SOLEFALD - Pills Against the Ageless Ills (Century Media/Edel) - 16/02/2002 @ 16h58
Quelle est la réaction symptomatique du chroniqueur lorsqu'il reçoit un album de Solefald ? Il y a dans un premier temps le "Cool !", puis une heure plus tard le "..." (comprendre "Qu'est-ce que je vais bien pouvoir raconter là-dessus ???").
Rien d'étonnant avec un groupe qui depuis sa fondation en 1995 s'est évertué à brouiller les pistes jusqu'à devenir son propre antipode. Après le black intense et énigmatique de "The Linear Scaffold" qui a propulsé le duo sous les feux de l'actualité, après la déviation psychédélique d'un "Neonism" aussi adulé qu'incompris, on attendait Cornelius et Lazare au tournant avec ce troisième album dont la naissance tardive a eu des allures de césarienne, changement de label en catastrophe oblige. Plus grande est la surprise de voir Solefald rappliquer avec ce qui est sans aucun doute - quoiqu'il se trouvera encore du monde pour le contester - leur réalisation la plus compacte et structurée, et de ce fait la plus aisément assimilable... au premier abord.

Pour le coup c'est le sujet central de l'album qui a absorbé l'esprit sinueux du groupe, avec un concept décapant mettant en scène les tribulations et les états d'âmes colorés de deux frères dont l'un, Pornographer Cain, incarne un individu matérialiste vivant d'instincts et d'impulsions, de désirs, d'avarice et de sexe. Philosopher Fuck, au contraire, est un philosophe raté (d'où le nom "Fuck", rien à voir avec une connotation sexuelle) qui est mal dans sa peau, assommé de questions existentielles et aspire à s'échapper hors de lui-même. Ne possédant pas les paroles je serais bien en peine d'en dire plus sur cette odyssée initiatique et de toute façon il ne m'appartient pas d'en dévoiler davantage ou de l'interpréter. Par contre je vous dirai que j'aime beaucoup la musique, ce qui n'était pas gagné d'avance, ayant plutôt fait partie des sceptiques que des inconditionnels de "Neonism".

Tout en gardant un mode d'expression et une énergie extrêmes, Solefald semblent en passe de tourner définitivement le dos au black metal en tant qu'une de leurs lignes directrices. Qu'elle soit provocatrice, percutante ou embarquée dans des chorégraphies aussi imprévisibles qu'irrésistibles, leur musique donne une idée de la profondeur polyvalente que peut atteindre un art libéré de ses chaînes stylistiques. On croit être engagé à pleine vitesse sur une voie express entre black et thrash moderne lorsque le cours des morceaux prend une bretelle inédite, chevauchant des diagonales qui finissent toujours par se croiser ou se rejoindre. Un exemple parmi d'autres, ce sont ces claviers synthie-pop à contre-emploi qui, dans "Hyperhuman", "Fuck Talks" ou surtout "The Death of Father", échafaudent un climat soudain de spleen comme le contraste violent d'une schizophrénie passagère, entre euphorie et déprime. Constamment sur la brèche, des titres aussi exaltés que "Hate Yourself", "The USA don't Exist" (à prendre comme souvent avec Solefald au second degré) ou le final explosif "Hierarch" irradient une violence que l'on n'aurait pas soupçonnée, grâce notamment à des guitares plus galopantes que jamais, sans toutefois omettre de retomber en temps voulu dans des divagations avant-gardistes inextricables qui coïncident le plus souvent avec le ralentissement du tempo.

Au niveau de la production, le peps des guitares et de la batterie est véritablement impressionnant, ce qui se remarque surtout lorsque, trop occupé à essayer de démêler les fils de l'intrigue, on se ramasse un gros riff plombé dans les gencives - ce qui me fait dire que sur cet album Solefald ont trouvé la clé du cocktail idéal entre éclectisme musical et puissance. Je dirais que "Pills against the Ageless Ills" est un album tout aussi détraqué et névrotique que ses prédécesseurs mais qu'il cache peut-être mieux son jeu, à l'image populaire que l'on nous donne du psychopathe intello et bien intégré dans la société. Ainsi le néophyte pourra progressivement s'accoutumer à l'eau du bain sans s'ébouillanter. Alors que le fan, s'il pourra être désorienté au départ et penser que Solefald ont outrageusement simplifié ou "commercialisé" leur musique, ne tardera pas à retrouver ses repères, au premier chef les vocaux si caractéristiques et hyper-importants dans la mise en place de l'atmosphère.

Parmi ceux-ci, le chant clair doublé de Lazare, onctueux et accidenté, tient le haut du pavé, qu'il se retrouve à l'avant du mix ou éclose en arrière-plan pour créer un contrepoint mélodique à la partie en cours. Les braillements stridents de Cornelius (qui avaient à une époque suscitées des comparaisons très abusives entre Solefald et Cradle of Filth) sont toujours présents mais désormais moins dominateurs, et également moins organiques, car on est loin des orgies de hurlements porcins d'un "Jernlov" qui mettaient les cordes vocales du jeune homme en péril - à ce sujet réécoutez donc à l'occasion "The Linear Scaffold" et surtout le dernier morceau "When the Moon is on the Wave" pour vous rendre compte à quel point Cornelius en avait bavé avec sa session d'enregistrement.

"Pills against the Ageless Ills" se devait en effet de présenter une surface plus lisse et plus ciselée par la besogne d'aseptisation du studio, afin d'illustrer la froideur stérile du monde dans lequel évoluent les deux protagonistes dont il est question. "Il y a de la convoitise dans toute repentance et du remords dans tout désir" nous dit Cornelius, il est bien que dans une scène metal où les tendances se bousculent et s'auto-contredisent il y ait toujours de la place, dans les cœurs ou dans les charts, pour un électron libre comme Solefald qui ne craint pas d'allumer des petits foyers d'incendie dans tous les coins à coup de satyres ou de coups de gueule, d'ironie ou de vérités cinglantes.




Rédigé par : Uriel | 17.5/20 | Nb de lectures : 8204




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Commentaire
Ben
Invité
Posté le: 18/02/2002 à 11h37 - (574)
Wow quel boulot :)
Ce disque est comme les 2 autres vraiment très bon, ds l'espoir de les voir sur scène bientôt !

Uriel
Invité
Posté le: 18/02/2002 à 12h44 - (576)
Tu as des infos comme quoi ils monteraient un line-up de scène???
Je croyais avoir lu sur une de leurs interviews que ce n'était pas dans leurs intentions...

Ben
Invité
Posté le: 21/02/2002 à 13h33 - (602)
sur le CD de Neonism, il y avait écrit les musiciens additionnels qu'ils avaient pour les concerts, il y avait aussi sur ce CD les adresses mail des 2 gars, une des 2 marche mais je ne sais pllus laquelle, j'avais écris une fois à la sortie du dernier album pour leur demander, ils m'ont dit que ça n'était pas prévu pour le moment mais que s'ils le feraient, ils tenteraient de venir en France, sympa, non ?

ars
Invité
Posté le: 08/05/2003 à 02h20 - (3396)
Un peu moins delirant et génial que Neonism cet album n'en est pas moins excellent de bout en bout

Nugava
Membre enregistré
Posté le: 21/12/2004 à 20h39 - (12202)
Le premier morceau, avec ses descentes abyssales, est dantesque, et très tourmentant...

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