Être chroniqueur chez VS, c’est être le dépositaire d’une mission sacrée. Cette injonction divine impose à son serviteur la plus totale impartialité. C’est pour cette raison que je dois me confesser auprès de la sainte inquisition de l’ordre du métal car je suis coupable. Je voue un culte secret à Slagmaur. Malgré cette faiblesse, je vais tenir parole et accomplir mon devoir.

Ainsi, Slagmaur nous revient, fraîchement signé chez Osmose, avec son troisième véritable album. Pour ceux qui ne connaissent pas, Slagmaur sont un peu les Marcel Duchamp du black norvégien car s’ils gardent tous les attributs classiques c’est pour mieux les détourner.

D’après le dadaïste en chef, le General Gribbsphiiser, il s’agit de clore la trilogie entamée avec "Svin". Apparemment à l’origine, Il aurait voulu mettre un point final avec la distribution d’un CD vierge pour mieux exprimer le sentiment de frustration. Ah ! Ces artistes conceptuels !!

Je vous rassure, on trouve bel et bien de la musique gravée sur la rondelle. Comme les précédents essais, ce dernier dure à peine une demi-heure ce qui laisse au final que cinq véritables titres. Je ne peux nier ressentir une certaine déception à l’écoute de cet album. Il faut attendre la quatrième piste pour être surpris car jusque-là on est dans les canons institués par "Skrekk Lich Kunstler". L’intro est un instru classique à tendance dramatique qui évoque les compos de Bernard Hermann. Les deux titres qui suivent sont dans la droite ligne du précédent. On retrouve ce mid-tempo hypnotique couplé à un mur de guitares proche de l’indus, de vocaux scandés et de mélodies à la fois dissonantes et accrocheuses. On peut juste constater un gain au niveau de l’aspect dérangeant et déliquescent ainsi qu’une prod toujours plus froide et déshumanisée. Mis à part cela, ces deux titres se déroulent sans surprises ni excitation.

Il faut attendre "Nattens Sorte Ord" pour que les choses se décoincent. Ce titre commence comme une comptine enfantine complètement dégénérée. Et là surprise ! Le morceau évolue, la comptine laisse place à un magnifique mouvement funèbre qui s’avère être une citation de la Symphonie Fantastique de Berlioz (la BO de Shining pour faire simple !!). Et que dire de ce final complètement dément avec ces chœurs à la fois tribaux et guerriers qui évoquent aussi bien le Haka néo-zélandais, le hardcore voire le rap. C’est simple, il s’agit du morceau de l’album ! La suite, même moins surprenante, reste sur cette dynamique.
"Klokker Tramp", avec ses intonations de film d’horreur, se voit vivifier par un sample de violons classiques.
"Ramaskrik" nous gratifie en guise de conclusion d’un chahut martial indus avec l’adjonction de samples effrayants. On n'est pas si loin du "MZ 412" de Infernal Affairs. Preuve est faite que Slagmaur peut conserver son caractère hypnotique tout en variant ses compositions.

C’est rageant !! Encore une fois, on a un goût d’inachevé, de trop peu et puis trente minutes pour de la musique qui joue sur les ambiances cela finit par faire court. On se prend à rêver qu’enfin la bête se lâche enfin complètement. Ce serait ultime ! En l’état, Slagmaur reste malgré tout un combo unique et original. Il n’y a qu’eux pour sonner ainsi. D’ailleurs, j’ai toujours pensé que Slagmaur était le groupe de black metal destiné aux amateurs de rap car avec leur mid-tempo groovy et lancinant et ce chant scandé, on n’est finalement pas si éloigné que cela du premier album de Dälek ou du onzième titre qui apparaît sur le premier album du GZA. Oui je sais… J’exagère… Je picole trop !! Désolé !!

Comme d’habitude, le digipack est superbe. A l’instar de la musique, l’imagerie conserve les caractéristiques classiques du black metal pour mieux les détourner et les pervertir.

Pas de doutes, l’ambiance est là. C’est même, probablement, une des galettes les plus glaçantes de l’année. Mais, on a toujours la sensation d’être face à une simple esquisse. Il reste que l’ensemble est prenant malgré le caractère définitivement flippant. On reste prisonnier de ces rythmiques martiales et de ces leitmotivs envoûtants. C’est même la principale force du combo, réussir à rendre leur œuvre à la fois dérangeante et accrocheuse. Mais j’attends beaucoup plus de Slagmaur car ils méritent de pondre un chef-d’œuvre. Pour l’instant cela manque vraiment de folie. Je suis patient et j’y crois. "Nattens Sorte Orde" en est la preuve.




Rédigé par : Dark Rabbit | 13/20 | Nb de lectures : 11490