"Bwaaa, Sikth chroniqué dans VS! Ils ont retourné leur VeSte!". Je débute par cette blague pourrie pour poser ouvertement la question qui ronge certains lecteurs : "Jouent-ils du néo?" et je réponds : "Bah chai pâ!". En effet, à chaque fois qu'il y avait une news à propos du groupe, les commentaires n'étaient pas aussi nombreux que ceux concernant "Big Busted Julie" mais la bataille des étiquettes faisait rage pour savoir si le groupe allait se ranger vers le S de Suffocation ou vers celui de Slipknot. Mais c'est là où surgit l'absurde, le lynchage est proche, car cette pauvre tranche de CD sera toujours désespérément plus près de l'un que de l'autre dans une discothèque bien rangée...

Sophistiqué et trendy? Ca c'est certain. Sikth appréhende le métal d'une manière résolument moderne et peaufine ses ambiances et ses textures musicales avec peu de samples ou de claviers: que du naturel fait à la main (et les pieds c'est vrai, mais que pour les pédales d'effets et la batterie hein!). Les riffs fourmillent et se déploient dans des compos tortueuses et torturées aux passages sombrement barrés qui illustrent magnifiquement les propos du disque (Bland Street Blossom, When the Moment's Gone). The Trees are Dead... était déjà sacrement riche et bien celui-ci le dépasse allègrement en terme de complexité! De plus la prod et le mix sont idéals pour apprécier la technique sans faille des musiciens. Le côté plus polémique du groupe vient du fait qu'il n'hésite pas à incorporer des passages plus softs, voire pops et à venir bastonner Muse sur son propre terrain (In this Light, Where Do We Fall). L'appellation "néo" sous-entend le côté marketé de l'affaire alors qu'ici on s'inscrit dans une démarche artistique intègre. SIKTH ne s'embarrasse pas de savoir si ça va plaire à true du cul ou à jumpy bizkit... Alors oui, il y a du chant clair et des mélodies... Mais c'est du bon chant clair... Et je ne souhaite pas m'étendre là-dessus car cela serait aussi vain que d'essayer d'expliquer la différence entre "un bon et un mauvais chasseur".

Décomplexé et farfelu? Of course my dear! Ce n'est pas non plus les Monty Pythons mais le groupe est marqué par une délicieuse British touch présente tout au long de l'album qui se ressent plus qu'elle ne s'explique. La théâtralité du chant, parfois presque grand-guignolesque, est impressionnante: voix déjantées et vivantes, sur le fil ou se vautrant dans les graves (Mermaid Slur, Part of the Friction). Et puis encore cette technique à faire pâlir d'envie Steve Vai ou Ron Thal et qui file une tendinite au guitariste moyen que je suis(que nous sommes?). Ces références ne sont pas anodines car je trouve que le duo de guitaristes excelle dans l'art de placer plans improbables, dive bombs, solos déjantés ou riffs cartoonesques parfois rigolos (Way Beyound, As the Earth Spins Round, Flogging the Horses).

Puissant et metal? Bien sûr que cette galette a du Powaaaa. Durant 54 minutes copieuses, on a droit à du Metal avec un grand "Mmmm" : riffs power-metal panteresques (riff central de Way Beyond, intro de Part of the Friction), accélérations schizophoniques (Another Sinking Ship), développements progressifs, déclinés, renversés, harmonisés (Sanguine seas of bigotry)... Raaaa (petite bave)... Tout ça soutenu par un batteur de folie au jeu varié: syncopes, blasts, gifles, gicle... et un bassiste qui tue à grand coups de slaps Chuck Norrissiens. Et puis comment ne pas parler des 2 hystériques qui hurlent à l'apocalypse : toujours inspirés, parfois on the edge ou asthmatiformes, ils écorchent, déchirent et charment.

Ainsi, l'imprévisible titille le connu et, même après des heures d'écoute, on reste retourné devant tant de talent, de densité et de couleur.
La variété d'interprétation est vraiment singulière et cela en fait un groupe à part, original dans son approche, unique.
L'important n'est donc pas de savoir à quelle scène appartient Sikth mais de considérer cet album comme une véritable oeuvre, une vraie peinture musicale. Il trouvera alors sa vraie place vers le S de surréaliste.


Rédigé par : Jvice | 17/20 | Nb de lectures : 15497