Sur le papier, le projet était quasi inattaquable : l’une des deux formations les plus marquantes de SODOM (la deuxième étant celle avec Andy Brings pour le fabuleux « Tapping The Vein » de 1992) réunie pour réenregistrer le cultissime EP « In The Sign Of Evil » ! A l’origine sorti en 1984 et accompagné plus tard du premier album « Obsessed By Cruelty » sur l’édition CD, ce EP est le point de départ de l’histoire de SODOM et de nos jours encore une référence pour bon nombre de groupes d’extrême en terme de brutalité et de sauvagerie. Le thrash allemand n’en était alors qu’à ses balbutiements, avec « In The Sign Of Evil » il devenait pourtant évident que les Etats-Unis, bien qu’armés jusqu’aux dents avec METALLICA, SLAYER et ANTHRAX (Mustaine n’avait pas encore sorti le premier MEGADETH), venaient de se faire laminer en beauté.

Afin de fêter les 25 ans de son groupe, Angelripper a donc décidé de non seulement réenregistrer cette pierre angulaire du thrash européen, mais d’y inclure également les morceaux qui auraient dû figurer sur le LP qu’il devait être à l’origine et qui en avaient été écartés à l’époque faute d’argent pour payer une rallonge de temps en studio. Une exclusion qui a d’ailleurs probablement grandement contribué au succès du EP, puisque seuls les titres qui claquaient le plus ont été conservés. Alors que la mode du réenregistrement bat son plein, on aurait pu s’attendre de la part de SODOM à une relecture de ces vieux titres couplée à un ravalement de façade comme il est de coutume de le faire maintenant… pourquoi pas avec Andy Brings aux manettes d’ailleurs, comme sur le dernier opus des Allemands ?

Mais non, Tom Angelripper, Chris Witchunter et Grave Violator, qui se retrouvaient ensemble en studio pour la première fois depuis 22 ans, nous l’ont fait à l’ancienne, avec un son à peine plus propre que celui de 84 ! Nous qui nous plaignons parfois du manque de chaleur ou d’âme des bests-of réenregistrés avec une production moderne, comme ceux de TANKARD et DESTRUCTION récemment, nous voilà face à un disque qui sonne vintage et qui en plus est joué à l’ancienne. Witchunter, dont le jeu hargneux et les descentes de toms étaient l’unes des marques de fabrique du son SODOM, joue sur « The Final Sign Of EVil » comme s’il découvrait la batterie et parsème l’album de pains qui certes donnent un côté brut de décoffrage aux morceaux mais dont on aurait aimé se passer sur ces nouvelles versions. La guitare est en retrait et manque de punch, Angelripper cherche à retrouver les intonations de l’époque sans y parvenir et pour cause : ce qui faisait le charme des morceaux de 1984, c’était la rage juvénile qui s’en dégageait et le fait que cette radicalisation du thrash sauvage de VENOM repoussait les limites de l’extrême. On ne parlait pas encore de death ou de black métal alors, et SODOM représentait la violence ultime, la relève d’un VENOM en perdition. Quel intérêt de jouer « Outbreak Of Evil », certainement LE titre le plus emblématique du groupe, avec une énergie proche de celle d’une endive neurasthénique, alors que sur scène elle est jouée deux fois plus vite ? Même constat pour « Blasphemer », amputée de ses descentes de toms, et pour le duo « Withing Metal »/« Burst Command Till War », qui semblent comme exorcisées, dépouillées de leur haine originelle.

Bah ! Il reste les bonus me direz-vous ! Ils forment d’ailleurs, c’est vrai, le plus gros de l’album puisque qu’avec sept nouveaux morceaux ce sont les cinq du EP qui font presque figure de bonus… presque, évidemment, puisque comme je l’ai évoqué plus haut, ce sont et de loin les meilleurs et ceux qui beutent le plus. Les inédits sont sympathiques, révélateurs d’un groupe au début de sa carrière qui cherchait encore son style et était fan absolu de VENOM. Du thrash de l’époque relativement classique toutefois, auquel on n’aurait peut-être pas prêté la même attention si le logo SODOM n’avait pas été apposé sur la pochette. On y retrouve quelques plans qui ont été utilisés plus tard pour d’autres titres, mais en dehors de cela et du plaisir, aussi modéré soit-il par les reproches faits plus haut, d’entendre de nouveaux morceaux du groupe, il faut avouer qu’ils ne cassent pas non plus la baraque en comparaison des bombes que sont les titres figurant sur le EP.

« The Final Sign Of EVil » est donc destiné aux sodomaniaques plus qu’à ceux qui voudraient découvrir cette légende du thrash. Le nouvel artwork d’Andreas Marschall est certainement ce qu’il y a de plus réussi dans cet album dont le track listing a été modifié par rapport au EP d’origine, « Outbreak Of Evil » descendant en avant-dernière position et les autres se retrouvant éparpillés au milieu des inédits. Une modification intelligente qui permet de les intégrer plus facilement et de faire sonner les douze pistes de façon plus homogène. Reste maintenant à savoir si cette impression de ramollissement constatée sur le dernier opus éponyme sorti l’an dernier et confirmée sur « The Final Sign Of Evil » préfigure une retraite prochaine pour SODOM…


Rédigé par : Dungorpat | 12/20 | Nb de lectures : 12007