Avant de commencer, je vais faire deux petites mises au point :
- « Quoi, SHINING sort un album Live ? J’étais même pas au courant. Vous croyez qu’on va voir les scarifications de Kvarforth en gros plan sur le DVD ? » -> Il ne s’agit pas du SHINING suédois ici, mais du SHINING norvégien assez expérimental qui dit faire du « Blackjazz ».
- « Black Jazz ? Mais tu racontes n’importe quoi, y’a rien de Black ou de Jazz là-dedans » -> C’est le groupe lui-même qui a choisi cette étiquette, c'est à prendre ou à laisser. Si le rapport au Black est discutable (mais parle-t-on bien de Black-Metal à vrai dire ?), pour ce qui est du Jazz je vous laisse seul juge, ayant habituellement ce genre musical en horreur (et puis de toute façon, pour ce qui est de donner une définition précise du Jazz…)

Nous voici donc en présence du premier CD/DVD Live des Norvégiens de SHINING, qui arrive après 5 albums studio. Mais le SHINING de Norvège, il fait quoi exactement ? Groupe formé en 1999 à Oslo, le projet débute d’abord bien loin des sphères Metal, œuvrant dans un «« Free Jazz »» (vous pouvez rajouter des guillemets si vous voulez) instrumental porté sur les expérimentations. Le groupe évoluera ensuite à sa manière, devenant de plus en plus barré et se trouvant son propre son. Si leur 3ème effort, In The Kingdom Of Kitsch You Will Be A Monster (2005), posait déjà les bases de leur son d’aujourd’hui, SHINING commencera à se faire remarquer plus sérieusement avec Grindstone (2007), et commença à croiser les chemins du SHINING suédois grâce à ceux qui ne savent pas très bien se servir des moteurs de recherche de l’Internet. Et avec cet album, le groupe commençait à devenir plus frappadingue, et à croiser le fer avec la scène Metal. Mais la révélation au grand jour se fera trois ans plus tard, grâce à la signature chez Indie Recodings et la sortie de leur fameux Blackjazz. Mais alors, leur « Blackjazz », c’est quoi en fait ?

Plutôt que de parler de Black et de Jazz, je parlerais plutôt d’un Electro-Metal progressif assez barré, violent (ça sature pas mal et le chant de Munkeby est plutôt agressif) et expérimental à l’envi en n’hésitant pas à intégrer moult sonorités, à base de synthés et de saxophone, et surtout grâce au batteur-poulpe Torstein Lofthus absolument époustouflant. Des morceaux rythmés en forme de véritables tubes comme "The Madness and the Damage Done" et "Fisheye", des pistes plus développées et frappadingues comme "Exit Sun" et "Blackjazz Deathtrance", et des plages plus jazzy et expérimentales comme "Healter Skelter" (rien à voir avec les BEATLES, attention) et "Omen" constituaient la recette de ce Blackjazz, difficile à appréhender, chef-d’œuvre unique en son genre pour les uns et grand n’importe nawak inaudible pour les autres, mais diaboliquement efficace, original et accrocheur si l’on fait l’effort de creuser et d’y consacrer du temps. La recette a fonctionné dans leur pays natal, où SHINING deviendra très vite une attraction très appréciée, le groupe se faisant inviter dans des shows TV et sera même choisi pour faire la première partie du concert d’adieu de A-HA. Un petit succès en poche et hop, voilà que le groupe en remet une couche dans les bacs, avec la sortie d’un CD/DVD tout simplement nommé Live Blackjazz.

Enregistré au Rockfeller d’Oslo le 3 novembre 2010, Live Blackjazz est comme son nom l’indique centré sur l’album Blackjazz dont il reprend tous les morceaux sauf "Blackjazz Deathtrance" (dommage !). Le pendant audio du DVD (DVD seulement disponible dans l’édition digipack) est amputé de "Omen" et du rappel "RMGDN" (qui était un single sorti à part après Blackjazz). On retrouvera aussi sur ce Live des morceaux du répertoire passé de SHINING : à savoir "In the Kingdom of Kitsch You Will Be A Monster", "Winterreise" et "The Red Room" de Grindstone, et "Goretex Weather Report" de In The Kingdom Of Kitsch You Will Be A Monster. Et curieusement, le CD inverse les deux premiers morceaux par rapport au show, à savoir que "Fisheye" passe avant "The Madness and the Damage Done". Mais bon, peu importe car la mission de SHINING est bien de nous en mettre plein les oreilles avec son art jazzy. L’exécution des morceaux est fidèle à celle de l’album, le tout est carré et sans temps mort (sauf les speechs de Munkeby en norvégien, uniquement présents sur le DVD) et arrache sévère avec un groupe à fond dans son délire, se permettant quelques improvisations ici et là (notamment au niveau du saxophone mais aussi pendant "Healter Skelter" et "21st Century Schizoid Man"). Globalement, SHINING est bien plus agressif et barré que sur album studio, le chant est plus criard et Munkeby se lâche sur les tubes que sont "The Madness and the Damage Done" et "Fisheye", hits qui nous cueillent à froid dès le début et nous font direct entrer dans le set pour ne plus en ressortir. Les morceaux des précédents albums, moins connus, se révèlent ici et notamment le génialissime "In the Kingdom of Kitsch You Will Be A Monster" purement jouissif, ou encore le très rythmé "The Red Room" et le kitschouille "Winterreise". Les morceaux les plus entraînants comme "Exit Sun" et "Healter Skelter" font également leur effet, SHINING assure sur scène et ce Live Blackjazz s’avère être efficace en diable, comme on pouvait s’y attendre vu l’énergie particulièrement communicatrice du « Blackjazz » des Norvégiens. Le CD audio se termine par la reprise de "21st Century Schizoid Man" de KING CRIMSON, seule ombre au tableau selon moi car je n’aime pas vraiment ce morceau sur album, un peu trop longuet et répétitif (perso, je l’aurais fait squizzer pour y placer le furieux "Blackjazz Deathtrance" qui est à mon sens un morceau indispensable de Blackjazz), mais à vrai dire cette pièce passe bien mieux sur le pendant vidéo de Live Blackjazz. Et de pendant vidéo parlons-en…

Avec un son et une qualité d’image impeccables, on découvre le groupe qui est un quintette : batteur, bassiste, claviériste, second guitariste et bien sûr le leader Munkeby qui assure le chant, de la guitare, du saxophone et une sorte de clarinette électrique (?!). Dommage que seul le bassiste, particulièrement en vue, porte le fameux uniforme militaire caractéristique des visuels du groupe. L’énergie du groupe est communicative, mais le public, pourtant conquis, ne s’agite que sur les passages les plus rythmés (public qui semble relativement jeune et assez peu composé de métalleux, même si des devil horns (et des verres de bière) se font voir). Le montage est nickel, chaotique à l’image de la musique de SHINING sans être bordélique, même si les lights se font apocalyptiques par moments, et je déconseille le visionnage du solo de "The Madness and the Damage Done" et de "Exit Sun" à nos lecteurs prédisposés à l’épilepsie, sous peine de nous rejouer un épisode du Dr. House. Malgré quelques passages à vide comme l’ennuyeux "Omen" et les envolées jazzy que j’ai du mal à apprécier, on ne s’ennuie pas en regardant le show que nous propose SHINING, même s’il n’apporte pas de plus-value significative par rapport au pendant audio, si ce n’est les extravagances d’un Munkeby très en forme (« Ayy Ayy Ayy Ayy Ayy ! »). Rien à voir avec des groupes comme THE DILLINGER ESCAPE PLAN qui sautent partout, SHINING reste pro et carré et ne part pas dans tous les sens malgré une musique très barrée à la base. Le show se clôt par "RMGDN", qui est une sorte de longue outro électronique et bruitiste, toujours accompagné du saxo de Munkeby et avec une fin ambiante assez lumineuse. Une preuve que SHINING peut encore proposer quelque chose de différent et surprendre, tout en concluant de fort belle manière un show à son image : démentiel mais accrocheur.

Avec un son aux petits oignons concocté par Munkeby lui-même et par un mixage/mastering fait par des contributeurs à NINE INCH NAILS et MARILYN MANSON (je trouve néanmoins que l’excellent jeu du batteur Lofthus aurait pu être mis plus en valeur), Live Blackjazz est une sorte de best-of (le groupe le présente d’ailleurs de cette manière) qui peut être un bon moyen de découvrir le Blackjazz de SHINING, avec les hits du bien-nommé Blackjazz et d’autres morceaux bien bonnards. La version avec DVD (un digipack épuré mais fort joli) reste quant à elle réservée aux fans purs et durs qui pourront se délecter de la performance de leurs idoles. En somme, une bonne occasion de se mettre à l’art déjanté des Norvégiens pour ceux qui auraient loupé Blackjazz à sa sortie et un Live de qualité, indispensable pour les amateurs du combo explosif et inventif. Excellent disque Live pour un groupe… excellent aussi. 1-3-7-5, 1-3-4-9 !


Rédigé par : ZeSnake | Ayy Ayy Ayy !/ | Nb de lectures : 15214