Vétérans de la scène pagan, les Lettons de Skyforger auront su se faire désirer avant de proposer un nouvel album. Ceux qui ont eu la chance de se faire exterminer les oreilles par le groupe au Cernunnos Pagan Fest à Paris en 2007 se faisaient pourtant peu d'illusions quant à la sortie d'un successeur au dernier véritable album metallique du combo Thunderforge en 2003. Et pourtant, malgré l'espoir qui filait au fil de ces sept années, la formation en peaux de bête nous a mitonné un brasier de riffs longue durée.

La pochette est particulière, certes. Il s'agit d'une peinture du guitariste Martins, qui en a également rempli le livret. La photo du groupe fait forcément beaucoup moins peur. Heureusement, le livret contient également les textes, leurs traductions en anglais et quelques notes de compréhension. Mais vous n'allez pas vous arrêter à quelques gribouillis, tout de même? Bon OK, musicalement, on trouve également quelques particularités des pays baltes.

Ce nouveau Skyforger ne fait que confirmer que les groupes de pagan baltes sont avant tout des adeptes de gros metal qui tache. Il vous suffit de passer sur les chroniques d'Obtest pour voir fleurir les comms "ouais, c'est pas du pagan ça". Et ces mêmes groupes baltes ne cachent pas l'influence qu'ont eu sur eux les vétérans de Skyforger. Personne sera donc surpris que Kurbads soit avant tout un album de metal pur jus, qui va chercher ses riffs dans le heavy et le thrash d'antan, et qui remonte même jusqu'à l'énergie d'un Motörhead (la partie centrale de "Black Rider" est Lemmyesque à souhait).

Personne ne sera non plus surpris par les voix déchirées, véritable marque de fabrique des groupes baltes. Chez Skyforger comme chez d'autres, la voix ne correspond pas aux canons du genre et il vous faudra passer sa barrière (pas évident sur l'interlude "In the Yard of the Father's Son" au coin du bar). Je comprends que ce soit difficile, je n'ai jamais vraiment réussi à m'affranchir des vocaux de Metsatöll.

Léger comme une division blindée envahissant la Pologne, Skyforger ne s'embarrasse pas de détails dans un album avant tout efficace. Les instruments traditionnels ne sont présents qu'à mi-temps au fil des onze titres et 50 minutes de l'opus. Le reste, c'est du riff pour dératiser la baraque, bien supérieur aux précédentes réalisations de la formation. Les morceaux sont entraînants et créent rapidement une dépendance qui fait mal aux cervicales.

Les plus jeunes chercheront des ressemblances avec des groupes actuels, qui puisent eux-mêmes leur influence dans le passé. Pour aiguiller, on peut dire que Skyforger ne néglige pas quelques cavalcades et mélodies qui évoquent Arkona ("The Devilslayer", "In the Underworld"), ni des riffs puissants et écrasants comme en pratique Moonsorrow ("Son of the Mare", "Bewitched Forest" avec même quelques chants clairs sur le refrain qui rappelleront Obtest). La comparaison est également possible avec un autre groupe qui puise ses idées dans le vieux rock, c'est-à-dire Enslaved (l'intro de "The Nine-Headed" devrait vous convaincre). Bref, il y a moyen de trouver des points communs avec pas mal de monde, car finalement tous puisent leurs accords aux sources du metal où s'abreuve Skyforger.

La production claire et puissante aide cet album de vieux riffs à sonner actuel, fruit d'un long enregistrement en 2008-2009 au Lauska Studio du flûtiste de la formation, Kaspars. Les Lettons enchaînent des titres variés et porteurs d'une nostalgie des anciens temps qui forge leur idée du pagan. Je suis tombé sous le charme de cet album dévastateur, qui fonce les cornes en avant comme un viking tête baissée. Et si Skyforger ne prétend pas révolutionner le metal, il en use et en abuse de manière tellement vivifiante que c'est un bonheur auditif qui grandit à chaque écoute. Cet album, c'est du Letton armé!


Rédigé par : Prince de Lu | 17/20 | Nb de lectures : 15050