Je vous annonçais dans la kro du précédent et premier album (Mental Torments 30/06/05) des Niçois que la France tenait peut-être (et enfin) le pendant hexagonal aux D.T, Symphony X et autres Vanden Plas.

Anima confirme cet espoir. Et malgré ces références « pesantes », tout est en place pour installer dans la durée une formation que l’on n’espérait pas à pareille fête.

D’abord en raison de l’exigence quasi éliminatoire du genre; pas de place ici pour l’amateurisme. Aussi et surtout parce que les quelques expériences passées n’ont pas données que de bons résultats. Baladez-vous dans le cimetière du métal prog français et vous aurez un large aperçu des échecs cuisants de nos formations, bien plus nombreuses que les succès.

Avec SUE, aucune crainte à avoir, le groupe est armé pour aller loin. Son métal prog ne vise ni plus ni moins que le haut du gratin. Et avec des arguments.

La forme : technique et virtuosité. Véritables sésames, s’ils vous font défaut, vous voilà d’emblée condamnés aux sarcasmes et autres quolibets. SUE en possède à revendre. Et le prouve dans sa manière de structurer ses compositions notamment les plus longues (End Of Trauma et The Key – plus de 9 minutes chacune). Guitares et claviers s’en donnent à cœur joie. Les passages agressifs et ceux plus apaisés alternent avec équilibre. Pas de breaks intempestifs ou de césures illogiques ou téléphonées. Les phases instrumentales succèdent à celles chantées avec une grande fluidité. En parlant d’instrumental, Being semble tout droit sortir des sessions de D.T. Et ce n’est pas une critique mais un éloge compte tenu de la qualité du titre. Fermez les yeux et écoutez, vous aurez l’impression d’entendre le duo Petrucci-Rudess dans l’une de leurs fameuses joutes.

Mais, qui peut le plus peut le moins, la technique peut tuer dans l’œuf la plus inspirée des musiques. Attention donc de ne pas trop en faire étalage, au risque de ne devenir qu’une énième formation démonstrative et sans réelle profondeur de jeu. Un travers que même D.T n’a parfois pas su éviter malgré son expérience.

Le fond : les idées développées dans Anima sont riches et même si elles vous rappelleront quelques plans usités par ailleurs chez d’illustres confrères, elles tentent de s’affranchir d’une évidente et trop marquée filiation avec qui vous savez. Je reconnais bien volontiers que le groupe n’y parvient pas toujours. Mais à moins d’emprunter les chemins tortueux de POS, il est difficile d’innover dans le métal prog symphonique.

Leurs qualités intrinsèques les sauvent toutefois de l’ennui propre à ce genre d’exercice. Notamment quand chez d’autres les compos semblent s’éterniser sans rien apporter de plus qu’une suite ininterrompue de notes et d’accords. Ici, pas de longueurs rébarbatives ni de digressions trop récurrentes.

D’autant que ses idées, SUE sait les mettre en valeur autrement que par une instrumentation sans faille. J’ai déjà parlé des remarquables qualités du chanteur Franck Garcia lors de la sortie de Mental Torments. Et pour déplorer avec le groupe que le frontman n’ait pas eu assez de temps pour assimiler les textes et l’esprit du précédent album. Deux ans plus tard, ce problème a été résolu et le chant de Garcia lui permet de se hisser – et le groupe avec lui - au rang des tout meilleurs dans le genre. En tout cas, sur la scène française.

Conclusion, Anima est un très bon album de métal prog. Cependant, il ne marque aucune véritable évolution par rapport à Mental Torments. Il ne fait que confirmer un potentiel incontestable. Certes la production, le contenu, l’exécution ont gagné en force et en maturité. Mais, vous avez noté que les identifications rémanentes avec le Gotha posent problème. On ne peut donc qu’encourager les Niçois à se défaire d’influences trop concrètes en manifestant plus d’audace dans leurs compos. Ils en ont largement les moyens. La reconnaissance bien légitime du milieu - y compris à l’international - est à ce prix.


Rédigé par : Karadok | 15/20 | Nb de lectures : 10191