C’est un scandale. A l’heure où l’on parle en ces pages web du très attendu 1er album de bidule, du 4ème album de la confirmation pour machin, ou encore du 13ème album des vétérans trucmuche, on a complètement occulté le 65ème album de SENMUTH ! Un scandale je vous dis ! Heureusement que je suis là pour réparer cet oubli impardonnable !

Redevenons sérieux deux minutes et faisons un petit retour en arrière. SENMUTH est un one-man band russe formé en 2004 sur les cendres de ANIMA, projet qui avait sorti… 30 stuffs en 6 années d’existence. Tout seul (ou seulement accompagné de quelques guests), le moscovite Валерий (Valery) se pose et compose, c’est ici qu’est le secret plutôt simple de sa productivité. Après avoir affirmé sa personnalité artistique avec ANIMA, Valery a donc fondé SENMUTH pour continuer son périple musical. A l’heure où j’écris cette chronique, il en est à 75 sorties sous le nom SENMUTH (dernière en date : Хиперперакион (Hyperperakion)), en un peu plus de 6 ans donc. Et encore, en comptant les sorties de ses projets parallèles un peu moins actifs (TENOCHTITLAN, NENASTY, ARMAHIS, BITRAYER) ainsi que les sorties d’ANIMA, le compte en est aujourd’hui à 114 stuffs (incluant albums, singles, compilations). Alors certes, bien que SENMUTH rivalise volontiers avec la cadence de MERZBOW, on est encore loin du ratio albums/année du projet de Drone BULL OF HEAVEN (320 sorties en 3 ans, dont certaines ont une durée de plusieurs semaines ! Je laisse les curieux chercher à en savoir un peu plus), mais notre ami Valery se pose comme un artiste particulièrement prolifique, mais surtout créatif.

Et créatif dans quel domaine me direz-vous ? Le projet s’auto-identifie comme faisant de l’« Egyptian Dark Industrial Ethnic Music ». On retrouvera donc dans ses œuvres principalement de l’Indus (dans les guitares ou dans les ambiances plus sombres) et du folklore ethnique, surtout égyptien mais pas seulement (l’Amérique centrale, l’extrême-orient, ou des sujets plus occidentaux et actuels). La grande majorité de ses albums sont plutôt à classer comme une sorte de Darkwave ambiante à guitares mélodiques (le bougre n’hésite pas à nous gratifier de nombreux solos) avec divers éléments folk (sitars, flûtes…) ou tribaux (les percussions notamment). Mais cette facette du projet ne nous intéresse pas vraiment ici, bien que rien ne vous empêche d’aller y jeter une oreille (il y a quelques redondances au fil des albums bien évidemment, mais les ambiances sont plutôt variées). Bien qu’il touche encore à d’autres styles (EBM, gothique, alternatif, ambient cosmique…), intéressons-nous plutôt à son côté plus Metal, qui n’est certes pas nettement majoritaire dans sa discographie, mais qui est toujours assez réussi. Pour cela, j’ai donc choisi de vous parler de Секененра (Sekenenra), sorti un peu plus tôt cette année (2ème album de 2010 après Chambers et avant Deathknowledge & Lifeperception, j'ai bien suivi), qui met bien en avant les guitares dans son art ethnique.

L’Egypte ancienne, c’est bien le sujet préféré de Valeriy. Passionné par sa beauté, sa grandeur et ses mystères, il en a fait le thème dominant de SENMUTH. Et surtout pour ses albums plus Metal. Секененра évoque donc le pharaon Séqénenrê Taâ II, qui est le dixième pharaon de la XVIIème dynastie. Tout en remerciant Google je précise que je ne pourrai pas vous en dire plus sur ce qui est évoqué dans cet album, ne lisant pas le russe bien que toutes les paroles sont disponibles sur le site de SENMUTH. Comme il y a des paroles il y a du chant, ce qui n’est pas forcément le cas sur les albums ambiants du projet. Les parties de chant de Valery sur Секененра sont donc dans leur intégralité en russe, et c’est un chant plutôt clair tout du long, qui peut se faire parfois plus sombre. Bien évidemment il faudra donc s’adapter à ce type de chant russe qui peut rebuter au premier abord, même si Valery se débrouille très bien, et que ce chant est parfaitement adapté aux ambiances. Parlons maintenant de l’accompagnement musical : sur Секененра SENMUTH pratique un Metal plutôt sympho (quelque peu martial par moments, un pharaon c’est grand et dominateur voyez-vous), à la fois mélodique (dans les leads) et plutôt sombre (dans les rythmiques plus directes). Le jeu de guitare de Valery n’est pas très étoffé (il se dit plutôt limité techniquement), mais l’ensemble est tout à fait correct, avec des solos épiques et des riffs incisifs à teneur plutôt Metal-Indus, qui peuvent évoquer des groupes comme FEAR FACTORY (sans le côté syncopé). Le côté sympho oriental, quant à lui, emprunte pas mal à SEPTIC FLESH voire à certains morceaux de THERION, avec un petit côté tribal du plus bel effet. Les ambiances égyptiennes devraient quant à elles titiller l’esprit des fans de NILE et notamment du projet solo de KARL SANDERS. Секененра est un peu un mélange de tout ça, bien que dans sa globalité l’album, entrecoupé de passages plus ambient, est très personnel. La production est franchement excellente pour un projet solo autoproduit, mettant bien les instruments en valeur (la batterie est programmée mais sonne très bien) et fusionnant de fort belle manière les ambiances égyptiennes avec les éléments plus métalliques. Valery prend bien le temps de développer ses atmosphères au sein de morceaux plutôt longs (de 7 à 15 minutes ici) et parfaitement construits, avec des passages efficaces à gros riffs et d’autres plus éthérés. La musique de SENMUTH constitue un véritable voyage musical, et les albums Metal ne dérogent pas à la règle tout en permettant plus d’accroches grâce aux guitares et au chant. Il en résulte que Секененра est un magnifique petit album de Metal oriental épique, assez original et dépaysant, et surtout bien ficelé.

Alors pour quel motif donnerai-t-on une chance à SENMUTH ? Tout d’abord pour la qualité de sa musique et de ses efforts Metal pour un projet solo plutôt confidentiel (et autoproduit), bien que la productivité semblant déraisonnée du projet puisse faire naître le doute. Et aussi parce que toutes les sorties de SENMUTH sont en téléchargement libre et légal sur son site officiel. Секененра est donc une sortie uniquement digitale, c’est pourquoi je ne mettrai pas de note (il s’agit ici de faire une petite découverte avant tout). Si vous avez 50 minutes de votre temps à dépenser et/ou que le style égyptien/oriental vous parle, il ne vous coûtera rien de tenter l’aventure. Et si les charmes de Секененра ont agi sur vos esgourdes, je vous conseillerai tout d’abord l’album Себек (Sebek) sorti l’an dernier qui officie dans le même style que Секененра, en un peu plus sombre et brutal cependant. Et si vous êtes courageux, vous pourrez tenter de vous plonger dans les 3h30 (!) du concept-album sur l’Egypte ancienne Ахет Мери Ра (Akhet Mery Ra) également sorti en 2009. Il ne me reste plus qu’a vous souhaiter une bonne écoute et espérer que vous fassiez une agréable découverte en vous intéressant de près à ce projet atypique mais plus que sympathique, et à vous passer le lien pour récupérer Секененра : http://www.senmuth.com/65.html


Rédigé par : ZeSnake | / | Nb de lectures : 12840