Dungorpat: Alors que m'sieur Araya, bassiste/hurleur de son état et légende vivante du métal, se fait rappeler à l'ordre par un corps meurtri par une trentaine d'années de headbanging et de vociférations, le dernier disque de son orchestre de musique rock diabolique vient d'arriver dans les bacs... et nous rappelle à tous, pauvres petits cons qui avons eu l'inconscience d'un jour douter de SLAYER (c'est le nom de son groupe) que même si l'inspiration n'est pas toujours là, l'œil du Tigre est bien là, lui, et que dès qu'il s'agit de rentrer dans le tas et de défendre leur trône, les quatre brutes n'y réfléchissent pas à deux fois.

En écoutant « World Painted Blood », je me demande comment j'ai pu ne serait-ce que commencer à m'enflammer pour un « Christ Illusion » qui n'est finalement pas ressorti de son boîtier depuis trois ans. Ne lui jetons cependant pas la pierre, cet album était certainement nécessaire au groupe pour retrouver la voie du Thrash, ce qui est chose faite, sans pour autant mettre de côté ses aspirations « mélodiques » et ce goût pour les expérimentations dont font preuve les Américains depuis longtemps maintenant. Les trois quarts de l'album sont donc de purs assauts thrash ultra rapides, ça tronçonne comme à la grande époque, et si les riffs n'ont pas tous la majesté de leurs illustres prédécesseurs, la haine qui se dégage de l'album fait le reste. Bien qu'approchant de la cinquantaine, les Américains font preuve d'une sauvagerie dont beaucoup de leurs disciples sont encore très loin ; c'est bon pour nos oreilles, c'est bon pour l'Histoire, c'est bon pour le moral. En bon fan entièrement voué à sa cause, je jubile à chaque passage de l'album, qui n'est d'ailleurs pas si linéaire que les premières écoutes le laissaient penser ; merci en cela à Jeff Hanneman, qui a composé plus de la moitié des morceaux et y a injecté l'once de subtilité que ce bûcheron de Kerry King oublie souvent.

On attend cependant toujours beaucoup d'un album de SLAYER et il faut bien admettre qu'à chaque sortie on trouve à redire, celui-ci ne faisant pas exception à la règle. On pourra ainsi reprocher au groupe de s'être contenté de piocher dans le stock de rythmiques constitué à l'époque de « Reign In Blood » et d'en balancer une grosse pelletée sans chercher plus loin. On pourra également lui reprocher de vouloir faire du mélodique alors qu'il n'en a pas (plus) les moyens. Il y a de bonnes idées, comme le couplet de « Beauty Through Order », le riff principal d'« Americon » ou l'intro de « Playing With Dolls », mais dans la plupart des cas le chant ne suit pas, trop linéaire alors qu'Araya a prouvé par le passé être capable de belles choses. Cela ne porte pas spécialement préjudice à l'album pour autant, puisque l'organisation de l'album est faite de telle manière qu'il faut attendre la septième plage pour avoir le premier morceau calme de bout en bout, « Human Strain », premier daubé également malgré un passage mélodique qui aurait mérité d'être mieux exploité, ce qui laisse déjà largement aux plus affamés de quoi se rassasier en brutalité! Au rayon griefs, on ajoutera les crachouillements qui semblent être la marque de fabrique de Greg Fidelman, cerise pourrie sur le gâteau qui gâche une prod pourtant excellente, avec une batterie qui sonne très naturelle (un vrai régal, d'autant que Lombardo tabasse ses fûts comme s'il voulait en faire une compression de César) et une basse bien audible qui donne du corps à des guitares plus tranchantes que jamais.

« World Painted Blood » n'est pas l'album ultime de SLAYER, il est celui que les fans réclament par commentaires interposés à chaque sortie depuis des années, il est celui d'un groupe qui se dit indifférent aux critiques mais qui a tout de même dû prendre en pleine gueule le rejet de « God Hates Us All », « Diabolus In Musica » et « Undisputed Attitude » alors qu'ils y avaient justement mis beaucoup d'eux-mêmes et avaient tenté d'innover. Il n'est donc pas un album parfait, et ne doit pas être comparé note pour note aux albums qui ont fait sa légende ; il représente SLAYER en 2009, et même si Araya montre parfois quelques signes de fatigue, quand on l'entend se déchirer la voix sur « Psychopathy Red », assurément un futur classique du groupe, on ne peut que s'incliner. SLAYER ne se renouvelle peut-être pas beaucoup, mais à ce compte-là on peut faire le même reproche à "Season In The Abyss" qui ne fait que reprendre (avec certes plus de réussite) ce qui avait marché sur "Reign In Blood" et "South Of Heaven". J'aurais aimé entendre un SLAYER plus punk/hardcore, plus proche de celui de "Undisputed Attitude", un SLAYER en mode tête de con qui aurait envoyé bouler tous ceux qui prétendaient leur dicter leur conduite en leur balançant un disque cru, sauvage, primaire, un disque qui aurait dit "on est SLAYER, on vous emmerde, prenez ça dans les dents et ne venez pas nous dire quoi faire". C'est finalement la voie du thrash qu'ils ont choisie, et vu le résultat je vais largement m'en contenter pour les quelques années qui vont venir en attendant le prochain!

Le disque est disponible en plusieurs versions dont vous trouverez les détails facilement, n'attendez simplement pas trop du CD bonus spécial France « La story de l'extrême » qui retrace la carrière de SLAYER en un peu plus de vingt minutes de narration entrecoupées d'extraits de leurs classiques et ne sert absolument à rien. Le DVD « Playing With Dolls », quant à lui, est un court-métrage dont le personnage principal est un serial killer prenant les membres de ses victimes afin de reconstituer le corps de sa mère assassinée quand il était gosse, le tout présenté sous forme d'un roman photo sonorisé par des extraits de l'album, ainsi que quelques secondes d'un morceau inédit. On aimera ou pas l'exercice, mais au moins on a un bonus innovant, et pas le classique studio report de 15 min avec interviews vantant les mérites du producteur, de l'album, etc.

Note: 15/20


wasted: Difficile d'évoquer SLAYER sans lorgner sur le passé d'une telle légende. Quand on a été le pionner, voire l'inventeur, d'un style, il est on ne peut plus logique de s'exposer à la foudre des critiques à la moindre évolution. SLAYER en a ainsi fait les frais tout au long de sa carrière, mais cela n'a pas empêché le groupe de garder une fan base totalement dévouée et ce quelque soit la ligne de conduite adoptée à chaque nouvelle sortie. Je fais partie de cette fameuse communauté d'irréductibles qui voit en SLAYER les dieux incontestés et incontestables de la scène Thrash et ce "World Painted Blood" a en tout point renforcé ma foi en SLAYER!

"Christ Illusion" avait déjà permis au groupe de reconquérir une partie de ses disciples en surfant sur l'esprit nostalgique lié au retour de Dieu, plus connu sous le nom de Dave Lombardo. Le riff se voulait plus incisif, plus Slayerien disaient les "spécialistes" et la section rythmique regagnait ses lettres de noblesses à grands coups de "Flesh Storm" et de "Supremist". Trois ans plus tard, SLAYER continue sur sa lancée et enfonce le clou par le biais de compos encore plus virulentes et vindicatives. "Public Display Of Dismemberment", voilà un titre qui va faire couler beaucoup d'encre puisqu'il est à ce jour l'une des compos les plus agressives et peut-être même le titre le plus brutal jamais écrit par SLAYER.

C'est d'ailleurs là qu'on se rend compte que SLAYER n'a pas cherché à faire dans le revival mais plutôt à adapter son thrash à un paysage métallique où l'extrême n'est plus l'apanage de l'underground. J'avoue tout de même avoir été sceptique lors des premières écoutes de ce morceau de par ce fameux aspect extrême jurant un peu trop avec le reste de l'album. "World Painted Blood" est en effet tout aussi diversifié que son prédécesseur, alternant les titres in your face ("Psychopathy Red", "Unit 731") et des choses plus posées où l'accent est mis sur la mélodie ("Human Strain", "Beauty Through Order").

Personnellement je ne vois aucune faiblesse dans ce que vient de nous pondre SLAYER, les rythmiques effrénées, la ténacité des riffs, les soli typiques du groupe, le chant d'Araya, tout cela fait de "World Painted Blood" un excellent album de SLAYER qui aurait même pu atteindre la perfection si la production n'avait pas été confiée à Greg Fidelman. Bien sûr et compte tenu des prods actuelles c'est agréable (et même jouissif) d'entendre un véritable son de caisse claire et pas un horrible clac virtuel, mais d'un autre côté je trouve le son de "World Painted Blood" trop proche du dernier METALLICA. On reste quand même loin de l'horrible saturation de "Death Magnetic" mais une prod un poil plus claire à la "Seasons" aurait vraiment été un gros plus. Je ne leur en tiendrai pas guère car l'efficacité est au rendez-vous et c'est tout ce que je demandais.
Note: 17/20


Rédigé par : Dungorpat & wasted | 16/20 | Nb de lectures : 21897