Grand Opening & Closing est leur premier album paru en 2001. Il vient d’être réédité agrémenté de 2 bonus par un label français. En attendant le nouvel opus prévu en 2007, l’autre bijou – Of Natural History sorti en 2004 - devrait subir le même traitement.
Art Rock, rock progressif avant-gardiste, death metal, R.I.O (Rock In Opposition), difficile de cataloguer ce phénomène (ba)rock venue de la Bay Area. D’autant plus que cette formation aux nombreux membres, ne revendique aucune chapelle. A peine consent-il à celle de R.A.R – Rock Against Rock. Pourtant, grande est l’envie de les lui attribuer toutes !
Son imagerie musicale ne peut être appréhendée qu’au travers du prisme complexe fait de toutes ces multiples facettes. Ajoutez-y une forte propension à la théâtralité expressive lors de prestations scéniques hautes en couleurs, des textes engagés voire partisans, un souci de compositions asymétriques, d’exécution d’un niveau élevé et vous voilà prêts (peut-être) à entrer dans le monde interlope (au sens équivoque) de ces Américains décidément hors normes.
Sombre, envoûtant, mystérieux voire mystique, explosif, fougueux et finalement incontrôlable, le propos des Californiens est un formidable creuset de réflexions et d’introspection exprimées dans la violence et la douleur.
Dormir, c’est mal et STGM ne vous en guère l’occasion. Bien que très « abordable » Sleep Is Wrong illustre cette folie furieuse - section rythmique ultra lourde, vociférations – puis chorus de guitares déjantées à la Zappa/Fripp, percussions frôlant le martèlement approximatif ou désordonné. C’est une entrée en matière coup de poing.
Ambugaton est l’un de mes titres préférés. Il débute sur quelques minutes par des arpèges de guitare dissonants sur lesquels viennent se greffer des glissés d’archer de violons tout aussi distendus avant de se conclure par du métal sauvage et furieux.
STGM se veut aussi une officine où l’on se livre à toutes sortes d’expérimentations qu’elles paraissent farfelues ou parfaitement construites. Ainsi, on pourra découvrir tout au long de l’album, des instruments aussi étonnants que rares comme le piano-jouet ( !), le glockenspiel (http://fr.wikipedia.org/wiki/Glockenspiel) ou l’autoharp (http://fr.wikipedia.org/wiki/Autoharpe). Et quand les Californiens ne trouvent pas le son qu’ils recherchent dans la vaste panoplie des instruments actuels ou délaissés, qu’à cela ne tienne, ils les fabriquent eux-mêmes. Exemples de ces créations bizarroïdes, la guitare à percussion – le Vatican – le Wiggler à pédale ou le Pancréas électrique ( !!!!). Le but final étant de faire avancer la cause au service de l’innovation et du libre arbitre artistique.
Ablutions en est une bonne démonstration. A l’opposé de ce qui précède. Pas ou peu de musique conventionnelle. Mais une suite de bruitages, de vocalises féminines à la limite de la dissonance sur fond de claviers angoissants. (On pense à Bjork). Minimaliste sur la forme mais intense, épais quant au climat magnétique recherché.
Après cet interlude – 6’11 tout de même – 1997… nous replonge dans la furia métallique complètement foutraque, sans ligne directrice apparente et qui renvoie dans les cordes le plus extravagant des groupes de métal se voulant un tant soit peu original.
The Miniature est une minute de « faiblesse » instrumentale bien anodine. Car l’hypocrite et diluvien Powerless qui suit nous cloue au fauteuil sans nous demander notre avis. Mélopée cacochyme, voix frisant l’aliénation mentale, le final est un paroxysme de l’extravagance stylistique des Américains.
Avec The Stain, retour à l’empirisme agité, déconstruit et aux bruits dodécaphoniques. A partir de Sleepytime, pièce maîtresse de 10’48, la véhémence retombe, cédant la place à une colère sourde, à des ambiances presque impalpables mais non moins délétères. Elles sont simplement introduites par le biais de pseudo mélodies étranges et d’une instrumentation malmenée et tout aussi tourmentée, les guitares continuant leur jeu de massacre. Effet garanti ! L’album se termine pas 2 titres bonus. Flinch, qui débute et s’achève comme du psychédélique à la Floyd façon Meddle, entrecoupé d’une angoissante et acrimonieuse plainte. Powerless qui clôt cet ouragan sonore étant la version live du 6e titre.
Grand Opening & Closing est une œuvre que l’on peut assimiler à de l’Art Moderne, dadaïste dans sa philosophie et dans sa conception (http://fr.wikipedia.org/wiki/Dada%C3%Afsme). C’est un film constitué de scènes atrabilaires, fugitives mais extrêmement fortes dont on ne peut s’extirper sans ressentir un besoin immédiat de repli intérieur, fut-il secoué de spasmes indomptables. Longtemps après que ce soient éteints les feux de son incendie ravageur, les braises encore rougeoyantes prolongent ce sentiment de mal être. Salutaire ou destructeur, il a le mérite de nous faire pénétrer en profondeur dans son univers enchevêtré et complexe, là où tant d’autres se contentent de nous servir futilité et inconsistance.
Vous pensez avoir tout entendu en matière de musique. Vous avez des goûts éclectiques, une attirance marquée par ce qui se fait dans l’underground, loin du paysage habituel formaté. Bien. Vous êtes donc aptes à vivre 77 minutes d’une expérience hors du commun.
Avec The Mars Volta à l’un des bouts de la chaîne et S.T.G.M à son autre extrémité, l’audace et l’impertinence ont encore de belles heures à nous offrir.

Formations dans la mouvance STGM: MAUDLIN OF THE WELL - THINKING PLAGUE - MOTOR TOTEMIST GUILD - HÖYRY-KONE - ART BEARS et par extension KING CRIMSON – VAN DER GRAAF GENERATOR


Rédigé par : Karadok | (Chef-d’) Oeuvre intemporelle donc inclassable./ | Nb de lectures : 13660