Black métal, true black, black suicidaire qu'importe l'appellation puisque seul compte le résultat. Shining c'est en fait l'interprétation à la note prés de la partition que constitue la vie d'un maniaco-dépressif. Emportements frénétiques d'obédience black métal représentatifs des phases euphoriques durant lesquelles les impressions de puissance et d'invincibilité supplantent toutes les autres émotions. Phases d'accalmies symbolisant la pression qui retombe, laissant ainsi la place à une cohorte de sentiments plus obscurs qui auront tout le loisir de semer le doute dans un esprit déjà plus très clair. Et enfin dépression profonde et agonie mentale représentées par des hurlements désespérés.
Voilà comment résumer la musique perverse de Shining, elle passe d'une étape à l'autre sans prévenir, les mélange entre elles, comme cette maladie qui ne prévient pas pour enclencher le processus d'autodestruction. Pire, dans les moments de déprime, Shining ne vous tend pas une main secourable, il vous charme tout doucement puis vous pousse violemment dans le dos histoire de vous rapprocher un peu plus du précipice. Comment expliquer autrement cette intro, en complet décalage avec ce que le black métal est sensé proposer ; instant de calme, de beauté même avec juste un soupçon de mélancolie. Comment se douter que le morceau : « I Och Insikt Skall Du Förga » évoluera vers un black vicieux à la fois moderne et respectueux des traditions du genre à vous rendre accro dès la première écoute. A ce stade, au bord du gouffre, on entr’aperçoit à peine le potentiel du groupe qui va exploser sur le deuxième titre « Vemodets Arkitektur » et par la même vous déverser son lot de mal être en pleine figure. Riffs incisifs et lancinants dans la grande tradition black avec en plus ce soucis de la mélodie perverse, basse omniprésente, double grosse caisse ahurissante de rapidité mais très en retrait en début et fin de morceau, break impressionnant, bref l’envoûtement est à son maximum. Musicalement le groupe est extraordinairement en place sur la totalité de l’album et se permet toutes les folies comme l’incursion de tempos rock n roll au milieu de passages black ; des solos au feeling immense « Nagonting Ar Jävligt Fel » ; des parties de batterie à la frontière du jazz avec une utilisation des cymbales toute en finesse typique de Hellhammer ; des passages atmosphériques limite aériens sur « Eradication Of The Condition » qui vous amèneront bien haut histoire que la chute fasse encore plus mal ; de la guitare acoustique ; tout est fait pour déstabiliser, déranger. Kvarforth en est d’ailleurs le principal responsable, sa prestation vocale remarquable se fait l'écho d’une souffrance quasi palpable derrière chaque cri, chaque murmure ou chaque lamentation. Il n'a de cesse de moduler sa voix et d’alterner les registres accentuant ainsi le sentiment de malaise général, parfois en complet décalage avec la musique lorsqu’il pose des cris déchirants sur des plages atmosphérique « The Claws Of Perdition ». En véritable chef d’orchestre il joue avec les contrastes afin de mieux nous tourmenter l’esprit.

The Eerie Cold est le quatrième et dernier chapitre de la Black Era, les six perles noires constitutives de cet opus montrent un Shining très mature qui a laissé derrière lui les poncifs du genre pour se concentrer sur la force de sa musique sans aucune limitation stylistique. Le résultat est sans équivoque possible : noir et intense. L’écoute au casque est d’ailleurs chaleureusement recommandée pour ressentir au mieux l’ambiance maladive du disque, en toute connaissance de cause bien entendu.


Rédigé par : Dark Tranquilou | 18/20 | Nb de lectures : 14881