Quand le volcan Eyjafjöll est entré en éruption l’année dernière, les effets ont été longs à venir, mais au final, ce petit enfoiré a paralysé quasiment toute l’Europe, clouant au sol des milliers d’avions et de passagers (votre serviteur y compris). Ce quatrième album de SOLSTAFIR m’a fait un peu le même effet. D’abord le premier extrait ne m’avait pas franchement ému, mais m’avait plutôt inquiété. Faut dire qu’il est plutôt mou du gland ce titre. Puis les premières écoutes m’ont laissé perplexe. Il faut dire qu’avec deux disques, ce quatrième album des Islandais avait de quoi perdre en intensité. J’attendais énormément de cet album, étant fan des deux précédents, les ayant usés sur ma platine. Après les premières écoutes, je tombais pourtant de haut, me sentant presque trahi. Mais maintenant, j’en suis à une quinzaine d’écoutes (peut-être plus), et maintenant je n’arrive plus à m’en passer. La musique de SOLSTAFIR a tapissé mes cages à miel de cendres volcaniques, et impossible de décrocher de la musique des Islandais.

Il y a pourtant des choses à reprocher à ce "Svartir Sandar". Tout d’abord, comme je le disais, les deux disques étirent les morceaux et deux fois quarante minutes peuvent rebuter. De plus, et "Fjara" en est le meilleur exemple, le groupe s’est popisé, et n’hésite plus à proposer des morceaux calmes et doux, loin de leur musique intense et prenante. Et dans ces morceaux, le chant de Aðalbjörn Tryggvason perd de sa puissance et donc de son intérêt. Dans "Fjara", comble du mauvais goût, une jeune demoiselle vient même pousser la chansonnette en arrière-plan, avec un timbre bien islandais rappelant Bjork. Argh, qu’est-ce qu’il leur arrive ?? Et je ne parle pas de "Kukl", qui clôt le premier disque, me faisant énormément penser à U2, dans la musique comme dans le chant.

Et pourtant… Pourtant je n’arrive pas à en vouloir au groupe, et pire, tous ces défauts se transforment en qualité. En effet, les parties les plus agressives n’en prennent que plus d’intensité. Les morceaux sont maintenant saupoudrés de claviers, qui donnent soit un ton encore plus dramatique à la musique, soit une luminosité cosmique (sur "Æra"). Encore une fois, SOLSTAFIR brouille les pistes, joue au chat et à la souris avec l’auditeur en multipliant les passages et les morceaux calmes alors qu’on s’attend à un passage plus intense et violent, qui n’arrive que lorsqu’on ne l’attend plus. Cette variété est incroyable et permet de faire de chaque écoute un voyage unique. L’exemple parfait est le premier titre du deuxième disque, "Melrakkablús", qui commence de manière forte, avec un de ces passages mélant post-rock et metal noir, assez rapide, avant de se calmer pour évoluer en pop-rock calme, pour repartir de plus belle sur la fin, et notamment avec son saxophone fou en toute fin de titre. Intense que je vous dis ! Et que dire du magnifique "Stormfari", avec son début où une jeune femme récite un texte (ce serait un sample d’un JT local que ça ne m’étonnerait pas, vu le ton), et sa fin tout en tension, magistral.

Comme je le disais, je n’arrive pas à en vouloir au groupe. En fait, après écoute attentive des deux disques, il en ressort que le premier disque est plus calme, plus posé, avec moins de passages tendus ou sombre. Un peu le calme avant la tempête qu’est le second disque. Malgré quelques passages plus lumineux, l’électricité plane dans ce "Gola" (titre du second album, le premier étant nommé "Andvari"). Même le dernier titre, qui commence de manière très pop, ne peut s’empêcher de monter en puissance.

Ce qui change sur cet album, au niveau de la prod et de l’écriture est la grande utilisation des guitares sans distorsion. Il n’est pas rare dans les titres d’entendre la pédale désactivée, pour garder un son plus clair et plus pop, beaucoup plus que dans les précédents albums. Cette particularité fait que cet album sonne beaucoup moins metal qu’avant. Si ça m’avait choqué au début, après maintes écoutes, c’est une vraie force d’avoir fait ce choix artistique, puisqu’en étant moins metal, le quatuor exacerbe son côté sensible qui fait mouche. Le groupe a un vrai feeling, un sens de l’écriture tel qu’il ne tombe pas dans le piège du mielleux. La basse s’entend parfaitement, d’autant plus qu’elle joue un rôle essentiel dans la base des titres, véritable ossature rythmique avec la batterie, mais également responsable du côté dramatiques des titres les plus énervés. Le chant également a été très travaillé. Toujours autant éraillé, l’organe du chanteur est un instrument à part entière, et il n’hésite plus à calmer sa voix pour chantonner. Dans ces cas, son timbre rappelle Bono. Du côté du son, la production est claire et organique, les instruments sonnent naturellement, idéalement pour une musique du cœur comme celle des Islandais.

Vous l’aurez compris, j’ai aimé cet album. Au prix de nombreuses écoutes, il est vrai, mais maintenant, j’ai du mal à passer un jour sans l’écouter. C’est devenu une nouvelle drogue. Et c’est d’autant plus appréciable que rares sont aujourd’hui les albums me faisant cet effet. Avec "Svartir Sandar", SOLSTAFIR a frappé un grand coup, réalisant son œuvre la plus aboutie, la plus complète, la plus complexe également. C’est un album qui se déguste, s’apprécie avec le temps. Il s’écoute confortablement installé dans son fauteuil favori, la lumière tamisée, un verre de son vin préféré en main (et la bouteille pas loin). Je ne sais pas ce que vont donner les nouveaux morceaux sur scène, et à vrai dire, je m’en fous. Le plaisir est si grand d’écouter cet album, que rien ne pourrait le gâcher, même pas la fin un peu abrupte. Season of Mist a eu le nez creux en signant ce groupe. Car "Svartir Sandar" est un putain d’album. Un putain d’album qu’il faut avoir chez soi, qu’il faut écouter, qu’il faut apprécier, qu’il faut savourer.




Rédigé par : Skay | 18/20 | Nb de lectures : 18229