Stop !!! Ça suffit ! Il est temps qu’une voix s’élève et mette fin à cette omerta qui jugulait depuis trop longtemps l’essence même de la musique que nous écoutons. Alors voilà, en un mot comme en cent, vous, moi, nous écoutons tous des musiques de malades regroupées sous le terme de métal ou musique extrême pour les plus atteints d’entre nous.

Chacun chasse ses propres démons à sa manière me direz-vous mais en faisant preuve de lucidité, il va sans dire que les disques qui s’entassent sur nos étages feraient le bonheur de plusieurs générations de psychanalystes. Combien de pathologies susurrées du bout des notes, combien de déviances profondes cachées derrière quelques riffs ? Combien de séjour en hôpitaux psychiatriques esquivés par des palliatifs musicaux dérangeants ?

Et ce ne sont pas les Suisses de SLUDGE qui démentiront cette triste réalité. Avec leur quatrième album en date plus de trois ans après « Yellow Acid Rain », on se dit que le groupe aurait très bien pu se mettre à collectionner des pilules de toutes les couleurs et à tâter de l’électrochoc plutôt que de composer un truc aussi blindé d’ambiances lourdes et moites.

Oui, « Lava » ne figurera pas dans la bande originale du prochain Disney. Makro, plus connu pour son rôle dans SAMAEL, revient nous remettre un bon coup de massue avec une paire de nouvelles recrues au chant et à la basse. Au programme, trois-quarts d’heure d’une musique qui flirte entre l’efficacité brut de riffs, rythmiques pesants et l’ambiance intimiste d’une jolie cellule capitonnée voisine de celle du CELTIC FROST de "Monotheist".

Pour les novices qui en douteraient encore, SLUDGE n’a que peu de points communs avec le style musical du même nom. Le groupe s’inscrit plutôt dans un métal principalement écrasant, oppressant, mêlé de samples, de bruitages aux sonorités indus et d’un chanteur possédé qui apporte matière à l’atmosphère d’asile insalubre que j’évoquais quelques lignes plus haut. C’est tout juste si l’on ne croirait pas entendre au loin le grésillement joyeux des défibrillateurs, le plick plick des petites pilules rebondissant sur le carrelage, les hurlements muets du capitonnage, le frottement des camisoles.

Inquiétant, suffocant, rythmiquement implacable mais parfois minimaliste, claustrophobe, plaintif, hurlant, cogneur, déterminé mais mentalement fragile, il ne fait pas bon vivre dans l’univers de SLUDGE et il vous faudra probablement vous faire une cure de "Rires & chansons" intensive avant de vouloir revoir la lumière du jour car la recette fonctionne bien… j’espère pour eux que c’est aussi le cas de leur thérapie.

Un p’tit mot quand même de l’épaisse production, signée Makro himself, du mixage de Serge Morattel (KNUT, NOSTROMO, SHORA) et du mastering d’Alan Douches (MASTODON, CONVERGE, etc). Une dream team qui a bien mis en valeur les rythmiques appuyées comme les vrombissements de basse, les beuglantes comme les soupirs.

Il est clair que « Lava » nécessitera quelques écoutes, voire même quelques immersions complètes en apnée pour bien en savourer toutes les textures et les relents nauséabonds. N’oublions pas, tout de même, que lorsque l’on regarde longtemps au fond d'un abîme, l'abîme aussi regarde au fond de nous.

Des malades, j’vous dis…


Rédigé par : Tonton | 15/20 | Nb de lectures : 11154