SOLEFALD - In Harmonia Universali (Century Media/M10) - 28/05/2003 @ 09h32
Et une nouvelle fois le coucher de soleil norvégien entame la course descendante qui le verra plonger sous l’horizon. Voir Solefald rappliquer avec une hotte gavée de nouveaux titres à peine un an après la sortie du remarqué « Pills Against the Ageless Ills » ne devrait pas être une surprise en soi, dans la mesure où la sortie du susnommé album avait été retardée de presque autant pour cause d’embrouille avec le label Avantgarde Music. Tout de même, et malgré le côté évidemment positif de la chose, il est toujours déstabilisant d’aller à la rencontre d’un nouvel album avant même d’avoir vraiment eu le temps de digérer le précédent – phénomène d’autant plus accentué lorsqu’on parle Solefald et leur musique aux ramifications infinies. D’un autre côté, c’est la première fois que la transition entre deux de leurs albums n’oblige pas l’auditeur à revoir à 180° ses paramètres d’écoute. Nos deux frappadingues maniaco-nostalgico-philosophes auraient-ils décrété avoir atteint un équilibre créatif prévenant désormais de trop brusques incartades… ou bien sont ils finalement tombés en souffrance de nouveaux territoires ? Allez savoir, quoi qu’il en soit les conjectures en resteront sans doute au stade de… conjectures. Car il est bien connu qu’on ne tire que sur les malades, or l’opus 2003 affiche une forme olympique qui fait plaisir à voir. Lazare et Cornelius maîtrisent la trajectoire de leur ovni en despotes, alternant les trouvailles harmoniques courageuses et les facettes metal traditionnelles avec une aisance « routinière » qui donnerait presque à penser que la démesure et l’ambition coule dans leurs veines aussi abondamment qu’une production de globules rouges chez une personne sainement constituée. La quasi disparition des vociférations hystériques au profit d’une expression plus gutturale, hybride de chant death râpeux et de râle d’agonie, constitue l’unique révolution de velours de ce disque. Un disque qui conserve les valeurs de son prédécesseur, à savoir à la base un medley machiavélique et toujours aussi singulièrement cohérent de presque toutes les familles de metal (à l'inverse des joyeux capharnaüms moyennement digestes genre Die Apokalyptischen Reiter), couvrant les subtilités techniques et les degrés de fougue et de complexion propres au black, au death, au thrash, au gothic/batcave, au power metal et même, plus rarement mais de façon assez prononcée pour interpeller, à des courants hermétiques comme le progressif ou le glam. Rythmiques lourdes ou plus aérées, double pédale occasionnelle, riffs de toutes les couleurs sur une échelle de « raw » à élégant, solos de feu, passages acoustiques dont le timbre sablonneux téléporte dans l’hacienda d’un maître espagnol façon Narciso Yepes… tout y passe, et mieux encore qu’un catalogue de savoir-faire, tout joue son rôle irremplaçable dans l’établissement du scénario musical. Une fois ce décor (déjà unique par lui-même) bien installé, arrive le temps des variations, de l’animation vocale et d’un arsenal symphonique s’immisçant avec impertinence dans les époques tel une machine à explorer le temps déréglée – les habituels synthés polyvalents, le violon et le précieux orgue Hammond accueillent en plusieurs endroits les ellipses figuratives d’un saxophone tenu avec brio. Le gigantesque morceau « Christiana (E. Munch Commemoration) » est à lui seul un condensé de tout ce que contient le Solefald nouveau : une chevauchée démente à travers les arcades salement extravagantes de la musique baroque, gothique, néo-classique, jazz, psychédélique (etc.) en ne quittant jamais un tracé intelligible et ma foi très émotionnel guidé par un emploi ultra-professionnel de la guitare et de la basse, cocktail ad hoc d’agressivité, de densité et de substance mélodique forte. Comme il se doit, les différentes formes de chants sont un élément primordial de la personnalité de la musique, les déclamations harmoniques limpides de Lazare restant comme toujours une trademark mémorisable à l’extinction des feux. Les aficionados du groupe ne devraient pas trop prendre peur et se délecter de ces dix offrandes taillées dans la pierre de joaillerie « solefaldienne » la plus pure ; les occasionnels, les perplexes et ceux qui connaissent peu ou mal le groupe se préparent une fois de plus une belle miscellanée d’orgasmes et de migraines… On se prendra à apprécier quelques appels du coude, qu’ils soient voulus ou non, vers d’autres groupes, tels que (logiquement) Borknagar (« Buy my Sperm »), Samael (« Red Music Diabolos ») ou encore – mais c’est plus succinct – Emperor (« The Liberation of Destiny »). Mentionnons aussi pour la postérité la présence d’un titre chanté en français (« Fraternité de la Grande Lumière ») avec un accent adorable et des textes consistants (Cornelius n’a pas étudié la philosophie dans notre capitale pour des cacahuètes) sur une musique schizophrène au possible – vous avez dit normal ? Puisque « In Harmonia Universali » se comporte envers mes facultés de jugement critique à la manière d’un plan incliné savonneux, le mieux est de calquer la note sur celle de « Pills Against the Ageless Ills », dans la mesure où les deux se donnent allégrement la main sur un échiquier de charisme et de satisfaction d’écoute. A acheter sans la moindre hésitation !



Rédigé par : Uriel | 17,5/20 | Nb de lectures : 9186




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Commentaire
mydrin
Invité
Posté le: 29/05/2003 à 15h56 - (3747)
Excellent album, ce groupe à un potentiel énorme, chaque album est une réussite totale, à consommer sans modération ;-))

ars
Invité
Posté le: 30/05/2003 à 01h49 - (3765)
L'Album est magnifique comme d'habitude avec Solefald. L'album le plus marquant pour moi reste neonism. Et d'ailleurs uriel que pense tu de neonism ?

Uriel
Invité
Posté le: 05/07/2003 à 14h54 - (4322)
"Neonism"? Bizarrement je n'ai jamais trop réussi à entrer dans cet album. Pas qu'il soit trop complexe ou trop barré ou quoi que ce soit - on a vu pire - mais je n'accroche pas sur les chansons, tout simplement. Faudrait que je ré-essaye...

Hallu
Invité
Posté le: 21/07/2003 à 16h10 - (4514)
Une chronique très très confuse et très (trop) longue. On s'y perd, et finalement cela ne représente absolument pas ce à quoi s'attendre lorsqu'on va écouter l'album. C'est très dommage car l'album est excellent, le saxophone est un apport énorme, et l'évolution par rapport à l'album précédent est énorme, le son est totalement différent, tous les chants sont désormais clair, plus du tout de chant crié ou hurlé. Un album symphonique exceptionnel.

ars
Invité
Posté le: 13/08/2003 à 00h28 - (4884)
Tu devrais reesayé de te replonger dans "neonisme" avec un peu de recul je pense que tu le trouvera toi aussi absolument genial

Padre Bob
Invité
Posté le: 26/08/2003 à 21h22 - (5055)
Uriel m'a fait découvrir le dernier Solefald et j'ai vraiment bien apprécié. Moi qui suis un passionné de l'art baroque (ce qui est différent de la musique baroque) je pense que ce groupe a créé un nouveau style de metal: le metal baroque ou rococo peut-être...

reapie
Membre enregistré
Posté le: 07/09/2004 à 16h39 - (10251)
Excellente chronique pour un album qui n'en est pas moins excellent ! Les orfèvres norvégiens, bardés de leur approche expressionniste du black metal, intègrent ici des influences très variées pour nous composer un patchwork du meilleur aloi. Et derrière ces subtiles harmonies, un concept des plus solides : un hommage poignant à l'ensemble de l'héritage culturel européen. Le genre de choses qui font sensiblement regretter que les promos ne soient pas accompagnés de leurs paroles, situation ne permettant en effet pas d'appréhender ce type d'oeuvres dans leur globalité.
Il s'agit à mon sens de la meilleure réalisation (et de loin) parue en 2003, toujours aussi novatrice et inspirée, et que je préfère nettement à "Pills Against the Ageless Ills", qui était néanmoins déjà d'une grande qualité.

20/20

PS : Les inconditionnels (et les autres, bien évidemment) pourront d'ailleurs trouver sur le webzine Lords of Winter une interview de Cornelius menée au mois d'août, où celui-ci fournit quelques détails sur sa vision de Solefald, son goût pour la philosophie, la littérature et la poésie, et la naissance de son projet solo Sturmgeist.



ZeSnake
Membre enregistré
Posté le: 24/07/2007 à 23h40 - (44588)
bien composé, mais pas aussi bon que Neonism & P.A.T.A.I.



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