Shining aura su faire parler de lui malgré la longue attente liée à la sortie de son nouvel opus. Supposé avoir splitté, son projet avant la sortie d'un "IV - The Eerie Cold" accouché dans la douleur, Kvarforth reforme le groupe en s'entourant de têtes connues de la scène suédoise. Officiellement le leader suicidaire veut donner des lives et ne peut plus compter sur les anciens membres trop éloignés géographiquement (bye bye Hellhammer). Il en profite pour signer un deal avec Osmose, deal dont le premier fruit sera un album intitulé "V - Besvikelsens Dystra Monotoni". Osmose réédite les deux premiers albums en digipack pendant que le groupe travaille son jeu de scène et autres jetés de gobelet de sang pour les concerts. Nous sommes en 2005.

Et puis, en mars 2006, après une poignée de prestations live, John Doe et Casado sont remplacés respectivement par Gråby (Ondskapt) et Huss. Après quelques autres dates en Europe, le groupe entre en studio en avril pour mettre en boîte ce nouvel album dans les locaux de la radio Halland. Rickard Bengtsson (qui a déjà co-produit "The Eerie Cold" avec Kvarforth) termine le mixage en juillet 2006 et Shining annonce qu'ils n'ont jamais autant brassé de styles musicaux et qu'ils vont perdre 95% de leurs fans avec ce nouvel opus. Et, au mois d'août, ça devient un peu n'importe quoi.

Après que des rumeurs aient circulé sur le net, le groupe annonce officiellement par un communiqué que Kvarforth a disparu depuis quatre semaines, qu'il s'est probablement suicidé et qu'il a laissé le nom de son remplaçant, un certain Ghoul, qui prendra sa place dès la release party du nouvel album. Mais l'effet de l'annonce sur Ghoul fait long feu car la sortie de l'album dérive lentement mais sûrement. En réalité, le groupe prépare soigneusement le spectacle de son retour sur les planches avec un show extrême et une mise en scène provocatrice qui va faire hurler les bien-pensants. Kvarforth débarque grimé en zombie sur scène pour latter son soit-disant successeur qui n'est autre qu'Attila déguisé en paillasson : du gros show. L'orgie destructrice accueille également Maniac et Nattefrost pour un moment d'anthologie que certains regrettent d'avoir raté. Au final, le nouvel album ne sort réellement qu'en avril 2007, une longue année après le début des prises de son. Et dernier point concernant son titre remanié, Halmstad est tout simplement la ville de résidence de Kvarforth. Venons maintenant au présent objet du délit et de nombreux commentaires depuis que le promo circule sur le net.

Kvarforth avait raison : de nombreux fans vont hurler à l'écoute de "V - Halmstad". Avec "The Eerie Cold", Shining était l'amoureux éconduit qui vient éructer sa haine suicidaire sous votre balcon. Avec "Halmstad", le groupe se transforme en votre meilleur(e) ami(e) qui vous chuchote que votre existence ne vaut pas la peine d'être vécue. Plus intimiste, d'apparence moins démonstratif mais plus musical, ce nouvel album ouvre l'univers de Shining à d'autres courants. On retrouve encore par instants un socle issu de son black dépressif, mais il est maintenant mixé avec du rock et du heavy, voire même du blues. Ah ben oui, on ne s'attendait pas à ça.

En l'absence de Hellhammer, les parties de double triggées en hyper vitesse ont disparu. Les morceaux sont relativement lents, avec des riffs au feeling bluesy qui collent au bitume. S'il y en avait déjà un peu sur "The Eerie Cold", beaucoup de solos avec un feeling rock font leur apparition. On se croirait par instants transportés dans un album de heavy/thrash début 90, comme le montre le côté Megadeth du début de "Längtar Bort Fraan Mitt Hjärta" (et son petit interlude acoustique) ou les intonations crooner au milieu de "Neka Morgondagen". Une pensée vers Apocalyptica est aussi plausible dans l'intro au violoncelle de " Besvikelsens Dystra Monotoni". De même, difficile de ne pas penser à Satyricon dans le riff d'intro de "Laat oss ta allt fraan Darandra". Mais contrairement aux Norvégiens, le morceau ne reste pas bloqué sur ses riffs rock'n'roll et s'aventure brutalement vers un thème de piano mélancolique qui tranche complètement avec l'énergie de son début. Et c'est là toute la force de Shining.

S'extirpant du style qui l'a fait connaître et qui devenait réducteur, le groupe parvient à digérer de multiples styles et à proposer une vision personnelle de son art en mélangeant des genres apparemment antagonistes à son black d'origine. Rien que pour cette prise de risque, il ne peut mériter que tout notre respect. On le sentait venir dans "The Eerie Cold" : quelque chose était en pleine mutation et Kvarforth annonçait la fin d'un cycle. Plus j'écoute "Halmstad", plus je m'émerveille devant la musicalité de l'album. Là où Forgotten Tomb s'est étalé avec une alternance de morceaux moyens à l'ancienne avec des morceaux "nouveau style" bidon, Shining réussit l'osmose (et ça va faire plaisir au label). Des moments calmes et tranquilles prennent l'apparence de distorsions anormales et malsaines de la réalité, comme c'est le cas des thèmes de piano. Les interludes acoustiques ne sont là que pour contraster de manière anachronique avec la grosse rythmique qui les suit. Et le tout est mené par les vocalises hallucinantes de désespoir de Kvarforth. Le hurleur arrive par sa voix à créer le malaise dans des moments instrumentaux qui semblent anodins. Superbe pendant 42 trop courtes minutes. C'est un gros pavé dans la mare que vient de jeter Shining. Très gros. Qu'il est bon de se le prendre en pleine face.

Parce que vous êtes sympas et que vous ne parlez pas le suédois couramment, je vous donne la version anglaise de la tracklist qui avait traînée dans les news à un moment :
1. Yet another Step towards complete Fucking Desolation
2. Longing away from my Heart
3. Let us take All from the One and the Other
4. The Dismal Monotony of Disapointments
5. Eightthousandfourhundered
6. Deny the Day of Tomorrow




Rédigé par : Prince de Lu | 18,5/20 | Nb de lectures : 22588