...

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