Si vous êtes comme moi, vous possédez dans votre discothèque quelques oeuvres que vous considérez intouchables. Des mètres étalon, des valeurs refuge vers qui se tourner lorsque le doute vous assaille, lorsque votre petit monde intérieur est en crise. Des temples de votre foi personnelle, inébranlables et rassurants.
Dans mon panthéon à moi, l’autel dédié au Brutal Death possède - entre autres reliques - quelques écrits de Saint DISGORGE, des enregistrements des padres DEFEATED SANITY et SEVERED SAVIOR ainsi que des poils pubiens de Mike Smith.
De peur de les voir perdre de leur efficacité, ces oeuvres ne voient que rarement la lumière et leurs prescriptions font l’objet d’une automédication maîtrisée. 2009, hélas, ne m’a pas vraiment laissé de choix: la pauvreté de cette année m’a forcé à consommer. En lotion auriculaires, baumes rectaux et enfin directement en intraveineuse, je suis entré en audiothérapie lourde de peur de vivre une terrible crise de foi. Les dieux du Brutal Death nous auraient-ils abandonnés?
Non, mes frères! Que les sorties prochaines des nouveaux DEFEATED SANITY et SPAWN OF POSSESSION annoncent pour vous le temps des réjouissances. Et repaissons-nous de cet excellent SEPTYCAL GORGE qui, le premier, sonne le glas de cette période de disette.

“Growing Seeds of Decay”, leur premier album, avait fait de SEPTYCAL GORGE les meilleurs représentants transalpins du Brutal Death à la sauce californienne. Après quelques changements de line-up, (l’arrivée de Davide Billia, blasteur fou de PUTRIDITY, et du bassiste de BLASPHEMER, Claudio de Rosa), “Erase the Insignifiant” efface la concurrence.

Si leurs premiers méfaits avaient jeté les bases d’un Brutal Death incisif qui trouvait sa place aux côté de DEEDS OF FLESH ou INVERACITY: des SUFFOCATION-like à la composition limpide et efficace, on sentait pourtant chez SEPTYCAL une volonté de franchir, sans toutefois y parvenir, le seuil de la brutalité quasi mystique atteint par DISGORGE.

“Erase the Insignificant” est ainsi marqué par ce but: trouver l’intensité. Aller au-delà de la violence et de la technique pour que la musique reprenne un sens. Et il est difficile à trouver, ce signifiant, au sein de la folie de riffs et de blasts qui compose l’album. Au premier abord, “Erase...” n’offre qu’une masse compacte de rythmes et de growls, de “8th notes” et de trémolos. Il se dégage pourtant une atmosphère oppressante qui n’existait pas jusqu’alors. L’utilisation d’accords plus vicieux, lents et glauques; de ralentissements opportuns, le travail de certaines lignes très progressives perdues dans la masse brutale, agissent presque de manière subliminale pour instiller une ambiance et une sensation d’intensité obscure. On n’est pas encore au niveau de “Consume the Forsaken”, la production est trop claire et la composition est trop “lisible”, mais on pense à DECREPIT BIRTH et son culte “And Time Begins...”, à “Inbreeding the Anthropophagi”...
Les compétences techniques, la vélocité et la justesse d’exécution sont remarquables. Le groupe offre une oeuvre complexe portée par un travail phénoménal, une qualité d’écriture et un souci du détail qui ne franchissent pas l’étroite frontière de l’hermétisme... On pourrait juste souhaiter, et c’est paradoxal, un peu plus de feeling et de liberté (du côté de la batterie, par exemple) dans cette masse compacte et calibrée au micron près.

Il serait imprudent de prédire à “Erase the Insignifiant” un statut d’album culte quelques mois seulement après sa sortie, d’autant qu’il ne semble pas encore récolter de lauriers bien glorieux. Il possède néanmoins les qualités des albums qui durent et qui se laissent découvrir au fil du temps.
Un sommet du Brutal Death européen, et un groupe à ne rater sous aucun prétexte en concert.