Chronique du premier album de Sea Witch en quelques citations…

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé - Alphonse de Lamartine
L’être manquant est pourtant une pièce maîtresse du dispositif musical. L’absence de chant donne habituellement un manque cruel de variation et met une pression non négligeable sur les épaules des musiciens. Les 2 moussaillons, JL à la guitare et basse, SJ à la batterie et accordéon, s’en sortent plutôt bien dans cet exercice. Ils présentent The Blackened Sea, doom instrumental de bonne facture, heavy, racé, tournoyant, et qui retranscrit à merveille l’univers qu’ils cherchent à déployer, issu de leur culture côtière, et savamment mis en valeur par le superbe tableau de Gustave Doré.

La délicatesse des gestes révèle celle des sentiments – proverbe africain
Sea Witch doit avoir le cœur lourd, habité de sentiments profonds, le duo mettant le doigt sur leurs émotions à travers ce doom instrumental. Leur délicate musique est nostalgique et met en exergue l’appel du large. Elle retranscrit ces sonorités chargées d’humidité, de conditions climatiques extrêmes où l’océan attire autant qu’il n’effraie. La Nouvelle-Ecosse, province sur la côte atlantique du Canada, regorge de contes où la mer fait figure de pièce centrale. Le duo retranscrit l’imaginaire développé autour de cette province maritime, où le marin seul en pleine mer se raccroche au phare qu’il aperçoit au loin, son point lumineux symbolisant l’appel au retour sur terre, synonyme de refuge et de retour à la sécurité. Pas de martelage sonore ni de tambourinage, on ne maltraite personne ici, ce premier opus est un voyage en pleine mer où l’auditeur navigue peux être avec crainte, mais revient à bon port. Le duo choisi la finesse à des aspirations plus violentes et/ou angoissantes.

Faites le bien et vous ferez des ingrats – proverbe québécois
Les 2 seuls membres à bord n’offrent pas l’absolue jouissance musicale, mais tout de même une belle pièce de doom instrumentale façonnée seule et menée de main de maître. Les titres n’y voient pas chaque note se blottir serrées les unes aux autres, leurs laissant de temps de respirer et de créer un univers pesant et presque marin, serais-je tenté de dire, car la musique est en parfaite corrélation avec son visuel : sombre, chargée d’embruns et tenu d’une tension certaine. Les longs morceaux (de 5:20 à 14:26 minutes) cheminent et les riffs déployés, enivrants et cycliques, laissent un sentiment contradictoire, puisqu’il ne se passe pas grand-chose, et défilent pourtant à toute allure sans lasser ne serait-ce qu’un seul instant. Même sans coup de pouce, The Blackened Sea est réussi, avec une belle dynamique maîtrisée tout au long de ces 55 minutes et une faculté à ne pas ennuyer son auditeur, véritable souhait que tous les combos instrumentaux n’arrivent pas forcement à exaucer.

Exige beaucoup de toi-même et attends peu des autres. Ainsi beaucoup d'ennuis te seront épargnés – Confucius
En enregistrant seuls, les canadiens s’évitent d’être suspendu au bon vouloir des autres. Pas de label. Pas de réseau de distribution. Production locale. K7 enregistrée par leur propre soin, aucun autre format ne voyant le jour, exceptés les fades mais désormais indispensables mp3. En demandant peu, ils ont les mains libres et peuvent offrir en toute décontraction ce premier effort 100% issu de leur travail.

Il ne faut pas être plus catholique que le pape – Proverbe québécois
Sea Witch ne cherche pas à en mettre plein la vue et être ceux qu’ils ne sont pas. Ils n’essayent pas d’être les plus extrêmes, les plus lourds, les techniques. Ils sont eux-mêmes, et le font bien, jouant sur leur amour du doom qu’ils accommodent à leur patrimoine culturel. The Blackened Sea est un bon premier album instrumental de Nautical Doom qui respire le large et fait voyager son auditeur.





Rédigé par : Bras Cassé | 15/20 | Nb de lectures : 8513