A peine avons-nous eu le temps de digérer la mauvaise surprise Sturmgeist, voilà que Solefald nous sort la seconde partie de son odyssée islandaise, entamée l'année dernière avec "Red for Fire". On ne peut pas dire que le père Cornelius reste à se tourner les pouces ces derniers temps. Nul besoin de présenter le duo norvégien tant ces albums avant-gardistes ont interloqué la scène métal ces dernières années. Alors qu'Arcturus a mitonné son identité au fil du temps, Solefald a depuis ses débuts une singularité qu'on retrouve dans chacune de ses offrandes. Si dès 2003 "In Harmonia Universali" a enterré la hache de guerre et les parties vraiment agressives, la patte du groupe se reconnaît toujours aisément dans ses mélodies. Mais parler de BM en évoquant le Solefald actuel, je rigole doucement...

Cornelius m'avait fait rire plus fort en scandant à qui voulait l'entendre que le premier Sturmgeist était du black bien old school. D'ailleurs, il a dû se faire échauder puisqu'il parle maintenant de métal germanique (hu hu). Donc je n'ai été qu'à moitié étonné/déçu de voir trôner sur le promo de "Black for Death" la mention post-black. De plus (attention les chevilles), je cite: "Black for Death" modernise à lui tout seul le mouvement post-black. Peut-on parler de "mouvement" quand on réunit quatre groupes avec des albums vieux de dix ans pour certains (les Fleurety ne sont pas jeunes)? Je vous évacue immédiatement cette étiquette récente sortie du chapeau. Elle vient peut-être du fait que Solefald a toujours été difficile à ranger dans une petite boîte, tellement sa musique pioche un peu partout. Comme Arcturus ou Ved Buens Ende, Solefald garde un côté expérimental, mais c'est plutôt dans un grand fourre-tout métal mélodique que le groupe nous invite, récupérant des éléments de divers styles. Au bilan, c'est tout bêtement du métal, bien brassé avec d'autres approches, mais du métal. Et certainement plus du black, autant techniquement que dans l'esprit. Je m'arrête ici avant de rentrer dans une séance d'étiquetage stérile...

Petit agacement personnel. Solefald nous a joué avec "Icelandic Odyssey" le coup du retour à l'héritage pagan nordique, allant jusqu'à composer les deux opus en Islande. C'était un concept viking énorme qui a fait vibrer pas mal de monde tellement on avait envie de voir la bête accouchée. Et au final, aucun élément musical ne vient rappeler le pagan des ancêtres. Pas une once, pas un chouia de viking sur les deux derniers albums. Alors qu'on nous annonçait des morceaux plein de superbe et de rituels majestueux, hé ben rien. Encore une baudruche promotionnelle secouée au nez et à la barbe du fan...

Concernant la musique, je ne vous cache pas ma déception. OK, on retrouve bien les éléments "habituels" de Solefald, dont les magnifiques chants clairs. Mais l'affreuse voix de pleureuse constipée de Cornelius prend largement le pas, même comparativement au précédent album. Les interventions anachroniques qui ont fait la réputation du groupe (comme le premier morceau au relent jazzy de "Fire for Death") ont presque disparu. On retrouve bien quelques instants barrés, comme l'intervention d'un orgue Hammond dans "Silver Dwarf" ou le saxo de "Underworld", mais le tout se trouve fort dilué dans du gros riff sans prise d'élan. Alors que le groupe a depuis longtemps limé ses griffes, on a l'impression qu'il veut revenir à quelque chose de plus direct et cela ne lui réussit pas vraiment. Les morceaux manquent de dynamique et d'entrain (par souci de préserver nos plus jeunes lecteurs, je n'emploierai pas l'expression "mou du gland"). Pour s'en persuader, il n'y a qu'à écouter le vide astral de "Silver Dwarf" ou le côté générique de dessin animé de "Necrodissey" (allez sur la page MySpace et Bernard Minet apparaît). Je trouve les riffs bien peu haletants et ils ne laissent pas de souvenir impérissables, perdus dans des orchestrations fort communes (un comble pour Solefald). Bref, je m'ennuie très fortement à l'écoute de "Black for Death", quand je ne suis pas hérissé par les passages destinés à faire pleurer des cailloux (horrible intro de "Queen in the Bay of Smoke" avec la fameuse voix de pleureuse constipée).

Au final, le duo norvégien a réussi son pari: "Black for Death" est un album fleurant bon la nostalgie. Nostalgie des excellents précédents albums d'un groupe qui revient d'Islande sur le radeau de la Méduse. Nostalgie pour un duo qui se regarde un peu trop le nombril, au point de devenir bien peu aventureux. Les fans ultimes de l'odyssée trouveront peut-être leur pitance, mais le mets délicat a laissé la place à de l'alimentaire indigeste. Et si vous pensez sottement que "Prince de Lu est un méchant et qu'il n'est pas le bon chroniqueur pour cet album, patati", dites-vous simplement que pour qu'il atterrisse dans ma platine, c'est que personne d'autre n'en a voulu dans la rédaction. Je suis bien déçu que Solefald tourne comme ça... Où est passée Coco Channel?


Rédigé par : Prince de Lu | 08/20 | Nb de lectures : 14941