Franchement, ce n’était pas gagné d’avance. Même si j’ai le plus grand respect pour le combo, l’idée de me taper une bonne tartine de sympho à base de piou-piou me laissait légèrement dubitatif. Il faut dire que le groupe avait fait très fort en balançant en guise d’apéro un clip qui s’égayait allègrement dans un kitsch jubilatoire.

C’est avec l’appréhension et l’inconscience caractéristique d’un concurrent de Takeshi’s Castle que je déballai mon joli cd promo. Avant tout, scrutons un peu ce que les japonais fous nous proposent. Bonne nouvelle, pas de bontempi pour bibi, mais de véritables instruments et la liste est longue comme le pont de la rivière Kwaï. Le mélomane trouvera même un quatuor à cordes. Et puis je ne vous raconte pas la liste d’invités prestigieux. Enfin, n’attendez pas à un caméo de Fergie ou de je ne sais quelle Lady Gaga internationale. C’est prestigieux surtout dans mon panthéon personnel. On a donc le plaisir de retrouver David Tibet qui vient un peu papoter, Kam Lee qui pousse une gueulante au cas où, James Murphy qui mastérise tranquille et Zoltan Pal trombone chez Sear Bliss qui nous gratifie de quelques mignardises. Ah ! C’est bien le genre de détail qui parle à mon petit cœur de midinette. De plus, la participation du hongrois n’est pas je pense uniquement dû à ses talents de dompteur de trombones mais il s’agit aussi de faire couleur locale.

Non parce que si un jour, vous aviez rêvé d’entendre du black klezmer venu tout droit des Balkans, Sigh a exaucé vos prières. Sur la lignée de leur précédent opus qui voyait le combo revenir à leurs premières amours via un black thrash teinté de heavy à la sauce oldschool, Sigh nous assène quarante-trois minutes de sa mixture intense mais cette dernière copule joyeusement avec le No Smoking Orchestra d’Emir Kusturica. Mais ne vous alarmez pas, Sigh n’abandonne pas pour autant son inclination pour les bandes originales de vieux films d’horreur illustrée par des montées dramatiques de cuivres et des riffs occultes comme dans L’Art de Mourir ou The Soul Grave où un orgue seventies nous plonge dans la vieille marmite de la sorcière acide originaire de Finlande.

Lors de cette déferlante, un piano macabre égraine ses notes, durant Musica in Tempora Belli un sax nous joue un petit tour de jazz et le quatuor s’autorise un petit pastiche de Vivaldi. Oui, c’est véhément, le thrash ne fait pas de prisonniers dans le mou et oui la fanfare emporte tout sur son passage. Il n’empêche que tous ces cuivres savent se parer de tous leurs atours. C’est ainsi que la rythmique de The Red Funeral fait le lit d’une marche mélancolique ou que le titre Vanitas bataille dans l’épique. Un peu normal pour un titre en latin, hein ! Les gladiateurs qui saluent Rome ne vont pas trop tarder à clamser.

Il me faut absolument vous évoquer The Summer Funeral puisqu’il s’agit à la fois du titre le plus atypique et le pivot de cet album. Imaginez une valse funèbre complètement éthylique. Après quelques verres, votre serviteur vit débarquer un cortège funéraire accompagné d’une fanfare gitane en plein milieu de son salon. Une fois le défunt mis en terre sous de tristes violons, nous pouvions reprendre une bonne dose de speed dans les dents.

Toute l’œuvre est blindée de mélodies portées aussi bien par les cuivres que par les guitares. Le plus beau de l’affaire est qu’il n’y a rien à jeter; l’album m’a oblitéré le cerveau ! Chaque titre est un « tube » de l’autre monde qui fait que je suis encore en train de danser une gigue macabre et festive tout en sirotant un alcool local !

Au niveau sonore, c’est un peu miraculeux car malgré tous ces instruments et ces orchestrations, nous avons une véritable impression d’épure et de sobriété. Cela est le résultat de l’apparente simplicité de ces compos directes dans ta face combinée à une prod bio. Certes, le camarade moins festif me fera remarquer que les gratouilles manquent un peu d’épaisseur et se perdent un peu dans le mix. En même temps, l’aspect rétrograde n’est pas pour me déplaire et cela possède le mérite de créer une véritable osmose dans ce débarras d’instruments. Sinon, histoire d’avoir l’alcool mauvais, je surprends une batterie un poil unidimensionnelle. Ouais, mais bon, c’est du black thrash, bordel de merde, on n'est pas là pour acheter le fond !

En revanche, ce que je vais comprendre c’est l’allergie que certains vont développer à l’encontre du cocktail improbable d’une fanfare yiddish et gitane venue du fin fond des Balkans et d’un black thrash oldschool qui s’éclate dans des soli heavy du siècle dernier.
Pour les autres, ce sera cure de désintox obligatoire car cette galette est une bonne bouteille à laquelle il est impossible de dire non ! Une fois le verre vide, il devient urgent de le remplir à nouveau. Mais quel skeud ! Déjanté, fou, iconoclaste, inventif, épique, mélancolique, funèbre, festif…Complètement jubilatoire ! Tel un film de Kusturica, il s’agit d’un chef d’œuvre complètement décalé et unique.
A écouter à fond les ballons en matant Underground !


Rédigé par : Dark Rabbit | 18/20 | Nb de lectures : 15888