SEIRIM - Kill. War. Chaos (Cudgel Agency) - 18/10/2002 @ 09h59
Le pire c'est qu'ils ne sont pas mauvais... Comprenez-moi bien, je n'ai aucune dent particulière envers les Allemands de Seirim, d'autant moins qu'ils sont de Saxe et que cette charmante région m'est chère. Le problème se situe ailleurs, peut-être dans le fait que, dans la scène metal comme à la gare, il y a ceux qui prennent le train et ceux qui restent à quai. L'adage nous dit " partir, c'est mourir un peu ", et il y a un sens à ça. Mais rester, n'est-ce pas se condamner à mourir sans être jamais parti voir ce qui se passe ailleurs ? Le dilemme est alors de savoir pour quelle branche de l'alternative opter : le confort béat de l'ignorance pantouflarde ou la fortune périlleuse de l'expansion culturelle et des nouveaux horizons. Tentative d'interprétation par une autre volée de questions : combien de groupes se sont sabordés en ayant cherché l'évolution, en ayant voulu outrepasser les frontières fragiles sur lesquelles ils se trouvaient en équilibre ? Quelle est la propension du public à accepter de voir changer ses idoles ? Pris sous l'autre perspective : que fait-on généralement au sortir d'un bide ? Et quand bien même l'aventure vaudrait la chandelle, qu'advient-il de l'explorateur une fois qu'il a ouvert toutes les portes de tous les temples ? Bien vu : il revient aux sources. Ayant mordu à pleine dent dans le fruit de l'existence et de ses périples, quoi de plus rassurant et gratifiant que de palper à nouveau les quatre murs bienveillants du terrain connu ? Repu d'exotisme ou de gloire (ou des deux), il regoûte aux délices oubliés de l'oisiveté, il peut enfin se permettre à nouveau d'être simple, de se poser comme un pacha dans le biotope de sa jeunesse et de laisser venir. Et puis surtout il écrase une petite larme en retrouvant ceux qui, par conviction ou nécessité, n'ont jamais pris le train... Il va revoir les gentils death-métalleux du cru en concert à la MJC locale, comme tous les troisièmes samedis du mois depuis la nuit des temps. Il headbangue comme au bon vieux temps sur les mêmes morceaux qu'il y a dix ans et d'autres plus récents qui, ô enchantement de l'immobilisme, sonnent à l'identique de ceux d'il y a dix ans. Il couve avec nostalgie du regard les filles qu'il a voulu emballer autrefois et qui aujourd'hui au fond de la salle, pendues au bras d'un des anciens gros bœufs du lycée, ne sont plus que l'ombre déjà ridée des tigresses vampiriques qui lui faisaient tourner le sang à la belle époque. Il se paye une pinte de la même pisse jaunâtre que Jean-Luc le barman commercialise toujours miraculeusement sous l'étiquette " bière ". En constatant qu'il n'arrive plus à ingurgiter le breuvage légendaire autrement que par petites gorgées laborieuses et a moitié dégoûtées, l'explorateur est subitement secoué d'une déprime indicible. Un dernier coup d'œil vers la scène. Bah... Finalement les zicos ont bien pris de la bouteille eux aussi, et en définitive qu'est-ce que c'est barbant, ce qu'ils jouent ! Comment a-t-il pu jadis considérer ça comme le nec-plus-ultra en matière de metal brutal ? Quelques poignées de main polies, quelques regards où se mèlent curiosité, admiration et défiance, puis il prend congé de l'assistance. Le chemin du retour est long et désert. Tout-à-coup les ombres protectrices de son pays natal lui semblent devenir froides et lointaines, comme si elles le blâmaient pour sa trahison. Il referme la porte de sa maison, penaud et envahi par un désagréable sentiment d'incompréhension. Tout autour de lui lui semble désormais si vague, si lointain, pourtant si proche dans sa réalité comme dans ses souvenirs. Oui, toutes ces choses il les a aimées autrefois, et c'est davantage que de l'affection qu'il ressent encore aujourd'hui à leur égard, mais lui, passe-t-il toujours dans leur décor ? Le naturel ouvert et dépouillé des autochtones, les fragrances capiteuses de l'équarissoir porcin de la voisine Gisèle, le death/black primitif et joyeusement sans avenir de ce groupe (comment est-ce, déjà ?... Ah oui, Seirim). En les écoutant jouer ce soir d'une oreille certes distante, mais plus que jamais aiguisée, la complémentarité rodée et le bagage instrumental des musiciens n'ont pu lui échapper, et il a songé avec une pointe de morosité que les garçons auraient pu aller plus loin, beaucoup plus loin, s'ils avaient voulu se donner les moyens de mettre leur compétence au service de compositions un peu plus riches et originales, s'ils ne s'évertuaient pas aussi obstinément, après 11 ans de carrière, à écrire exactement sur le même modèle qu'à leurs débuts pour le même résultat, restant ainsi incorrigiblement anonymes au milieu du marais des centaines de groupes est-allemands pratiquant un style analogue (Purgatory, Harmony Dies et Maledictive Pigs en tête). L'explorateur secoue la tête et va se servir un scotch pour se soigner les idées : il finira bien par se réaccoutumer à tout ça, après tout si la roue de la vie tourne inexorablement, qu'est-ce qui l'empêcherait de tourner aussi en marche-arrière ? Une heure plus tard, il somnole gauchement, avachi sur le sofa de son salon. Les ultimes effluves du dernier Arcturus flottent en travers de la pièce. A son réveil, il aura enterré ses interrogations mélancoliques, et Seirim ne sera plus rien que cet honorable groupe de death/black qui mouline inlassablement sur les mêmes chemins avec le même braquet, sans jamais s'encombrer de questions. Un groupe heureux, en fin de compte...


Rédigé par : Uriel | 12/20 | Nb de lectures : 7463




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