N'en déplaise à notre jeunesse, le folk metal n'est pas né avec Korpiklaani. Oui, ça fait mal, je sais. Kevin D., inscrit sur VS sous le doux pseudo de "Tørstein Bålderi le Musclé Viking", va en pleurer toutes les larmes de son corps. D'ailleurs, le folk metal n'est probablement pas né avec Skyclad non plus, même si les Anglais sont aujourd'hui reconnus comme un précurseur du genre. Mais bon, qui se souvient de la flûte enchantée de Jethro Tull qui avait ravi le Grammy "Best Hard Rock/Metal Performance" à Metallica en 1989? Des vieux cons? Ah oui, tiens. Hé bien, pour commencer, je vais m'adresser aux vieux cons alors.

Donc, on n'est pas là pour savoir qui a mangé la poule dans son œuf ou qui a commencé à jouer du folk metal. Mais pour le fringant jeune homme que j'étais, c'est par Skyclad que le folk metal a fait irruption. J'ai découvert le groupe en 1994 via un titre dans la compilation Destination Danger (ouch, le vieux souvenir. Et c'te playlist de fou). Et ce titre, c'était l'énormissime "The One Piece Puzzle" extrait de Prince of the Poverty Line. Si mon pseudo n'a rien à voir avec cet album, il en est resté des séquelles qui m'ont fait entretenir pendant des années une relation suivie avec la bande à Martin (Sky)Walkyier et sa discographie quelque peu inégale. Si je vous resitue tout ce contexte, c'est aussi pour dire que, pour moi, Skyclad s'était arrêté avec le départ du nain chantant. Bien que certains n'aient jamais digéré ses aboiements, il incarnait à mes oreilles le parfait pendant aux douces mélodies du groupe. Et Skyclad sans Walkyier ne me semblait pas avoir beaucoup de sens. Oui, ça m'arrive aussi d'être con.

Donc, c'est plutôt par curiosité que j'ai accepté cette chronique, juste pour voir où en était le groupe dans sa mouture avec Ridley au chant, prêt à me moquer grassement du probable raté de la chose. La curiosité s'est avéré être une bonne qualité. Car je vous le dis illico, je trouve cet album très bon. Cela ne suffira sûrement pas à offrir un peu d'un succès tant mérité à ce groupe. Pourquoi ils ne cartonnent pas plus? J'en sais trop rien. Peut-être à cause des critiques sociales dont ils ont fait leurs paroles et qui sont bien éloignées des textes pagano-cucul habituels dans le genre. Peut-être à cause d'une musique mêlant le heavy/thrash à des ritournelles au violon ou peut-être à cause de l'hétérogénéité de titres qui recherchent la musicalité avant les étiquettes, bref un mélange qui n'est peut-être pas assez festif pour la nouvelle génération. J'en sais rien, en fait.

Pour en revenir à ce nouvel album, près de dix ans après ma séparation avec Skyclad, j'en vraiment eu l'impression de remettre une paire de chaussons encore chaude. Les Anglais ont vraiment leur personnalité, festive ou mélancolique selon les instants, mais une fibre reconnaissable entre mille. Et encore une fois, les dix titres s'éparpillent entre la grisaille de septembre ("Which is Why") et la joie des fêtes en plein air de juillet ("Words Upon the Street" et son texte sur les portables, le méga-pêchu et un poil oriental "Superculture"), entre une tristesse grave et une pêche à tout foutre par terre. Skyclad livre encore un album qui volète au gré des titres, gardant une homogénéité relative, mais qui comporte quelques brûlots à tomber par terre.

Je vous ai ouvert cette chronique en évoquant le superbe "The One Piece Puzzle". Pour ce nouvel album, la fine ouvrage arrive avec le magnifique "The Well-Traveled Man", avec une montée en puissance implacable et surtout des lignes vocales complètement addictives. Je vais finir par me foutre en l'air en bagnole à force de taper les riffs de ce titre à deux mains sur le volant. Après un carton pareil, le groupe pourrait balancer un morceau disco, mais ils n'en font rien et envoient un pur titre bien heavy avec "Black Summer Rain". Tout ça avant d'enchaîner avec le bizarroïde "Babakoto", à l'intro Négresses Vertes qui se mue en grunge à la Alice In Chains. Et ils refont le coup du son grunge avec "Modern Minds" et le titre éponyme qui ferme l'opus. C'est aussi ça, Skyclad, ça ne tient pas en place. Et l'impression d'avoir un album mitonné dans la cuisine de la chaumière, à se faire plaisir à ciseler les riffs autour du feu.

Côté technique, rien à redire. Le son des guitares est puissant et bien heavy, la batterie claque bien. Le violon se détache parfaitement, apportant une touche mélodique parfaitement balancée avec les guitares. La basse est moins présente dans le mix (mais on l'entend par intermittence), venant surtout gonfler sauvagement l'ensemble. La voix de Kevin Ridley est le gros point que je redoutais. Eh bien, il est simplement parfait. Doté d'une voix agressive avec un timbre légèrement éraillé qui sied parfaitement au groupe dans les morceaux qui balancent, le chant "ballade" est tout aussi réussi. Du très beau travail, surtout qu'il n'y a ici aucun invité dans cet enregistrement réalisé entièrement par le groupe.

Si je suis plus circonspect sur l'impact de "Hit List" ou que je trouve un morceau comme "Still Small Beer" un peu facile (bien que foutrement jouissif), Skyclad offre 40 minutes de tonus et de mélodies de très bonne facture. Les amateurs du groupe retrouveront immédiatement leurs petits, chez un combo qui renvoie la moitié des groupes de folk metal dans les limbes de la fadeur anonyme qu'ils n'ont jamais quittée. Skyclad est toujours là, après bientôt vingt ans de services, et ils n'ont jamais été aussi bons. Bon, je vous laisse, j'ai quelques albums des Anglais sur lesquels il faut que je jette une oreille.


Rédigé par : Prince de Lu | 16,5/20 | Nb de lectures : 10786